4. L'appel

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"Sache juste que c'est très difficile sans toi". Ce message me rongeait l'esprit. Je sais que je ne l'oublierais jamais, mais je ne veux pas avoir à penser à lui chaque seconde de ma vie. Marin sait que je ne pense qu'à ça depuis que j'ai vu son message. Je ne veux pas qu'il me pose plus de questions. On venait de sortir du restaurant. Le burger que j'ai mangé était immonde et je ne l'ai même pas terminé. J'étais presque étonnée de voir que ma mère appréciait ce genre de cuisine si peu raffinée.
<< Hannah, tu voudrais qu'on aille faire du shopping ? S'extasia m'a mère.
Plutôt crever là tout de suite !
- Non, je suis vraiment fatiguée. J'aimerais rentrer. >>
Déçue, elle se dirigea vers la voiture. Marin aussa les épaules, et on la suivit. Ce garçon est étrange. Il paraissait être quelqu'un de confiance et d'agréable, mais je ne peux m'empêcher de repenser à la façon dont il m'a parlé pour la première fois, lorsqu'il m'a reproché de l'espionner. Je pense qu'il a deux facettes : la face du garçon gentil et drôle, et celle qu'on n'a pas envie de croiser. Il m'effraierait presque.

Chacun était finalement retourné à ses activités. Ma mère était dans le salon, Marin chez lui, et moi dans ma chambre. C'est vrai, j'étais crevée. Le burger de midi n'arrangeait rien. J'ouvris la fenêtre afin d'aérer ma chambre, mais également pour espérer voir Marin. J'avoue que quelque chose chez lui m'intrigue. Je m'appuyai contre le rebord et respirai un grand coup d'air frais. Ça me faisait du bien, c'est sûr. D'un seul coup, mon téléphone posé sur mon bureau se mit à vibrer. Je restai paralysée. Je savais qui était là seule personne capable de me téléphoner à cet instant : Jacob. Je n'osais pas m'approcher de l'objet en question. Je mis bien quelques minutes à faire trois pas en avant. J'attrapai mon téléphone et l'allumai. Un appel manqué de Jacob. À quoi est-ce-que je m'attendais ? À ce qu'une de mes amies de Forks prenne de mes nouvelles ? À ce que mon père me demande de revenir vivre avec lui ? Non, c'est impossible. Il est mort. Et elles le sont peut-être, je n'en sais rien, je ne le saurais jamais. Je pourrais les recontacter, mais à quoi bon ? Je souffrirais encore plus de les avoir quittées. Un appel manqué de Jacob. Je relus cette phrase au moins une dizaine de fois. Pourquoi pensait-il que j'allais répondre ? Pourquoi pensait-il encore pouvoir me reconquérir ? Pourquoi ? Pourquoi est-ce-que je continuais de vivre comme si tout allait bien, comme si j'allais réussir à oublier et à surmonter ce qu'il s'était passé ces dernières quarante huit heures ? Pourquoi suis-je partie pour tenter de me sauver, sachant que je suis en train de tuer Jacob ? Je sais qu'il est imprégné de moi, c'est logique, pourquoi ne voudrais-je pas l'admettre ? Prise d'un élan de panique, je rappelle Jacob. Grossière erreur, je sais.
<< Allo ? Hannah ?
Le son de sa voix... Je ne peux retenir les larmes de couler le long de mes joues. Je recule et me tiens au bord de la fenêtre pour ne pas m'effondrer. Je ne peux pas lui répondre, pas maintenant. Je ne suis pas prête.
- Hannah !? Réponds-moi !
Des tas d'émotions me submergent. Sa voix... Je n'arrive pas à croire que j'ai succombé. C'est comme une drogue, j'ai besoin de lui.
- Tu m'entends ? Pitié, dis-moi que tu m'entends !
Je t'entends, seulement, je ne suis pas sûre que tout ça soit réel. Je suis sous l'emprise de mes sanglots, c'est à peine si je respire.
- Hannah, je t'entends, réponds-moi ! Je veux être sûr que tu vas bien !
Que je vais bien ? C'est toi qui es peut-être sur le pont de mourir ! Je sens dans sa voix la peine qu'il a à articuler les mots. Je sais qu'il souffre, je n'ai pas besoin de me demander pourquoi.
- Pourquoi...
Je te le demande ! Pourquoi tu ressens le besoin de continuer à me faire souffrir à distance ? Ce dernier mois ne t'a pas suffi ? Tu veux que j'en finisse, je vais le faire ! Je ne veux plus t'entendre ! Je raccrochai brutalement. La haine prit le dessus. J'aperçus Marin qui entra dans sa chambre. Il est toujours là quand il ne faut pas. Il ne me vit pas tout de suite, puis je croisai son regard et il me fit un signe de la tête, accompagné d'un sourire timide. Mon téléphone se remit à vibrer. Je n'en pouvais plus, je ne devais pas répondre. Qu'est-ce-qui m'en empêchait ? Qu'est-ce-qui m'empêchait de sauter par la fenêtre et de mettre fin à tout, à tout ses appels ? Marin ouvrit sa fenêtre et s'approcha du bord.
- Tout va bien, Hannah ?
Je ne répondis pas, c'est simple, je ne pouvais pas. Je pleurais, je ne pouvais pas m'arrêter. J'avais touché le fond, il m'avait anéantie. J'étais bien trop faible pour surmonter toutes ces épreuves toute seule. Je pensais pouvoir l'oublier et tout recommencer. J'ai été naïve et stupide d'y croire. Je croisai à nouveau le regard de Marin.
- Tu pleures ?
Pleurer devant lui était humiliant. Lui qui paraissait si fort et pragmatique.
- Hannah ?
Je cachai mon visage entre mes mains. Mes jambes allaient bientôt lâcher, mes coudes me tenaient fermement au bord de la fenêtre.
- Qu'est-ce qui ne va pas, dis-moi.
Je le regardai à nouveau. Il ne paraissait pas comprendre, logique. Je brandit le téléphone de manière à ce qu'il le voit. Il continuait de vibrer, Jacob m'appelait sans cesse.
- C'est ce gars, il t'appelle ?
Je fis oui de la tête. Marin ne paraît pas si stupide que ça.
- Tu veux que je décroche ? Je vais lui dire d'arrêter de t'appeler.
Ses paroles me faisaient pleurer de plus belle. On se connaissait à peine et il cherchait à me protéger de Jacob, sans même le connaître lui non plus. C'est un gars bien, et il paraît sentir que Jacob ne l'est pas.
- Reste là, je te rejoins.
Je lui fis non de la tête. Il s'immobilisa et attendit une réponse de ma part. Je ne comptais pas lui en donner, jamais. Je tentai de monter sur le rebord de la fenêtre, je voulais sauter. Je ne peux atténuer ma peine autrement. Je glissai une première fois, puis réessayai.
- Oh, Hannah, qu'est-ce-que tu fais ?! Descends de là, j'arrive. >>
Je me laissai retomber au sol. Qui cru qu'un simple appel de Jacob allait me faire rechuter ? Personne, moi-même je ne comprends pas. Je ne suis pas normale.

J'étais dans mon lit. Je ne pouvais pas bouger sans que chaque muscle de mon corps ne me fasse mal. Ça me fait ça à chaque fois. Je sais ce qu'il vient de se passer : je me suis évanouie. Je me suis évanouie et Marin est venu me ''sauver''. J'aurais préféré qu'il ne le fasse pas, j'ai l'impression de retrouver Jacob en lui. Je ne veux même pas penser à son nom, au fait qu'il soit encore en vie. Je n'entendais pas mon téléphone vibrer, il a dû arrêter de m'harceler. J'ouvris péniblement les yeux. Je pris un peu de temps, puis aperçus Marin, debout, dans ma chambre. Il ne me regardait pas, il observait mes affaires. Heureusement, ma mère n'était pas là. Un rapide coup d'oeil me confirma que ma chambre était fermée. Je compris qu'il avait fait en sorte que ma mère ne se rende pas compte de ce qu'il venait de se passer. Si c'est vraiment le cas, je lui en suis reconnaissante. Il ne me regardait toujours pas, ce qui me rassure. J'ai peur d'avoir à tout lui expliquer, à me justifier. J'ai peur qu'avec le temps je m'attache à ce garçon, ou à un autre, et que je souffre à nouveau. J'ai peur.
<< Salut.
Il regardait en ma direction, sans pour autant croiser mon regard. Il devait se sentir gêné, on se connaissait pas peine et voilà qu'il vient d'assister à une autre de mes crises. Il va me prendre pour une folle, si ce n'est déjà le cas.
- J'ai éteint ton téléphone, mais je ne vais pas te le rendre.
Voilà une bonne chose de faite, accompagnée d'une bonne idée. Je ne veux même plus en voir la couleur. Il s'assit sur la chaise de mon bureau et se tourna vers moi.
- Je t'avoue que j'ai presque eu peur pour toi.
Et je ne veux pas que ça soit le cas. Ne t'attache pas à moi ou tu souffriras aussi, d'une manière ou une autre. Je suis tel une kryptonite, ne t'approche pas trop.
- Combien...
...de temps ai-je dormi ? Articuler était compliqué, je n'avais plus de voix. Il va falloir attendre un peu.
- Un quart d'heure, tout au plus.
Il comprit, tant mieux. Il m'impressionnait, d'une certaine façon.
- Ma mère...
- Elle n'est au courant de rien. J'ai prétendu que je voulais juste discuter un moment avec toi. Elle était ravie.
Tant mieux, c'est tout ce que je souhaitais. Pour rien au monde je voudrais lui faire part de mes problèmes.
- Ça t'arrive souvent ce genre de...crise ?
Oui, comme à chaque fois c'est à cause de Jacob. Je me rappelle de chaque fois où j'ai perdu tout contrôle de mon corps par sa faute : le premier week-end où l'on était en couple car il ne m'avait pas donné de nouvelles, lorsqu'il m'a quittée, puis la fois où je l'ai vue avec une autre louve, il y avait aussi le fête de Maxence... J'imagine que la liste se prolongera avec le temps.
- Oui...
Je ne voulais pas lui mentir. Il me paraissait être quelqu'un de confiance.
- Ce n'est pas normal, Hannah...
Comme si je trouvais ça normal...
- Je sais.
- C'est qui ce type ? Qu'est-ce qu'il t'a fait ?
Sur ce point, je ne peux rien lui révéler. Ce serait trop long de tout lui expliquer. Personne d'autre que moi ne peut comprendre ce que j'ai subi avec lui.
- Bon, on va faire comme si rien ne s'était passé et on en reparlera quand tu iras mieux. >>
Je fis oui de la tête. C'était le mieux à faire. Il se leva, passa près de moi, tapota mon épaule, et sortit de ma chambre. J'essayai d'attraper sa main pour qu'il reste avec moi, mais il ne le remarqua même pas.

La Fille Qui Courrait Après Les LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant