Une fois à l'intérieur, loin des griffes de Jacob, je m'effondrai contre la porte que je venais de claquer. Je pensais avoir été immunisée aux larmes mais je m'étais trompée, elles me rattrapent à chaque fois. Marin, qui se trouvait dans la cuisine, accouru vers moi tout en gardant ses distances. Il aurait pu réagir de milliers de manières différentes : s'énerver, pleurer, partir et me laisser, m'enlacer, m'apporter à boire, me détester... Mais il ne fit rien, il attendait et réfléchissait sûrement à la façon dont il allait essayer d'esquiver toute cette histoire.
<< Je te promets que je ne savais pas qu'il allait venir, bégayais-je.
Je me sentais obligée de me justifier quant à ce qu'il se passait car il ne méritait pas ça. On aurait dû être heureux ensemble très longtemps car tout commençait à s'arranger, mais au lieu de ça Jacob a débarqué.
- Je lui ai demandé de partir, il ne devrait pas...
Pas quoi ? Je n'en sais rien. Peut-être ne pas perturber notre amour, ou me faire plonger à nouveau. Mes pleurs ne se calmaient pas et s'intensifiaient au fur et à mesure que je pensais à Jacob et à la conversation qu'on avait eu. Lorsque j'avais osé penser au fait de le revoir un jour, jamais je n'avais souhaité que cela finisse comme ça. Jacob ne méritait pas non plus de subir la situation. Combattre mes sentiments pour lui me rongeait mais pourtant je devais le faire. Il fallait que je comprenne qu'on est incompatibles.
- Je ne te demanderais pas de faire un choix, Hannah.
Encore heureux ! C'est bien la dernière chose que je souhaiterais, devoir me confronter à choisir entre deux personnes que j'aime de deux manières si différentes. J'aime Marin pour sa simplicité, nos points communs et pour le pillier qu'il représente pour moi. D'un autre côté, je ne saurais pas dire pourquoi j'aime Jacob, je le sais, c'est tout. Certes, son aspect physique doit y être pour beaucoup, et aussi notre complicité, et tout ce qu'on a vécu... Stop ! Non, c'est trop dur de me persuader que je ne l'aime pas, qu'il n'est pas la solution évidente, la seule.
- Je ne veux pas que tu le fasse, Marin, car tu sais que ce sera lui.
Ma tristesse devait me pousser à être honnête pour m'en sortir. Je ne vis pas le visage de Marin se raffermir ou montrer quelque déception. Marin n'est pas sentimental, Marin intériorise. C'est peut-être ce qui est regrettable chez lui. Non ! Je dois cesser de les comparer, je ne dois pas ! Je dois faire taire mes pensées, ces pensées qui m'obsèdent.
- Tu devrais aller te reposer, me proposa-t-il en tendant la main pour m'aider à me relever >>
Évidement, il fit comme s'il n'avait pas entendu ce que j'avais dit précédemment. Il n'est vraiment pas du genre à montrer ce qu'il ressent. Ce que j'aimerais être comme lui... Je saisis tout de même sa main, bien que je ne comptais pas me reposer. La mienne était humide tant j'avais tenté d'essuyer mes larmes, en vain. Je me relevai péniblement et Marin me guida jusqu'à ma chambre.On ne parla pas jusqu'à ce qu'on arriva. Le son de nos pas raisonnaient dans la maison vide. Par contre, dans ma tête, des voix criaient. Ça ne cessait pas, mes pensées étaient trop agitées. J'allai m'asseoir sur mon lit et Marin resta sur le pas de la porte.
<< Tu veux peut-être que je te laisse seule ? Tu sais, pour réfléchir.
Il était mal à l'aise. Son ton si calme me perturbait. Comment pouvait-il se contenir ? Je n'y arrivais pas.
- Sûrement pas ! Reste, murmurais-je entre deux sanglots.
Mes pleurs se calmaient tout juste. La proximité que j'avais avec Marin en ces instants précis étaient sûrement les derniers, je devais en profiter. C'était dur de l'admettre, mais je ne devais pas me mentir à moi-même. Jacob n'est pas du genre à abandonner, il reviendra et cette fois je ne pourrais m'empêcher de lui sauter dessus et de partir avec lui. Je combattais cette idée tellement fort, mais rien ni faisait. Je savais que c'était vrai. Marin, après avoir attendu un peu, vient s'assoir à côté de moi. J'eus l'impression que la scène d'avant l'arrivée de Jacob se reproduisait. Je n'étais toujours pas habituée à me trouver si proche de Marin, j'en perdais mes moyens. Et pas seulement, je perdais tout. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à Jacob qui devait déambuler dans un rue à quelques dizaines de mètres d'ici. Pourquoi n'étais-je pas avec lui ? Non, je ne le voulais pas. Bien sûr que si ! Hannah, tais-toi et profite de Marin. Tu l'aime aussi, non ? Et voilà que je me parlais à moi-même. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
- Marin...
Je n'avais rien à lui dire. Seulement, je devais faire taire mes pensées. Il tourna son visage pour me faire face et je fis de même. Il était si rare qu'on osait se regarder pour de vrai et dans les yeux. Pourquoi fallait-il que ça arrive maintenant ? N'étais-je pas assez perdue ainsi ? Le regarder de la sorte me confortait dans l'idée que je l'aimais, lui aussi. Pas de la même façon, pas de la même intensité. Mais l'amour a des milliers de moyens différent d'être ressenti, et on ne peut pas tous les expliquer. Et je ne pouvais pas expliquer ce que je m'apprêtais à faire. Sans bouger autre chose que mon visage, je m'approchai de Marin et posai les lèvres sur les siennes. Je fermai les yeux pour ressentir leur goût au maximum. Il ne se decolla pas de moi, il ne me repoussa pas tout de suite. Dès qu'il le fit, il posa ses mains sur mes épaules pour s'éloigner.
- Hannah, arrête.
Alors quoi ? Il ne m'aime pas ? Ceci est un jeu depuis le début ? Ou alors il a seulement compris qu'il ne gagnerait pas la partie...
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Son visage était crispé. Il n'osait pas parler.
- Je ne crois pas que tu sois consciente de ce que tu fais.
- Qu'est ce que tu veux dire ?
- Tu m'embrasses parce que tu es perdue et tu essaie de savoir où tu en es, pas parce que tu le veux.
C'était si vrai. Il me connaissait si bien, alors qu'il y a trois semaines il ne savait même pas que j'existais.
- Mais... Je t'aime, Marin.
C'était d'ordinaire si dur pour moi de prononcer ces mots, mais ça m'avait paru étonnement facile aujourd'hui. Peut-être parce que je ne le ressentais pas, ou alors parce que c'était une évidence.
- Ne le prend pas mal, mais je ne pense pas que ce soit le cas.
Je ne peux pas t'en vouloir, je ne sais pas non plus.
- Je ne peux pas savoir ce qu'il se passe dans ta tête en ce moment, poursuit-il en passant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, mais je sais que ça ne va pas. Tout est chamboulé. Et c'est normal, mais tu dois te poser et réfléchir avant de faire une connerie.
- Tu penses que ce serait une connerie de rester ici avec toi ?
C'est ce que je comprenais qu'il insinuait.
- Non, Hannah. Mais j'ai l'impression que tu m'embrasses comme pour me dire adieu. Et je ne te laisserais pas partir aussi facilement.
Ces propos ne se suivent pas. Je ne comprends pas ce qu'il veut dire.
- Alors pourquoi tu ne me laisses pas t'embrasser ?
Je posai ma main sur sa joue et caressai ses lèvres de mes doigts. Il ferma les yeux et serra les dents comme pour se retenir de faire quelque chose, peut-être me repousser. C'était clair, j'étais perdue. Rien ne me poussait à le faire et je n'en avais pas envie, pourtant je le faisais.
- Je ne veux pas abuser de la situation dans laquelle tu es. Je t'en prie, repose-toi et on continuera de parler demain quand tu te sentiras mieux, proposa-t-il.
Je retirai ma main de sur son visage. Je m'offrais à lui comme je ne l'avais jamais fait et il ne sautait pas sur l'occasion. J'étais à présent persuadée qu'il ne m'aimait pas, ce n'était pas possible. Pourquoi me faisait-il ça ?
- Je me sens très bien, merci de t'inquiéter pour moi, dis-je par pure ironie. En revanche, c'est toi qui a un problème.
Il réfléchissait, ou alors tentait d'esquiver par le silence. Je voudrais lui foutre une claque pour se comporter ainsi. Mais devrais-je réellement lui en vouloir ? Sûrement pas, mon ex vient de refaire surface et lui fait clairement de la concurrence. C'est normal.
- Le problème c'est que je sais que je t'ai perdue. Je l'ai sus dès que je l'ai vu devant cette porte.
Il avait raison. Tout mon être était à Jacob, je ne vivais plus que pour lui. Alors pourquoi était-ce si dur de me séparer de Marin ? Parce que Marin ne me fait pas de mal, et que c'est tellement plus facile de vivre notre relation. Je ne peux m'empêcher de me demander comment est-il possible que ces deux-là se connaissent. Il habitent chacun à l'autre bout du pays et rien ne les rassemble. Mais ce n'est sûrement pas le moment d'en parler, j'aborderais ce sujet plus tard.
- Mais si tu viens à devoir choisir entre lui et moi, continua-t-il en me fixant dans les yeux, je veux que tu penses profondément à qui t'apporte le plus de bonheur, qui te rend heureuse et avec qui tu te sens bien.
J'ai cette réponse. Cette personne se trouve en face de moi et ses yeux bleus me menacent. Mais la vraie question est qui souffrirait le plus de me quitter, avec qui me verrais-je passer toute une vie, avec qui n'ai-je pas peur d'aimer ? Jacob.
- Je vais rester en bas. Si tu as besoin de moi appelle-moi.
Il déposa un baiser bref sur mon front et se leva. Je fis de même pour le retenir avant qu'il ne parte trop loin.
- Attends !
Je lui tirai le bras pour le rapprocher de moi et le faire pivoter pour qu'il me fasse face. J'aimais voir son regard toujours aussi perçant se poser sur moi. Et je l'embrassai à nouveau. Ce baiser ressemblait plus à celui qu'il m'avait offert la toute première fois. Il dura longtemps, il était plus sensuel. Cette fois il ne me repoussa pas. Je passa mes mains derrière son dos pour profiter de ce moment encore mieux mais lui ne bougea pas. J'embrassais une statue au cœur de pierre dont seule la bouche était animée. J'aurais tellement aimé que ce soit Jacob en face de moi, j'aimerais retrouver sa bouche et y coller la mienne comme je venais de le faire avec Marin. C'est sûrement la seule raison pour laquelle je faisais cela actuellement. Lorsque le goût de ses lèvres sèches était suffisamment imprégné sur les miennes, je mis fin à ce baiser. Il ne réagit pas, à son habitude. À quoi bon, il avait perdu et le savait. J'aurais voulu qu'il gagne, et comme il l'a dit je le peux encore. Mais en ai-je la force ? Je ne pense pas.
- Ce n'est pas un baiser d'adieu. C'est un baiser de remerciement.
- Ça me va.
- Je t'aime vraiment, Marin.
J'essayais simplement de me le persuader. Je ne devrais pas le laisser espérer. J'en étais sûre à présent : j'aime Jacob, uniquement Jacob. Mais Marin est spécial, et l'amour que je ressens pour lui se rapproche trop de l'affection que l'on éprouve envers un ami. Il se mordit la lèvre. J'aurais voulu l'embrasser à nouveau, mais je ne le fis pas. Je ne peux pas jouer avec ses sentiments ainsi, je n'aime pas quand on joue avec les miens. Il n'est pas Jacob, et l'embrasser lui ne le fera pas revenir.
- Et toi ?
Je voulais tout de même savoir si je passais à côté de quelque chose qui aurait pu se passer si Jacob n'avait pas débarqué. En soit, rien n'était encore perdu. Peut-être qu'il ne reviendra jamais et qu'aujourd'hui était la dernière fois que je le vis. Si seulement...
- Ce n'est pas le moment, Hannah. >>
Ça ne l'a jamais été et ça ne le sera jamais avec lui. Il partit. Je croyais avoir commencé à comprendre qui il était mais ce n'était pas le cas. Il pretend m'aimer et se battre pour moi, puis il m'abandonne. Je croyais qu'il était mon pansement sentimental, mon remède à la souffrance. C'est mal de m'être servi de lui, mais je pensais vraiment l'aimer. On ne peut pas se permettre de jouer avec quelqu'un comme cela si on l'aime. Alors je n'aime pas Marin, et Marin ne m'aime pas. On s'est trompés l'un sur l'autre, on ne se connaît pas. Pourtant je sais qu'il est le bon choix.
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La Fille Qui Courrait Après Les Loups
Werewolf- Tu es prête, Hannah ? C'est sûr ? Je n'ai jamais été aussi prête. - Oui, je t'assure. - Tu me promets de ne pas fuir ? - Ne t'inquiète pas, Jacob. Il pose ses mains sur mes joues, s'approche de moi et m'embrasse. Je n'avais jamais embrassé quelqu...