15. Ange gardien

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Je m'étais endormie peu de temps après que Marin fut parti. Dormir est la seule chose qui m'apaise réellement et qui m'empêche de penser à ce qu'il m'arrive en ce moment. Il y eu des moments où je n'arrivais jamais à dormir, mais je peux affirmer que depuis que je suis à Miami, c'est la chose la plus simple que j'ai à faire. C'est la preuve que venir ici était une bonne idée. Mais mon sommeil fut court cette fois : Marin me secouait dans tous les sens pour me réveiller. Lorsque j'ouvris les yeux, je ne vis aucune marque d'inquiétude sur son visage. J'avais eu peur que quelque chose soit arrivé, mais finalement je ne le pense pas.
<< Ça ne va pas de me réveiller en plein milieu de la nuit ?!
- Très drôle. Il est seulement dix-huit heures passés.
Je n'avais même pas essayé de faire une blague. Je pensais sincèrement qu'il était tard, j'avais si bien dormi loin de mes problèmes. En tout cas, Marin était tellement ironique que son visage était plus que blasé.
- J'espère alors que c'est important.
J'avais peur de ce qu'il risquait de me dire, mais ça ne pouvait pas être si terrible que ça.
- À toi de me le dire. Il y a Jacob devant chez toi.
Je restai pétrifiée un instant. Automatiquement, j'avais l'impression de ne plus réussir à respirer. Entendre son nom me faisait toujours ce même effet. Pourtant, je n'étais pas surprise.
- Il ne faut surtout pas qu'il entre !
C'était à présent ma préoccupation. Je ne voulais pas le voir, plus jamais. Enfin...
- Ça ne risque pas, il est inconscient.
- Comment ça ?!
Je l'ai tué. C'est sûrement ça. Ce n'est pas possible !
- Je ne sais pas, je l'ai vu lorsque j'ai voulu sortir pour rentrer chez moi.
- Il faut qu'on aille le voir !
Je n'hesitai pas. Je me levai d'un bond de mon lit et sortis immédiatement de ma chambre. J'étais toujours habillée, je ne m'étais pas changée depuis hier. Marin me suivit tout de suite.
- Comment tu n'as pas pu t'en rendre compte plus tôt ? l'accusais-je. Tu n'es pas rentré chez toi depuis ce matin ?
- Je suppose que je me suis endormi un moment sur le canapé. Je ne voulais pas rentrer pour voir mes parents en train de s'occuper de ta mère en pleurs dans mon salon. Mais il se faisait tard et... >>
Il se tus, il savait que je ne l'écoutais pas vraiment. J'étais concentrée sur le fait de savoir si Jacob allait bien. Je ne m'en remettrais jamais si tout ça était de ma faute et qu'il lui était arrivé quelque chose.

Lorsqu'on arriva devant l'entrée, j'ouvris immédiatement la porte sans avoir peur de l'état dans lequel j'allais trouver Jacob. Je devais le voir, et en vie. Mais dans un premier temps, je ne vis rien, du moins rien d'anormal, pas de Jacob. Je crus même un instant que Marin m'avait menti et réveillée pour rien. Puis, je tournai la tête dans tous les sens dans le but de le trouver. Ma cour n'était pas si grande que ça, ça devrait être rapide. Et ce le fut. En fait, il était juste à côté de moi, assis à même le sol et adossé au mur de la maison. Il avait les yeux fermés. Je m'imaginai immédiatement le pire : il était resté là et s'était laissé mourir. Non, je devais renier cette pensée. Mais s'il est réellement imprégné de moi, ce qui est maintenant une évidence, ça ne m'étonnerait pas que mon comportement envers lui ait été si horrible que cela l'ait vraiment affecté, plus que je ne le pensais en tout cas. Le voir ainsi me tuait et brisait mon cœur, qui l'était déjà. Je devais rattraper mes conneries. Je m'accroupis auprès de lui et essayai d'abord de secouer son visage pour le réveiller. Mes mains sur son cou me confrmaient qu'il était en vie, bien que son poul était très lent.
<< Marin, aide-moi ! Il a besoin d'aide !
J'étais complètement paniquée. C'est moi qui lui avait fait ça. Je devais faire quelque chose de bien, au moins une fois dans ma vie. Marin s'approcha de lui également.
- Qu'est-ce que tu comptes faire ?
- On va l'emmener dans une chambre, aide-moi à le porter.
- Tu ne penses pas qu'on ferait mieux d'appeler une ambulance ?
Non, impossible. Jacob avait de nombreuses fois insisté sur le fait qu'emmener un loup dans un hôpital reviendrait à révéler au monde entier qu'ils existent. Ce n'est même pas envisageable.
- Pas besoin. Allez, qu'est-ce que tu attends ?!
Il hésita à m'aider, et c'était normal. Pourquoi sauverait-il son rival, son ennemi ? Peut-être parce qu'il m'aime, si c'est le cas. Quand il comprit que c'était la meilleure chose à faire, il se pencha et attrapa ses épaules. Il commença à le soulever.
- Tu comptes me laisser faire seul ?
J'etais perdue. Il me fallut un long temps de réaction pour digérer ce qu'il se passait. Ces derniers jours relevaient d'un film, comment était-ce possible que ma vie puisse dégénérer à ce point ? J'aurais le temps d'y penser plus tard, je dois aider Jacob. J'attrapai ses molets et les soulevai à mon tour. Ses jambes étaient terriblement lourdes, son corps entier en fait. C'est un loup, je suppose que ça doit être normal. On eut du mal à le porter à l'intérieur, bien que je fus surprise de la force de Marin. Derrière ce corps maigre dont les os sont presque visibles à travers la peau se cachaient des muscles. Étonnant. Je ne pourrait pas en dire autant de moi.
- Où est-ce qu'on l'emmène ? me demanda-t-il.
- Dans ma chambre.
Marin s'arrêta net.
- Je crois savoir qu'il y a des tas d'autres chambres ici, pourquoi faudrait-il qu'il se repose dans la tienne ?
J'aimais le voir jaloux, cela me montrait qu'il tenait à moi. Mais dans ce cas, il ne faisait qu'aggraver la situation.
- On pourra le cacher bien plus facilement, et ma mère aura moins de chances de tomber dessus.
Je lui répondais sur un ton sec pour qu'il comprenne que ce n'était pas négociable. Il soupira mais accepta. On monta les escaliers. J'avais l'impression d'essayer de cacher un cadavre. Jacob était toujours inconscient. On arriva ensuite dans ma chambre et Marin le lâcha brutalement sur mon lit. J'étais à bout de souffle, c'était plus dur que je ne l'avais pensé.
- Combien de temps tu comptes le cacher ici ?
Bonne question. Mais le vrai problème était de savoir ce que j'allais faire lorsqu'il ouvrira les yeux. Je ne pourrais pas faire comme si de rien n'était. Ce sera trop dur. Et Marin, que deviendra-t-il ?
- Autant de temps qu'il le faut.
Il ne risposta pas. Mais que pouvait-il dire de toutes façons ? Il savait qu'il avait perdu, que mon cœur était à Jacob et l'avait toujours été.
- Merci d'être là, Marin.
Je me devais de lui dire car je sais que ce n'est pas n'importe quel garçon qui aurait fait ce qu'il fait pour moi. Pas Jacob en tout cas. À son habitude, Marin ne dit rien.
- Tu devrais rentrer chez toi maintenant, lui dis-je.
L'époque où je souhaitais qu'il soit constamment près de moi était révolue. C'est de Jacob dont j'ai besoin à présent.
- Et te laisser seule avec lui ? Non, sûrement pas.
J'aimais ce côté protecteur chez lui, comme toute fille. Mais c'est trop tard pour te faire apprécier, Marin. J'aimerais te le dire mais je ne veux pas briser quelqu'un à nouveau. Je me sens suffisamment comme un monstre. Je baissai les yeux et mordis mes lèvres pour ne pas lui dire ce que j'avais sur le cœur.
- À quoi bon, si c'est ce que tu veux... soupira-t-il. >>
Il me tourna le dos et partis en me laissant seule avec Jacob. Il avait compris, pas besoin de mots pour lui faire savoir ce que je ressentais. Pourquoi se battrait-il alors qu'il a déjà perdu ? Et moi, qu'est-ce que j'étais sensée faire dans ce genre de situation ? Je tâchai pour l'instant d'installer Jacob correctement dans mon lit. Je ne mis pas de couverture sur lui car j'avais peur qu'il la salisse, et il était suffisamment chaud comme ça. J'étais même surprise que cela ne choqua pas Marin. Je me rendis compte alors que c'était la première fois que je touchais Jacob à nouveau. Je ne m'en étais pas rendue compte, pourtant j'en avais tellement rêvé... Il était là, devant moi, inconscient. Tout me paraissait tel un cauchemar, ça ne pouvait pas être réel. C'était sûrement les pires retrouvailles que j'avais pu souhaiter. Mais Jacob était là, et au fond mon cœur battait comme la première fois que je l'avais rencontré. Tous mes souvenirs avec lui me revenaient. J'avais été heureuse à Forks, malgré tout. Et j'aime Jacob, plus que tout. Mais en l'observant bien, je remarque qu'il a changé. Il paraît si fatigué, si mal. Il a perdu son énergie et la joie de vivre sur son visage triste. Je pourrais même dire qu'il est amaigri, mais j'imagine que moi aussi. Ça fait longtemps que je ne me suis pas regardée dans un miroir, mais je crois que ça m'effrraierait. Je préfère regarder Jacob et son corps parfait. Il est beau, il n'y a rien à dire. C'est fou de se dire qu'il puisse aimer quelqu'un comme moi.

J'avais fermé la porte de ma chambre et avait laissé un verre d'eau au cas où Jacob se réveillerait. Je n'avais pas pu me rendormir, bien que je n'avais pas réellement essayé. J'étais restée dans mon salon, assise sur le canapé, et réfléchissais. Qu'est-ce que j'allais faire, comment allais-je me sortir de cette situation ? J'allais improviser, comme à chaque fois. Ce qui me faisait de la peine c'était de faire du mal à Marin à présent. Je sais qu'il est fort, il encaissera, mais il n'a pas besoin de souffrir encore plus, et il ne le mérite pas. Tout à coup, la porte de ma maison s'ouvrit et me fit sursauter. Il était plus de vingt-deux heures et j'étais dans le noir. Je ne vis pas tout de suite qui entrait, mais je priais pour que ce ne soit pas Marin. Non, c'était ma mère. Elle dormait à moitié et tremblait lorsqu'elle marchait. Elle alluma la lumière et lâcha un cri de peur lorsqu'elle me vit. Elle ne s'attendait pas à me voir, évidemment. Je me levai du canapé et m'approchai d'elle.
<< Hannah, qu'est-ce que tu fais là ? Pourquoi tu ne dors pas ?
Parce Jacob dors dans mon lit, tu sais ce loup, mon ex de Forks... Si je lui disais ça elle s'evanouirait. Elle aussi ne doit plus pouvoir supporter toutes ces nouvelles.
- Je n'arrive pas à dormir.
Cette journée était si longue que j'avais l'impression qu'elle n'allait jamais se terminer. Entre hier où j'apprenais que le cadavre de mon père avait été trouvé, ce matin où j'avoue les réelles raison de mon départ à Marin ainsi que des sentiments que je croyais éprouver, sans oublier le retour de Jacob et l'état dans lequel il est ce soir... J'étais épuisée.
- Et toi, pourquoi tu n'es pas restée dormir chez les Jones ? la questionnais-je.
Non pas que je ne voulais pas qu'elle soit là, mais elle ne devait surtout pas tomber sur Jacob.
- J'ai passé ma journée à faire mon deuil avec des gens qui ne connaissent même pas la personne qui nous a quittée au lieu de rester avec toi. C'est ici que je dois être.
Elle s'efforçait de sourire. Je comprenais, mais je ne voulais pas avoir à partager ma peine avec elle. Notre relation s'était améliorée mais je n'étais pas prête à parler de mes sentiments, je ne voulais pas les lui montrer à nouveau. En revanche, elle avait dû pleurer toute la journée car son mascara avait coulé sur ses joues. Elle aimait toujours papa, c'était une évidence. Ça doit etre dur pour elle. Il le faut bien, car ça ne l'est pas tant que ça pour moi.
- Maman, je ne compte pas aller à l'enterrement.
Je devais lui dire. C'était mon choix. Je ne voulais pas qu'elle insiste pour m'y emmener plus tard.
- J'irais, repondit-elle. Il a lieu samedi, à Forks.
Si tôt ? Hors de question que je retrourne là-bas de toutes façons. Je ne mérite pas s'y assister, ce serait illégitime.
- On en reparlera plus tard, va dormir, me dit-elle en partant en direction de sa chambre. >>
Elle devait être attristée, c'était normal. Quelle genre de fille refuserait d'aller à l'enterrement de son propre père ? Je ne voulais pas y penser. Je partis à mon tour dormir dans ma chambre. Pas dans mon lit, je m'installerais des cousins par terre. Je sais que je n'arriverais pas à m'endormir. Je dois veiller sur Jacob, ma mère et moi-même. Quelle vie !

La Fille Qui Courrait Après Les LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant