La Fille Qui Courrait Après Les Loups

18. Confessions

J'étais sous la douche. Je devrais être en train de profiter de notre journée seuls avec Jacob, mais j'étais incapable de le regarder dans les yeux et faire semblant que tout allait bien. J'allais avoir besoin de beaucoup de temps pour tout assimiler et démêler le vrai du faux. J'ai l'impression que ces derniers jours que j'ai passé avec Marin ne m'appartenaient pas, quelqu'un d'autre se trouvait dans mon corps à cet instant. Lui. L'homme dont je ne veux plus jamais entendre parler, celui qui m'a sauvée de ma peine pour ensuite me renfoncer à l'intérieur plus profondément. Et j'y coulais à présent. L'eau brûlante de la douche me faisait oublier que des larmes tièdes envahissaient mon visage au même instant. J'oubliais tout, qui j'étais, qui j'aimais. Mon corps était immobile et pensant, il tentait de se regénérer en laissant mon visage se perdre sous la chute d'eau. Mes yeux étaient grand ouverts, j'aurais aimé ne plus jamais avoir la capacité de voir un jour. Je perdais la notion du temps. J'étais peut-être dans cette salle de bain depuis dix minutes, trente, une heure Je ne sais plus, je ne veux pas savoir. Je veux que mon âme se fasse aspirer par la bouche d'évacuation située au-dessus de moi. J'aimerais qu'elle ne revienne jamais, et elle aimerait sûrement ne plus jamais exister. Pour la première fois de ma vie, j'étais hantée par des pensées suicidaires. Je tentais tant bien que mal de les renier, mais je n'en avais pas la force. Je ne passerais pas à l'acte non plus, je n'en ai pas le courage. Alors je suis vouée à vivre avec elles, à les accepter et peut-être même à les comprendre. Elles sont justifiées. Ma souffrance morale est inestimable. Je me sens perdue, j'ai été manipulée, moquée, faussement aimée. J'ai été. Je ne suis plus.

Jacob. Son nom dans mon esprit apportait un brin de couleur. Je n'étais même plus en capacité de savoir si je l'aimais. C'était le cas, j'en étais persuadée, mais pourquoi ma tête continuait-elle de me faire croire au contraire. Jacob me sauvera de mes démons, il me fera oublier qu'un jour j'ai connu Marin, il me fera oublier son existence. Il m'aidera à aimer à nouveau. Je crois en lui. Oui, j'y crois. J'ai besoin de me sentir aimée pour de vrai et près de lui. J'ai besoin d'un amour tendre qui saurait me faire oublier à quel point je ne sais pas aimer.

<< Hannah, tout va bien ?
Son appel lointain, qui provenait sûrement du couloir, me rappelait que cela faisait trop longtemps que j'étais sous la douche. Ma peau commençait à devenir rouge tant l'eau était chaude, et toutes les paroies en verre étaient pleines de buées. Il était temps d'affronter la réalité, plutôt que de souhaiter qu'elle ne le soit pas. J'éteignis l'eau et sortis doucement. J'enfilai immédiatement un peignoir, j'avais à présent très froid. J'aurais pu rester des heures à fondre sous la chaleur de cette eau si Jacob ne m'avait pas sortie de mes songes. Je suis à présent face au miroir de la salle de bain. J'ai l'habitude de voir mon reflet évoluer avec le temps, alors je n'y prête pas attention. Ma tête de deterrée ne m'avait pas manquée, pas plus que toutes ses larmes qui ne cessent de couler de mes yeux verts. Je les essuie avec peine, je sais qu'elles reviendront.
- Hannah ?
Jacob toqua à la porte. Ça ne me fit pas sursauter, ça aurait probablement dû. Je n'arrivais pas à ressentir des émotions, et si c'était le cas mon corps refusait de les laisser paraître.
- J'ai bientôt fini.
Je ne voulais pas qu'il insiste. Je savais que c'était à son tour, mais il avait le temps d'attendre. Ce n'est pas comme s'il y avait deux autres salles de bain... Je pris une serviette pour tenter d'essorer mes cheveux qui ne cessaient de pousser avec le temps. Je les laissai ébouriffés et sortis timidement de la salle de bain. Jacob m'attendait devant la porte, il s'approcha de moi.
- Ca va ?
J'haussai les épaules pour ne pas avoir à dire non. Il posa ses mains sur mes épaules pour me faire me rapprocher de lui et m'enlaça tendrement. C'est ce dont j'avais besoin, il le savait très bien. Je restais pourtant droite comme un piquet, mon corps refusait de ressentir quoi que ce soit. Jacob le remarqua et ça ne lui plût pas. Il me relâcha et entra dans la salle de bain à son tour sans me regarder plus longtemps. J'avais besoin de lui, et maintenant.
- Tu es encore énervé contre moi ? Lui demandais-je alors qu'il allait fermer la porte.
Il se retourna vers moi, la main sur la poignée.
- Non, j'ai eu les explications dont j'avais besoin. Je n'attends plus que ton accord pour me venger de lui.
Je ne savais pas s'il disait ça pour rire ou s'il était sérieux, mais c'est bien la dernière chose dont j'avais envie. Je veux oublier son existence, tant pis s'il faut que je le laisse s'en sortir pour ça.
- Sûrement pas, ça n'en vaut pas la peine>>
Il ne comptait pas poursuivre la conversation et ferma la porte. Peu de temps après, j'entendis l'eau de la douche couler. J'aimerais savoir à quoi il pense, si ses pensées sont aussi profondes et sombres que les miennes. J'aimerais connaître chaque recoin de son esprit, surtout ceux qui me concernent. Je voudrais me loger dans sa tête le temps d'un instant et y découvrir qui il est réellement, tout ce qu'il n'osera jamais révéler.