Quand je me réveille, les cris de Bulle résonnent toujours, mais cette fois, ils viennent de la salle de torture, la femme l'a emmené. Je n'ai rien pu faire. Définitivement, cette femme n'a rien à craindre de nous parce qu'elle a un Dō̂ron qui lui permet de nous mettre hors d'état de nuire. Cette fois, je suis moins bien tombée que la dernière, sentant ma tête lancée, comme si je m'étais cognée sur le sol en tombant, ce qui est sûrement le cas. Apparemment, la dernière fois, je n'avais pas appris la leçon. Et je ne suis toujours pas sûre de l'avoir apprise parce que je ne suis toujours pas prête de fermer les yeux, même si mes actions sont totalement inutiles. De toute manière, qu'est-ce qu'ils peuvent me faire ? J'ai déjà la peine maximale et je suis en enfer. Alors si avec le peu de pouvoirs et force que j'ai, je peux sauver rien qu'une personne, j'en serais déjà très contente.
— Ça ne sert à rien, me rappelle Gwen.
— Vous êtes lâche. Tous. Comment vous pouvez laisser faire ça ?
— On n'a pas le choix... s'excuse Joakím.
Je les ignore royalement et me lève, profondément frustrée. Je ne supporte pas de ne rien pouvoir faire, or c'est précisément dans ce cas que je suis. J'ai fait tout mon possible dans mon faible champ d'action, mais je suis bien obligé de leur donner raison même si ça me dégoutte. Ça ne sert à rien, on ne peut rien faire, on n'a pas le choix. J'aurais envie de tuer Nazariy rien que pour ce qu'il fait à Bulle. J'aurais envie de tuer les Áídios rien que pour les ordres qui donnent. Et je m'en veux profondément d'être impuissante.
Me sentant affreusement mal, j'attends que le temps passe. J'attends que ce soit mon tour. J'attends que les cris s'arrêtent. J'attends. Aucun des autres prisonniers n'essaye de m'adresser la parole, ayant compris que je n'étais pas prête à écouter. Encore moins à entendre raison si facilement. J'ai déjà fait tout mon possible, mais ça ne m'empêche pas de continuer de vouloir agir.
Quand les cris cessent enfin, je ne suis pas vraiment soulagée. La perspective de prendre la place de Bulle n'est pas réjouissante. Pendant que Nazariy fait sûrement les soins, il faut de nouveau attendre dans un silence de mort. Étonnamment vite, la porte se rouvre sur la femme portant une Bulle inconsciente semblant totalement trempée. Définitivement, pire d'être en second. Après avoir posé et bordé Bulle, elle m'appelle et je me lève, toujours sagement obéissante. De toute manière, ça ne sert à rien.
Arrivée dans la pièce de Nazariy, je le découvre tranquillement en train de se sécher les mains. Et contrairement aux autres jours, la pièce a un peu changé, ayant une énorme bassine d'eau qui est posée en plein milieu.
— Alors comme ça tu causes des problèmes à Hortense de bon matin ? me demande-t-il une fois la porte refermée derrière moi. Tu es si pressée de me revoir ?
— Arrête de torturer Bulle.
— Tu es encore branchée là-dessus ? Vraiment, tu ne fais pas d'effort ou quoi ? Ce n'est pas à moi de décider, j'applique juste les ordres. Allez, déshabille-toi.
— Prends-moi moi à la place, insisté-je en commençant à me débarrasser de mes vêtements.
— Vraiment, il faut te méfier de ce que tu dis. Et j'avoue que ta proposition presque indécente est presque tentante. Mais là-haut, ils seront vraiment pas contents d'apprendre qu'au lieu de torturer Bulle, je te torture deux fois plus. Je risquerais sûrement ma place même. Alors je suis désolée, mais je ne peux pas.
— S'il te plaît.
— Oh me supplie pas c'est bon. Vraiment, elle va pas en mourir, tu es beaucoup trop sensible. On va pas parler de ça tous les jours, vraiment la gosse elle s'en remettra. C'est affreux d'être aussi innocente.
— Qu'est-ce que je peux faire pour te faire changer d'avis ?
— Mais tu fais aucun effort ! Ce n'est pas à moi qu'il faut faire changer d'avis, demande aux Áídios si ça t'amuse.
— Très bien alors, je veux les voir.
— Comme s'ils allaient accepter de te parler ! Avec toi au moins on ne s'ennuie pas. Enlève tes lunettes aussi, vaut mieux pas s'emmerder avec.
Réticente étant profondément mal à l'aise sans, je les dépose tout de même sur le tas de mes vêtements pliés, me retrouvant plonger dans le flou. La silhouette de Nazariy s'approche de moi et me pousse près de l'immense bassine d'eau. Je le sens alors me ligoter, mais cette fois, je suis quasiment sûre que ce n'est pas avec les chaînes au centre de la pièce, mais avec de simples cordes, ce qui me donne furieusement l'impression d'être à nouveau dans la même situation que lorsqu'il m'avait ligotée pour me livrer aux Áídios. Maintenant, il ne veut même pas que je leur parle. Il a sûrement trop peur que j'ébruite son secret. Comme si quelqu'un allait me croire. Comme si quelqu'un allait m'entendre même si j'écoute Nazariy. Une fois qu'il m'a lié les pieds et les mains, il me pousse, me faisant tomber à genoux. Sentant bien que c'était volontaire, je ne me relève pas, restant dans cette position ayant l'impression d'être monstrueusement près de la bassine qui doit m'arriver juste en dessous de la poitrine.
— Tu te souviens des règles de notre jeu ? T'utilise un de tes Dō̂ron et tout s'arrête.
Je serre les dents. Tu parles d'un jeu. Le pire c'est sûrement de me répéter cette menace tous les jours, comme si j'étais maître de mon destin. Comme si je ne me souvenais pas de cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Ma simple présence ici me le répète largement assez et la brûlure à ma main, à l'endroit de la marque ne fait qu'enfoncé le clou.
— Alors c'est parti, affirme-t-il le sourire dans la voix en faisant craquer ses doigts.
Sans plus prévenir, il m'attrape le crâne et me le projet vers la bassine. Le temps d'un instant, j'ai peur de m'exploser la tête sur le bord du bac, mais non, mon visage s'enfonce dans l'eau glacée. Prise de court, j'ouvre la bouche et l'eau s'engouffre, m'étouffant. J'entends raisonner mon cri de surprise, modifié par l'eau. D'instinct, je tente de me débattre, mais le corps courbé au rebord et enfoncé jusqu'aux épaules, c'est quasiment impossible, encore plus les mains liées. Sans aucune pitié, Nazariy me maintient la tête enfoncée alors que l'air me manque cruellement. L'eau que j'ai avalée me brûle la gorge et le nez et mon corps entier réclame de l'oxygène, mes poumons semblant appelés le vide, déclenchant des spasmes dans ma cage thoracique.
Soudain, il me ressort la tête de l'eau. Je crache celle que j'ai avalée et je reprends de l'air alors que l'eau goutte sur le sol et avant que j'ai totalement repris ma respiration, il me replonge la tête dans l'eau. Cette fois, je parviens à éviter de boire la tasse, serrant très fort les lèvres, ayant seulement de l'eau qui s'engouffre inlassablement par le nez, mais étant un peu retenu par des bulles d'air. Cette fois, j'essaye aussi de maintenir mon calme, l'effet de surprise passé. J'écoute donc le rythme affolé de mon cœur, amplifier dans le liquide. Je fais abstraction au froid, je me concentre juste sur mon cœur. Il bat, je suis en vie. Il bat. Je suis en vie. Il bat. Je suis en vie.
Dès que je le sens tirer ma tête vers l'extérieur, je me répare à faire mes réserves d'air et il me replonge dans ce ballet inlassable.
À force, je sens la peau de mon visage se flétrir et des fourmillements dans mes doigts et pieds. Je ne sais pas combien de temps dur ce petit manège, mais je reste concentrer sur mon cœur, inlassablement.
Soudain, il me lâche alors que j'ai encore le visage dans l'eau. Je me redresse tant bien que mal et reprends mon souffle, le souffle court avant de le chercher des yeux, inquiète. Mais il s'est bel et bien éloigné de moi, semblant en avoir fini, se séchant à nouveau les mains paisiblement, n'ayant même pas pris le temps de me détacher alors que je goutte, complètement trempé, ligoté devant la bassine.
Après un soupir, il repose sa serviette et revient vers moi pour défaire les nœuds avant de me dire de me relever et de me rhabiller. J'obéis et en le faisant, la peau encore humide, des alvéoles se forment sur mes vêtements crasseux. C'est alors que je réagis que je viens sûrement de subir la même torture que Bulle. Apparemment, il ne cherche pas à se réinventer.
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elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)
ParanormalSuite de La Comptine Du Papillon et de La Sérénade Du Serpent Rien ne l'aurait préparé à ce qu'il va lui arriver, même ses cauchemars les plus fous. Après que Lindsay ait appris qu'elle était enfaîte Eirene, troue noir. Elle se réveille dans une piè...