16. Les Véritables Retrouvailles

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Après m'être endormie à même le sol lundi soir, j'avais passé la journée du mardi à attendre désespérément que Jacob se réveille. Ça n'avait pas été le cas, il n'avait pas ouvert un œil. Ça n'était pas trop dur de le cacher à ma mère puisque je restais enfermée dans ma chambre avec lui tout la journée. J'évitais au maximum le contact avec elle, j'étais trop gênée et je me sentais mal. Le jour de l'enterrement approchait et mon envie d'y assister ne cessait de diminuer. Je ne pourrais pas dire pourquoi, seulement je ne dois pas y aller, surtout si c'est à Forks.

À nouveau, une journée était passée sans que Jacob ne donne signe de vie. Il n'était pas mort, je pouvais le confirmer, mais chaque heure qui passe mon inquiétude augmente. On était déjà mercredi soir, cela faisait trop longtemps qu'il était inconscient. J'hésitais presque à appeler un médecin, mais cela indiquerait à ma mère que j'héberge sans son accord un loup dans la maison. Elle pourrait presque croire que j'offre notre toit à un sans-abri. Le seul point positif dans toute cette histoire est que je peux m'abstenir d'aller au lycée. Ma mère ne dit rien, elle essaie tant bien que mal de faire son deuil et doit s'imaginer que moi aussi. En revanche, je n'ai pas revu Marin depuis lundi soir, mis à part à travers sa fenêtre. Lui continue d'aller en cours, enfin j'imagine qu'en réalité il sèche comme à son habitude, mais il fait l'effort de sortir de chez lui. Je ne peux pas en dire autant de moi.

Je suis agenouillée près du lit, la tête posée sur mes bras, eux-mêmes croisés sur le matelas humide. Jacob y dort toujours. Je donnerais tout pour avoir un peu de place et m'allonger à ses côtés, je suis épuisée. Je ne dors pourtant pas, j'attends toujours son réveil. Je ne cesse de perdre espoir ; bien qu'il respire toujours, je sais que le pire peut se produire. Cette nuit en particulier, il a le sommeil agité, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Il transpire. Cela fait plusieurs jours qu'il n'a pas pris de douche et l'odeur commence à se faire ressentir. J'aimerais le caresser, mais cela me paraît déplacé dans ces conditions.

Après de longues minutes passées à admirer le visage crispé de Jacob, je vis pour la première fois les muscles de son visage se détendre, trembler. C'est bon, c'était le moment ! Il allait se réveiller ! Enfin, c'est tout ce que j'espérais. J'y croyais enfin. Je n'eus pas la force de me lever, mais je me penchai vers lui. Et j'avais raison, il ouvrit les yeux. Il le fit très péniblement, probablement aveuglé par la lampe de chevet qui était allumée juste à côté de lui. Il les referma aussitôt. Il poussait de grandes repirations, puis il bougea enfin son corps. Il porta sa main droite à son front et essuya des goutes de sueur. Sa seconde main la rejoint et il se cacha le visage. Je ne sais pas s'il m'avait remarquée, je ne savais pas quoi faire. Tout me paraîtrait étrange ou déplacé. Lorsqu'il reposa ses mains sur le lit, ses yeux étaient toujours fermés, ce qui n'était pas plus mal. Il paraissait fatigué, étonnant étant donné le temps qu'il avait passé à dormir. En me trouvant à ses côtés actuellement, j'avais l'impression de violer son intimité. Quand on y repense, je l'avais observé dormir pendant des heures. Mais je ne peux pas comparer ce sentiment de honte à celui de joie que je ressens en voyant qu'il se porte bien. Il ouvrit ensuite les yeux, plus facilement cette fois, et fixait le plafond. J'aimerais savoir à quoi il pense, ce qu'il ressent à l'instant même. Suis-je dans ses pensées ? J'aimerais tant. Je m'en veut pour tout ce que je lui ai fait subir. Tout.
<< Jacob... chuchotais-je.
Je ne pouvais pas rester plus longtemps ici à le contempler. Je ne parlais pas fort de peur que ma mère ne m'entende et me prenne pour une folle. Jacob, lui, ne parut pas surpris d'entendre ma voix, il devait savoir que j'étais là. C'était évident. Il préféra se concentrer sur sa respiration plutôt que de me répondre précipitamment. Je ne lui en veux pas, j'aurais fait pareil. J'attendis alors encore un peu avant de l'approcher de plus près. Je passai ma main dans ses cheveux, tout en ne cessant d'admirer la beauté de son visage. Il n'était pas au meilleur de lui même, mais il restait incroyablement parfait. Il ne me repoussa pas, il se laissa faire. J'aimerais faire tant plus, mais j'estime que cela suffit pour lui montrer que je ne suis pas en colère contre lui et que je l'aime toujours. Je compris qu'il ne parlerait pas si je n'engageais pas une conversation. Je ne voulais pas lui faire de procès ou parler de choses qui nous monteraient l'un contre l'autre. Je voulais de véritables retrouvailles, celles qu'on voit dans les films et qui font rêver les filles. J'en ai tant rêvé.
- Je suis désolée pour l'autre jour, Jacob. Je ne sais pas pourquoi j'ai réagi comme ça. J'aurais dû te montrer que j'étais heureuse de te voir, car c'était le cas.
Je marquai une pause. Je savais qu'il n'allait pas me répondre tout de suite, et qu'il n'était pas en colère non plus, mais je devais lui laisser le temps de se remettre. Je continuai de lui caresser les cheveux lentement, comme si ça pouvait le soulager de je ne sais quelle peine.
- J'ai eu tellement peur quand je t'ai vu... devant chez moi.
Je n'avais pas besoin d'insister sur sa situation.
- Qu'est ce qu'il s'est passé ? C'est de ma faute, c'est ça ? Continuais-je.
C'est plutôt évident.
- Je sais que tu ne veux pas en parler, du moins pas maintenant. Mais sache que je n'ai pas envie d'avoir à m'occuper d'un second cadavre prochainement.
Je n'essayais pas de le prendre par les sentiments, mais peut-être juste de lui rappeler que j'avais une bonne raison de l'avoir quitté, avant qu'il m'accuse de ne pas en avoir. Il se tourna enfin vers moi, je pus finalement voir son visage tout entier. Cette position agenouillée près de lit n'était pas très avantageuse, mais elle me permettait de respecter une certaine distance avec le corps de Jacob. Alors que j'ouvris la bouche pour continuer ma tirade, Jacob posa son index sur mes lèvres pour me faire taire. Il me touchait enfin. Je ne savais pas quoi faire, alors je retirai ma main de ses cheveux et attrapai la sienne, qui se trouvait si près de mon visage. Je me retenais d'y poser un baiser, ce n'était pas le bon moment. Renouer le lien avec lui était la plus belle chose qui pouvait m'arriver en ce moment. Moi qui croyais qu'il ne m'apportait que de la peine et de la souffrance, je n'avais raison qu'à moitié. J'avais chaud au cœur, et des millions de papillons dansaient dans mon ventre. Prendre sa main ce n'était rien, rien de plus que ce que l'on faisait tous les jours à Forks. Pourtant, j'avais l'impression de re-découvrir ces émotions perdues quelque part dans des souvenirs qui paraissent si lointains. Jacob me regardait dans les yeux, comme il savait si bien le faire, et parce qu'il savait l'effet que ça me procurait. Je pus même voir un petit sourire se dessiner sur ses lèvres. Ces lèvres...
- Il n'y a personne chez toi ? Murmura-t-il.
Il parlait, enfin ! J'étais déçue que ce soit la première phrase qu'il prononça à son réveil, mais c'était déjà ça. Le voir agiter ses lèvres me redonnait le sourire.
- Je crois que ma mère dort.
- Et Marin ?
Il n'avait pas l'air de vouloir me provoquer ou d'aborder ce sujet en particulier, il se renseignait seulement. Alors je lui répondit comme si sa question était dépourvue de sens.
- Il est chez lui. Je ne suis pas sûre qu'il veuille me parler à nouveau.
La dernière fois qu'on s'est parlé, ça s'est mal terminé. C'est peut-être mieux ainsi, ça m'évitera d'avoir à le repousser par moi-même le moment venu. Jacob ne chercha pas à savoir pourquoi, il sourit de plus belle, comme s'il avait gagné une petite victoire. C'était le cas. Il avait gagné la guerre.
- Hannah ?
Il serra un peu plus fort ma main dans la sienne.
- Oui, Jacob ?
De son autre main, il caressa ma joue tout en se relevant légèrement pour s'adosser à la tête du lit.
- Je sais que tu n'aime pas ça, mais est-ce qu'on pourrait faire comme si de rien n'était, juste pour cette nuit ? Oublier ces jours passés loin l'un de l'autre, oublier Marin, la Floride, tout.
- C'est tout ce que je demande. Mais seulement pour cette nuit.
On souriait bêtement tous les deux. Je n'avais même pas eu besoin de réfléchir pour répondre. C'était réellement ce dont j'avais besoin à ce moment là. Tout oublier, recommencer. Même si j'avais bien prévu de mettre les choses au clair dès demain. Pour l'instant, je voulais profiter. J'approchai mon visage de celui de Jacob. On respirait le même air, nos nez s'entrechoquaient. Si je m'avancais de seulement quelques centimètres de plus, je pourrais entendre ses pensées, celles qui ne pensent qu'à moi. Il est si bon de se sentir aimé par l'être aimé. Je ne pouvais pas me contenir plus longtemps, et il était simple de se rendre compte que c'était également le cas de Jacob. Je posai délicatement mes lèvres sur les siennes. Je voulais y aller en douceur, on avait toute la nuit devant nous. Peut-être même tout la vie. Nos baisers étaient lents mais si intenses, il témoignaient de la passion qui avait dormi tout ce temps là. Je ne ressentirais jamais cela avec quelqu'un d'autre que lui. Je voulais sentir son corps tout près du mien, son corps transpirant qui me rappelle ce qu'il a enduré pour revivre ce genre de moments. Je dû décoller ma bouche de la sienne pour me lever et m'installer à côté du lui, sur le lit. On tenait à peine tous les deux, mais cela me força à être à moitié sur lui, ce qui ne me déplaisait pas. Les actions s'accélèraient, elles s'enchaînaient vite. On ne pouvait plus contenir cet amour plus longtemps, il était temps de le vivre. Je l'embrassai à nouveau, plus fougueusement. Ça lui faisait plaisir, il avait tant attendu. Mon corps sur le sien, mes mains se baladaient pour se rappeler à quoi cela ressemblait de pouvoir toucher Jacob Black. Il était un peu moins svelte qu'avant, mais toujours aussi chaud. Je transpirais à mon tour, je transpirais d'amour. Ses mains, qui serraient si fort mon visage, vinrent se faufiler sous mon t-shirt, puis me le retirer. J'avais perdu l'habitude de me montrer. J'eus un moment d'hésitation. N'avions-nous pas tord de céder l'un à l'autre aussi vite ? Sûrement, mais ce genre d'occasion ne peut se rater. J'aime Jacob, et Jacob Jacob m'aime. C'est tout ce qui importe. Alors que nos vêtements volaient dans la pièce dans le plus grand des silences, Jacob vient me chuchoter à l'oreille :
- Hannah, je te veux rien qu'à moi.
- Je suis déjà toute à toi.
Ces retrouvailles étaient mille fois mieux que celles de lundi. J'aimerais les revivre en boucle. Certes, elles étaient rapides et peut-être infondées, mais c'est ce qui faisait qu'elles étaient uniques et mémorables. Je savais ce que Jacob voulait faire là tout de suite, et je ne me voyais pas le lui refuser. Mon corps lui criait oui, même si je dois admettre que j'aurais aimé remettre cela à un jour où l'on aurait été un peu plus conscient de ce que l'on faisait. C'était une mauvaise idée, mais ce n'était pas la première fois que je prenais une mauvaise décision.
- Tu es sûr que tu as assez de force ? >>
Ça pouvait paraître comme de la taquinerie ou bien de l'incitation à passer à l'action, mais en réalité j'étais inquiète. Il sortait tout juste d'un état d'inconscience, je ne voulais pas l'affaiblir à nouveau. Il ne me répondit pas, il agit. Il m'embrassa plus fort, finit de me déshabiller, et passa ses mains à chaque endroit de mon corps où il ressentait le besoin de me caresser. Il fit disparaître mon doute quant au fait de le faire maintenant, à cet endroit. On se lança. Et on fit l'amour pour la première fois.

La Fille Qui Courrait Après Les LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant