9. L'affrontement

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Lorsqu'on arriva devant le lycée et que Madame Jones nous souhaita une bonne journée pour nous pousser à descendre, je n'osai pas bouger. La main de Marin était encore sur ma cuisse, bien qu'elle ne prit pas longtemps pour s'en détacher. Dès que ce fut le cas, il sortit immédiatement de la voiture sans prendre le temps de dire au revoir à sa mère. Je pris plus de temps que lui, affaiblie par les émotions et par toutes les pensées qui se bousculaient dans mon crâne bien trop plein. J'avais encore trop de mal à comprendre chacune des actions de Marin. Lorsque je sortis à mon tour, mon réflexe fut immédiat : je ne devais pas aller en cours. Je ne pouvais pas, c'était trop et ce n'était pas pour moi. J'allais aller n'importe où, mais pas là. Toutes ces ondes négatives qui tournent autour de cet endroit me donnaient le tournis et ça n'allait qu'empirer. La voiture démarra et partit en trombe. Je n'avais jusqu'à présent pas bougé de devant la portière et Marin non plus. On se faisait donc face, sans pour autant oser se regarder. Je ne comptais pas ne pas agir cette fois. Je mis mon sac sur mon épaule et partis dans la direction opposée à l'entrée du lycée.
<< Où est-ce-que tu vas ?
Je m'arrêtai net mais ne me retournai pas. C'était la première fois qu'on se reparlait depuis le baiser et je refusais qu'il m'adresse la parole comme si de rien n'était.
- Ça ne te regarde pas !
Comme d'habitude, il fallait qu'il se mêle de mes affaires, c'était plus fort que lui. Je continuais mon chemin.
- Arrête-toi et vas en cours.
Il osait me donner des ordres après tout ce qu'il me faisait endurer ! Je me retournai brusquement et croisai enfin son regard.
- Tu n'as pas à me dire ce que je dois faire, tu n'es pas mon père ! >>
C'est normal, je n'ai plus de père... Il haussa les épaules et partit pour rentrer dans le lycée sans ajouter un mot. J'avais l'impression qu'il me jouait tous les jours la même scène où il faisait semblant de s'intéresser à mes problèmes puis ensuite faisait semblant de n'en avoir rien à foutre. Son but était que je ne comprenne pas ses attention. Sont-elles mauvaises ? Bienveillantes ? Indifférentes ? Il est le seul à le savoir, enfin j'imagine.

J'avais dans un premier temps pensé que je pourrais passer la journée à la bibliothèque de la ville. Finalement, je me suis dit que pour rester éveillée, j'allais plutôt faire des tours de transports en commun. Oui, au delà du divertissement que cela représentait, j'allais découvrir la ville et paraître normale. Je ne pouvais pas paraître normale si je restais la journée entière enfermée à la bibliothèque, bien que là-bas je me serais faite discrète. Dès que j'aperçus le premier arrêt de bus, je m'empressai de m'y rendre. J'attendis seulement quelques minutes avant qu'il arrive. Je montai encore hésitante puis allai m'asseoir au fond. Je ne sais même plus combien de temps je restai assise là-bas, mais dès que j'en eus assez, je descendis sans savoir où j'étais. C'était une grande place où au centre j'aperçus une fontaine. Le sol était recouvert de pavé et tout autour de moi je ne voyais que des commerces. C'était beau, c'était vivant. Il y avait un peu de monde malgré qu'à cette heure les gens travaillent. Il n'y a rien à dire, la Floride donnerait envie à n'importe qui. Mais pas moi. Après avoir vécu à Forks, rien d'autre ne pourra jamais rivaliser à mes yeux. Je met tout de même ma peine de côté pour essayer de profiter du soleil et du peu de bonne humeur qui se réveille en moi.

Finalement, je n'avais rien trouvé à faire. J'étais entrée dans quelques boutiques puis en étais sortie aussitôt, abasourdie par les prix déments. Je m'étais assise un moment sur le bord de la fontaine, pensant pouvoir bronzer un minimum. À présent, j'étais juste debout à ne rien faire, avec pour seul camarade mon sac à dos. Seulement vingt minutes s'étaient écoulées, je le sus en apercevant le bus que j'avais pris arriver de nouveau. J'eus envie d'y monter pour rentrer chez moi, cette escapade en centre-ville étant ridicule et inutile. Je m'en suis tout de suite voulu d'être venue ici, ça n'avait aucun intérêt. Alors que je m'approchais du bus qui venait de s'arrêter, je me stoppai brusquement et revins sur mes pas en apercevant Marin en sortir. Je m'éloignai rapidement de lui en espérant qu'il n'eut pas le temps de me voir. Mais qu'est-ce qu'il faisait là ?! J'essayais de me persuader qu'il ne m'avait pas suivie, qu'il était là pour ses propres affaires et qu'il ne tentait pas à nouveau de fouiner dans les miennes. Je ne me retournais pas mais ne savais pas non plus où est-ce que j'allais. À quoi bon, il allait me voir. Je n'en pouvais plus de constamment fuir l'affrontement et d'avoir à revivre cette même scène indéfiniment. S'il a quelque chose à me dire, qu'il me le dise. Et si j'ai quelque chose contre lui, que je l'en informe. Pour autant, je ne comptais pas me retourner et lui faire face. J'avançais le plus normalement possible, sans me faire remarquer. J'allai me poser sur un banc un peu éloigné mais tout de même proche des commerces et de la fontaine. Je m'y installai dos à l'arrêt de bus et comptais attendre quelques minutes afin d'être sûre que Marin aurait disparu. Bien sûr, ce ne fut pas le cas.
<< Salut, Hannah.
Il se trouvait derrière moi. Je ne voulais pas me retourner et affronter son regard dénonciateur. Il allait me dire que je devrais retourner en cours, que je n'avais rien à faire ici.
- Tu sens la clope.
C'était vrai. Je lui lançai un petit pic sur le fait que c'était désagréable et injustifiable.
- J'ai fumé avant de monter dans le bus.
Il ne cherchait pas à s'excuser ou à se justifier.
- Tu trouves ça cool ?
Il soupira, mais pas d'exaspération. Il ne contrôlait pas la conversation et ça le dérangeait.
- Ça te dérange si je m'assois ?
Comme à chaque fois, on ne répond pas à nos questions, on cherche toujours à les détourner, et ça ne me plaît pas. Je me retournai brusquement et le fixai dans les yeux. Je vis que ça le destabilisa, pour la première fois, et moi aussi. J'eus envie de baisser les yeux mais je fis en sorte que ça n'arriva pas. J'attendais une réponse. Il haussa les épaules.
- Je ne trouve pas ça cool. C'est con. Je suis juste con.
Il n'attendait pas que je démente cette affirmation. Sans demander à nouveau, il s'assit à côté de moi, mais faisant face à la fontaine. On attendit un peu avant de relancer la conversation.
- Tu dois vraiment être un sacré sociopathe pour me suivre jusqu'ici.
J'entendis, malgré que je ne le regardait pas, que ça le fit rire.
- Crois-moi ou non, c'est une pure coincidence.
Bien sûr... Osait-il penser que j'allais gober ça ?
- Non, sérieusement. Comment est-ce-que tu as su que j'étais là ?
- Je te promets que je ne t'ai pas suivie.
Comment pouvait-il me mentir ainsi, en le jurant en plus !? Je tournai la tête pour voi son expression faciale.
- Alors comment tu expliques qu'on soit là tout les deux, à un seul bus d'écart ?
- De base, c'est moi qui ai l'habitude de venir ici, pas toi.
Ah bon ?
- Comment ça tu viens ici ?
- Quand aller en cours me demande trop d'efforts, je viens là.
Alors comme ça on se ressemble... Je ne pouvais tout de même m'empêcher de me dire qu'il me prenait pour une conne.
- C'est pour t'acheter à fumer au bureau de tabac ?
Je vis son visage se brusquer et je regrettai ce que je venais de dire aussitôt.
- C'est quoi ton problème avec le fait que je fume ? C'est mon choix et ça ne t'affecte pas, alors ne t'en mêles pas !
J'ai cherché à le faire se sentir coupable et ça n'a pas marché. Il a toutes les raisons du monde pour me détester.
- Désolé, chochotais-je en baissant les yeux.
On installa à nouveau un blanc. C'était comme ça entre nous, les sujets de conversations n'étaient pas naturels.
- Ne me dis pas que c'est pour ça que tu me fuis ?
Pardon ? Son comportement était une entière justification au mien, et il ne s'en rendait pas compte ?
- Moi je te fuis ? Tu déconnes j'espère ?
- Parce que tu trouves que c'est moi qui te fuis ?
La conversation venait juste de commencer et je ne comprenais déjà plus. Étions-nous sur des longueurs d'ondes si différentes ?
- Attends, tu trouves ça anormal qu'après ce que tu essaies de me faire j'essaie de ne pas m'approcher de toi ? Te rends-tu seulement compte à quel point ton comportement est...
Je ne savais même pas comment le qualifier.
- Est ?
- Inhumain ! Tu n'as pas le droit de te servir de moi comme ça !
Je me rendis compte que je parlais trop fort quand je vis les clients qui sortaient du magasin à côté de nous se retourner vers moi. Marin parut gêné, car sorti de son contexte, cette phrase pourrait vouloir dire des milliers de choses.
- Écoute, même si je ne vois pas de quoi tu parles, on pourrait en discuter tranquillement chez nous, dit-il en baissant d'un ton.
- Je le savais ! Tu m'as suivie pour me ramener chez moi et me faire la morale !
Je m'emportais. Le fait qu'il faisait semblant d'ignorer qu'il était désagréable avec moi me remontais au plus haut point.
- S'il te plaît, parle moins fort, insista-t-il à voix basse.
Je me contenais pour ne pas avoir à l'insulter. Il n'est pas du genre à vouloir se faire remarquer.
- Je n'ai pas prévu de te forcer à rentrer, parce que comme tu peux facilement le remarquer, je suis également en train de sécher mes cours.
C'est vrai...
- Alors tu veux qu'on règle nos comptes ici ?
Non, bien évidement, c'était stupide. Mais où aller ? Rentrer chez moi serait avouer à ma mère que je sèche les cours, et aller chez Marin m'exposerait à devoir être bien trop intime avec lui.
- On peut aller chez toi ?
Il écarquilla grand les yeux. N'importe quel garçon sauterait sur l'occasion de reçevoir une proposition comme ça venant d'une fille. Je ne pense pas que c'était le cas de Marin, bien qu'un petit sourire se dessina sur ses lèvres, et c'était rare. Pour ma part, cette proposition n'avait rien de romantique, elle était d'ailleurs sortie toute seule de ma bouche. C'était le seul endroit où je nous voyais aller.
- O...ok, bégaya-t-il. Je crois que mes parents travaillent.
- Cool.
- Il y a un bus qui s'arrête pas loin de chez nous, on a cas le prendre maintenant.
- Ouais, allons-y. >>
Cette courte conversation me poussait à penser que Marin n'était pas quelqu'un de mauvais. Peut-être qu'il ne se rendait pas compte du mal qu'il faisait car il était plongé dedans depuis trop longtemps. Peut-être même qu'il essayait de faire le bien.

La Fille Qui Courrait Après Les LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant