2. Installation

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Ma chambre n'avait pas changée, si ce n'est qu'elle paraissait beaucoup plus vide. Il ne reste que des meubles, aucune décoration ou affaire. Il faut dire que j'avais mieux prévu mon départ la dernière fois. Il y a toujours mon lit, un petit lit simple avec de fins draps roses. En face, il y a une commode blanche où je rangeais toutes sortes d'affaires, et une armoire vide, blanche également, comme tous les meubles de ma chambre, où devaient se trouver des vêtements. La fenêtre a gauche de mon bureau donne sur la maison voisine, plus particulièrement sur l'une des fenêtres de cette maison. Le soir, il m'arrivait d'observer la femme qui habitait ici. C'était sa chambre. Elle vivait seule, et était veuve, il me semble. Elle a déménagé et est partie vivre en Argentine quelques jours avant que je parte moi aussi. En réalité, c'est elle qui m'a inspirée à partir. Elle était triste et se plaignait souvent de sa vie difficile. Elle devait avoir la cinquantaine, mais n'avait pas d'enfants. Son visage fin, cerné et déjà ridé trahisait sa peine. Oui, elle me faisait de la peine. Elle m'a confié qu'elle partait pour recommencer une nouvelle vie, une meilleure vie, et même peut-être retrouver l'amour.
<< J'ai laissé comme c'était, je savais que tu allais revenir un jour >> Chuchota ma mère.
Elle tourna le dos et redescendis les escaliers. J'allais avoir du mal à combler le vide avec le peu d'affaire que j'avais. Je n'avais pas la motivation de les sortir de toutes façons. Cette journée était haute en émotion. J'ai appris que j'avais presque trompé Jacob, on a ensuite fallit rompre, on a décidé de partir vivre heureux ensemble en Alaska, j'ai découvert le cadavre de mon père, puis j'ai quitté Jacob et je suis revenue chez ma mère. Même dans les films, il n'y a pas autant d'action et de révélations.

Ma mère cria mon nom à travers la maison pour que je descende manger. C'est ce que je fis. On s'installa toutes les deux sur la table de la cuisine, qui était immense. Ma mère n'a jamais été une incroyable cuisinière, mais elle aime bien faire à manger. Cette cuisine a également changée. Elle a toujours été grande, mais tous les appareils et les meubles ont changé. Pourquoi est-ce-que tout à changé ? Ma mère nous avait cuisiné une omelette avec de la salade. J'ai horreur de ça, mais je vais me taire pour cette fois. Je joue juste avec la nourriture et ma fourchette, pendant qu'elle dévore son repas en silence.
<< Tu ne manges pas ?
Non.
- Si, j'attends juste que l'appétit arrive.
C'est vrai, je ne sais vraiment pas mentir.
- Alors il devrait se dépêcher ! Regarde comme tu es toute maigre... Ton père ne te nourissais pas ?
Et bim ! Un coup de plus au moral.
- Si, ce n'est pas ça...
- Le stress, n'est-ce pas ?
J'aurais plutôt dit l'anorexie...
- Oui, voilà.
Le silence se réinstalla. Mais pourquoi, diable, étais-je revenue ici ? Cet endroit me fait mal au crâne, il y a de mauvaises ondes.
- Dis-moi, chérie, tu...tu t'installes définitivement ici ?
Ais-je vraiment le choix ?
- Oui, du moins jusqu'à que je sois majeure.
- Donc, tu pars dans un mois ?
- Non. Enfin, je ne sais pas. On verra bien.
Elle voulait que je reste, c'est sûr.
- Bien sûr, fais comme tu veux. C'est juste que c'est si surprenant de te voir ici !
Je la regardais sans comprendre le sens de sa phrase.
- Dans le bon sens du terme ! C'est bien que tu sois revenue.
Je ne la déteste pas, mais je n'arrive pas à la supporter.
- Donc, tu vas devoir te réinscrire au lycée, non ?
Je tappa du point sur la table et fit sauter mon assiette, toujours aussi pleine. Ma mère aussi sursauta.
- Non ! Non, je n'y retournerais pas ! Je n'y suis pas partie pour y revenir !
Non, je ne voulais pas y retourner. J'avais vécu l'enfer à Forks, et même si c'était bien mieux ici, je n'irais pas de nouveau.
- D'accord, mais... Tu vas devoir aller au lycée, Hannah...
Je ne repondis pas, la tête appuyée contre mon bras et le regard plongé dans mon assiette.
- Ça ne s'est pas bien passé à Forks ? Tu t'es pourtant faite des amies, non ?
- Oui, des amies que je ne reverrais plus jamais et que j'ai quittées sans même leur dire aurevoir. Je ne veux pas que ça se reproduise !
Je regrette tellement de ne pas avoir attendu pour leur dire adieu. Normalement, c'est à ce moment là que j'aurais dû commencer à pleurer, mais je n'y arrive pas.
- Je suis désolée, chérie. Mais ici, tu auras tout le temps pour leur dire aurevoir quand tu partiras.
Je ne me referais pas d'amies. Je m'en étais faite deux en septembre : Dora et Syllie. Ce sont des surnoms, elles s'appellent réellement Danielle et Sandra. Tout le monde les appelle comme ça, même certains professeurs. Elles étaient meilleures amies, mais m'avaient acceptée telle que j'étais, et on était devenues amies. Mais maintenant, je sais que je suis beaucoup moins sociable.
- On reparlera de ça demain et on ira t'inscrire jeudi, d'accord ?
Je ne dis rien. Elle n'avait pas compris le message.
- Pourquoi tout à changé ici ? Demandais-je pour changer subtilement de sujet.
- Que veux-tu dire par là ?
- Ne fais pas semblant, tu vois bien que la maison a changée depuis mon départ. Il n'y avait pas de piscine, l'escalier à été repeint, et même la cuisine n'est plus la même...
Elle eut un moment d'hésitation. Elle cherchait ses mots.
- Ce n'est pas de ma faute, hein ?
Oui, j'avais peur d'être la cause de la peine de ma mère. J'ai tout de suite compris que si tout avait changé ici, c'est parce que ma mère avait dépensé beaucoup d'argent pour combler le manque créé dans la maison.
- Mais non, ma cherie ! Bien sûr que non...
- Tu peux me le dire, je comprendrais.
Son regard s'attristait. Je ne sais pas ce qui lui procure ça, je ne suis pas sûre que ce soit moi.
- Tu sais qu'après que tu sois partie, c'est Laurent qui m'a quittée...
Laurent ! C'était sûr, pourquoi n'y avais-je pas pensé ?
- Mais avant cela, on se disputait très souvent, il avait même déjà été violent avec moi...
- Maman ! La coupais-je, choquée de ses propos.
Je savais qu'il était violent, mais je n'avais jamais imaginé qu'il puisse lever la main sur ma mère.
- Tout va bien maintenant, ne t'inquiète pas. J'ai été stupide de croire qu'il m'aimait. Il voulait mon argent, c'est tout. Trop bonne, trop conne, chaque fois qu'il s'énervait contre moi, je faisais des dépenses pour lui faire plaisir et me rattraper... Maintenant qu'il est parti, je veux juste apporter du nouveau à cette maison et la rendre plus chaleureuse.
- Je suis désolée d'apprendre ça.
Que dire ? Je n'arrive pas à avoir de l'empathie, mais je ne suis pas insensible non plus.
- Je ne vais pas chercher à retrouver l'amour, je me fais vielle.
Tant mieux !
- Et toi, avec ton Jacob, vous êtes toujours ensemble ?
La question qui tue... Non, je l'ai quitté car j'avais peur de mourir à cause du fait que c'est un loup.
- Non, avec la distance j'ai préféré rompre, et il était d'accord avec ce choix.
- Oh, ma chérie ! Je suis tellement désolée d'apprendre ça ! Je sais que tu l'aimais...
Elle, elle réussissait à compatir pour moi. Je ne doute pas de sa sincérité, elle paraît changée.
- Oui, mais ce n'est pas grave. Ça n'allait pas durer, et puis j'ai encore beaucoup de temps devant moi pour retrouver quelqu'un. C'était une amourette de passage...
C'est tellement faux. Je n'ai jamais prononcée une phrase aussi mensongère de toute ma vie. Jacob était l'homme de ma vie, tout simplement. Je sais que je l'aimerais encore même dans des dizaines d'années. C'était mon premier amour, il m'a marqué, et cela pour toujours. Mais je dois mentir, je dois refouler mes sentiments. Je n'ai pas le droit de l'aimer, je dois l'oublier.
- Je suis contente que tu le prennes comme ça. Tu dois voir vers l'avenir maintenant. Si tu as besoin d'en parler, je suis là.
Non, je vais m'abstenir.
- Merci, maman.
Son regard attendri me faisait de l'effet. Oui, elle paraissait plus posée maintenant qu'elle était seule. Je retrouve la mère qui m'a élevée à Forks, ma vraie mère.
- Tu verras, tu retrouveras pleins de garçons mignons au lycée.
Elle relançait le sujet. Ça ne pouvait pas finir bien, il fallait qu'elle gâche tout. Encore une fois, je l'ignorais. Je me levai de table et sortis de la cuisine.
- Je suis vraiment fatiguée, je vais aller me coucher.
Elle se leva à son tour.
- Déjà !? Mais tu as à peine touché ton omelette ! Mange un peu plus, non?
Cela faisait bien longtemps que j'avais perdu l'appétit. Manger était devenu trop compliqué. C'était une tâche horrible qui me donnait envie de mourir à chaque fois que je l'effectuais.
- Non, c'est bon. À demain. >>
Elle resta bouche-bée, tandis que je montais déjà les escaliers. Je l'entendis se rassoir sur sa chaise. On était toutes les deux dans une période de déprime.

Je ne trouvais pas le sommeil, pas après tout ce qu'il s'était passé aujourd'hui. Je me levais fréquemment, marchais dans ma chambre, allais aux toilettes. Il était déjà 23h50 et je n'avais pas réussi à fermer l'oeil. Je regardais par la fenêtre et essayais d'apercevoir les nouveaux habitants de la villa d'à côté. Je savais qu'il y avait quelqu'un dans la chambre car la lumière était encore allumée, mais je n'avais pas cerné qui y était. Les affiches collées au mur et le papier peint me laissait penser que c'était un adolescent, probablement un garçon, mais je ne pouvais pas l'affirmer. Alors j'attendis. Cette personne allait bien se lever tôt ou tard pour fermer ses rideaux. Ce fut le cas, comme s'il avait entendu mes pensées. Je vis un garçon, comme je l'avais pensé, venir fermer le volet de sa fenêtre. Il paraissait avoir à peu près mon âge. Il était assez grand, brun, la peau bronzée, par rapport à moi. Il regardait par ma fenêtre, l'air de chercher quelque chose, les sourcils froncés. Il ne devait pas voir grand chose, j'étais dans le noir complet. J'étais allongée à plat ventre sur mon lit, mes mains retenant ma tête et les pieds en l'air. Je me sentais bien. Ça me faisait plaisir de voir quelqu'un de mon âge dans le quartier. Il ne paraissait pas si heureux que moi et ferma brusquement son volet. Il a dû me repérer. Il allait me prendre pour une fille perverse qui observe les gens par leur fenêtre. Je décidai de fermer également mon vollet, qui était toujours ouvert, et retournai me coucher. Je me mis confortablement dans mes draps et fermai les yeux. Rien à faire, je ne trouvais pas le sommeil.

La Fille Qui Courrait Après Les LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant