— Depuis quand tu fumes ? m'étonne-je en sentant la fumée âcre.
— Depuis jamais, je déteste ça, trop de connotation. Mais tu vas voir, c'est une belle saloperie à tous les niveaux, explique-t-il la clope à la main, aussi détendu que quelqu'un qui tient une clope tous les jours, et même plusieurs fois par jour.
Avec son petit sourire en coin, il ne m'inspire pas confiance, apparemment, il a plus d'un moyen de torture en stock et surtout de l'imagination à revendre. Mais j'essaye de ne pas trop me focaliser dessus, comme la veille, je tente de garder mon calme, n'ayant pas changé de résolution. Plus je serais calme malgré la douleur, mais ce sera. Mais comme la veille, dès le début, elle manque de voler en éclat. Sans prévenir, Nazariy écrase son mégot dans mon dos. Ça n'a l'air de rien comme ça, mais la chaleur du mégot irradie, créant un point palpitant, incandescent, tentant de se transmettre dans tout le corps alors que le bout du mégot est toujours collé à ma peau. La douleur qui était minime au début commence doucement à devenir transcendante, me donnant l'impression de transpercer ma peau, mes côtés, mes poumons et tout ce qui est en contact avec le point.
Soudain, il l'éloigne enfin de moi.
À peine libre, la peau au niveau de la brûlure se distende sur la cloque. Je ne m'attendais pas à cette douleur vive. Et quand il colle à nouveau sa foutue cigarette à ma peau, dans une autre zone, c'est encore pire, les deux points palpitants semblant vouloir se rejoindre à tout pris, laissant une traînée de feu sur leur chemin commun. Nazariy répète ainsi l'opération, je ne sais combien de fois, transformant mon dos et mon être entier en fournaise. J'ai l'impression que la chaleur à non seulement envahi mon dos, mais aussi toutes les autres parties de mon corps, de mes oreilles à mes orteils. Quant à mon dos, à chacun de mes mouvements réflexes de douleurs, j'ai la sensation qu'il suppure tout entier alors que les cloques remplacent la trace des coups de fouet. Et tout ce que je peux faire, c'est serrer les dents, subir et tenter de rester détendu et calme, ne perdant pas mes objectifs.
Je serais bien incapable de dire combien de fois il a écrasé sa cigarette sur mon dos, ni combien il en a utilisé, mais je pense que c'est énorme. Une énième fois, je l'entends écrasé son mégot par terre avec sa chaussure, je ferme les yeux, profitant de ce moment de répit pour me détendre, guettant inquiète le claquement du briquet qui rallume une nouvelle cigarette, mais il ne vient pas. Je rouvre les yeux, pleine d'espoir, espérant que c'est un signal de fin et je me contorsionne, le cherchant du regard. Et effectivement, il est en train de sortir sa petite trousse à pharmacie.
Enfin.
Je sais bien que sortir d'ici n'effacera pas la douleur, mais au moins la souffrance n'augmentera pas encore plus. Une fois que Nazariy a fini de tout réunir, il me rejoint pour ces soi-disant soins que je trouve toujours aussi étranges, mais que je ne vais pas refuser. Au moins, avec des soins réguliers, je suis sûre que même si je me fais torturer, je n'aurais pas de problèmes supplémentaires ou autres réjouissements. Encore moins en ayant des soins tous les jours comme ça semble être le cas.
— Pourquoi tu fais ça, lui demandé-je alors qu'il applique des compresses humides sur mon dos.
— Fais quoi ?
— Me soigner.
— Oh ça ? Pourquoi pas ? Après tout, les Áídios ne veulent pas que tu meures et puis tu ne vas quand même pas te plaindre.
— S'ils tiennent tant que ça à me garder en vie, ils devraient changer leur ordre.
— Ce n'est pas comme ça que ça marche et je ne te laisserais pas mourir. Tu es une criminelle, tu as la fin que tu mérites. Et si tu veux que les ordres changent, tu sais très bien ce qu'il te reste à faire, ça sera rapide et efficace et ensuite ils te rendront ta liberté.
— Comme si c'était comme ça que ça marchait.
— Comme si tu avais ton mot à dire. Et tu peux survivre à la perte de tes Dō̂ron, ça dépend uniquement de toi.
Je garde le silence, Pandora m'a affirmé que c'était quasiment impossible de survivre à un Nékys et que ceux qui y survivent se suicident et il est hors de question que je teste, je préfère largement la croire sur parole. D'autant plus que Nazaryi n'est clairement pas dans la liste des personnes qui me veulent du bien alors en termes de confiance, on ne peut pas vraiment lui en donner. En tout cas, je ne peux pas me le permettre.
Dans mon dos, il s'active toujours, faisant tout de même les choses minutieusement. Et après un long moment, il va reposer sa trousse de premier secours et revient me détacher, maintenant que j'ai eu des soins adapter. Une fois libéré, j'essaye de tenir tant bien que mal même si mes jambes se dérobent sous moi et que pire encore, mon corps entier est douloureux. Nazariy me dit que je peux me rhabiller et serrant les dents, je me déplace lentement, cette fois, je veux tenir. Tant que je suis débout et approximativement autonome, j'existe, je respecte celle que je suis, si je perds ça et mes Dō̂ron, je n'aurais plus rien. Je ne serai plus rien. Je suis bien obligée de me raccrocher à ma dignité et à mon humanité.
Je mets encore plus de temps que la veille à remettre mes vêtements, mais comme la veille, Nazariy attend patiemment, ne semblant pas être dérangé. Et une fois prête, j'ai presque l'illusion que cette fois, il ne m'assommera pas, mais je me trompe, apparemment, il tient à cette étape en particulier puisqu'une nouvelle fois, il m'envoie un gros coup de poing dans la tête, m'envoyant valser. Je rencontre lourdement le sol, sonnée, sentant ma tête ricocher contre le béton. Au loin, je l'entends parler, sans réussir à le comprendre et puis quelqu'un me lève difficilement et me fait avancer dans le couloir avant de m'abandonner sur le lit de ma cellule.
Une fois allongée, je n'ai qu'une envie, disparaître. Quitter cet endroit. Cette douleur. Cet enfer. Alors je serre mes paupières, essayant de faire abstraction de tout. Mais je reviens de force à moi en entendant les cris de Bulle. La boucle infinie de souffrances. Mais une fois de plus impossible d'intervenir pour nous sortir de là.
VOUS LISEZ
elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)
ParanormalSuite de La Comptine Du Papillon et de La Sérénade Du Serpent Rien ne l'aurait préparé à ce qu'il va lui arriver, même ses cauchemars les plus fous. Après que Lindsay ait appris qu'elle était enfaîte Eirene, troue noir. Elle se réveille dans une piè...