34. Le Départ

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Main dans la main, heureux malgré tout, amoureux pour toujours. Je ne réalisais pas immédiatement le fait que dans quelques heures je serais dans un avion qui m'emènera vers une nouvelle vie. Je serais avec Jacob, rien qu'avec lui. Sans conseil, sans mon père, sans Josh. Sans personne. En y pensant, je m'en veux un peu de tout laisser derrière moi. En fait, je m'en veux d'abandonner les filles. Je n'ai pas envie de leur envoyer un simple SMS bidon en inventant une excuse qui me pousserait à tout quitter. J'ai également peur que le lycée apprennent notre "fugue" et que les autorités tentent de nous chercher. J'ai peur que ça merde.

J'avais un mauvais pressentiment. Ce genre de pressentiment indescriptible et incompréhensible qui survient sans raison. Arrivée devant ma maison, je n'ai aucune envie d'entrer. Je regarde intensément Jacob dans les yeux pour lui faire comprendre que je n'y arriverais pas. Je ne veux pas quitter mon père une seconde fois. Je le fais souffrir constamment, mais il me reste suffisamment d'amour propre pour savoir que je suis sa fille, et que je ne suis pas sensée lui faire subir ça.
<< J'ai confiance en toi, chochota-t-il près de mon visage.
Il posa son front contre le mien et on attenda un peu dans cette position. J'avais toujours ma main dans la sienne. Je me sentais protégée près de lui, je n'avais rien à craindre. Ce n'est plus de lui dont j'avais peur désormais. Je décidai d'y aller. Plus vite ce serait fait, plus vite je l'oublierais. Je sais que je vais le regretter, mais je m'en voudrais encore plus de ne pas saisir l'occasion de partir avec Jacob. La porte me paraissait plus lourde que d'habitude, comme si toute la pression que j'avais m'empêchait d'avancer. Jacob commença à me suivre, mais je lui fis signe de rester là. Je devais le faire seule, où il ne me laisserait jamais partir. Je pris soin de refermer la porte doucement derrière moi, comme si j'avais peur de le réveiller, ou de le déranger. Pas de problème, ce ne sera pas long.
- Papa ?
Il n'était pas sur la canapé comme à son habitude et je savais qu'il ne travaillait pas à cette heure-ci. J'avançais à pas de loup dans la maison. Je devais faire mon approche la plus persuasive possible. J'avançais dans le couloir.
- C'est moi, Hannah.
Aucune réponse. Il dort probablement.
- Désolé de rentrer si tard, j'étais entre de bonnes mains.
Oui, il dort probablement. Je mesurais chacun de mes pas afin de ne pas tomber ou me prendre un mur. J'ouvris lentement la porte de sa chambre, pièce dans laquelle il est probablement. Mon cur bat vite, si vite qu'il se détachera de ma poitrine dans quelques courtes secondes. J'ai chaud, je sens mon t-shirt se coller à ma peau. Ce sera la dernière fois que je le verrais, puis je partirais. Je l'abandonnerais pour la deuxième fois. Comme si une seule n'avait pas suffit...
- Papa ? >>
J'osais poser mon regard sur son lit. Vide. Non, il n'était pas à la maison. Ce fut avec surprise et soulagement que je compris qu'on allait devoir retarder l'heure du vol. Puis, sans vraiment y avoir fait attention auparavant, je remarqua une odeur forte et piquante dans la pièce. Une odeur familière, présente. Je regardais autour de moi, du sol au plafond, mais ne remarquais rien d'inhabituel. La fenêtre était fermée, le volet aussi. Cela m'intrigua sans vraiment que je puisse comprende pourquoi. J'entrai d'un pas assuré, bien que faible, dans la pièce. C'était prenant, je connaissais cette odeur. Je fis quelques pas en avant, je fis le tour de son lit, collé au mur ou se trouve la porte. Je dus me retenir de vomir et de m'efondrer au moment où je compris d'où venait l'odeur. Par réflexe, je mis mes mains sur mon visage et etouffa un cri. Par terre, étendu, se trouvait le corps de mon père. Plus rouge que rouge, plus mort que vivant. Corps, ce n'était pas le bon mot. C'était une carcasse, un morceau de viande hachée. Je savais ce qu'il venait de se passer, tout fit tilt dans la tête. Ma respiration s'accélèra brusquement, mon cœur allait lâcher. Je tremblais tellement que mes jambes se plièrent toutes seules et je tomba lentement au sol, les genous dans le sang de mon père. Je n'avais aucun mot pour exprimer cela. La bouche grande ouverte et des larmes au coin de mes joues, je réfléchissais à un nouveau plan. Un plan qui n'incluerait pas Jacob. Je réfléchissais plus vite que je n'avais jamais pu le faire en dix-sept ans d'existence. Le sang dans mon coprs se propageait à une allure folle, contrairement à celui de mon père, qui était asséché au sol. Je ne reconnaissais même pas son visage, pourtant, je savais que c'était lui. C'était lui, oui, ça ne l'est plus.

La Fille Qui Courrait Après Les LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant