elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)

Jour 20 (2)

Sûrement que toutes les personnes ici étaient sur ce champ de bataille ou de massacre. Sûrement que tous ont tué pour protéger leur peau. Sûrement qu'Aaliyah et Joakím sont responsables de certains de ces trente-deux morts. Et sûrement aussi que les trois autres sont aussi responsables d'un nombre inconnu de morts du côté des Akra, même si je les déplore moins par un certain côté. C'est affreux à dire, mais vu que depuis que j'ai découvert que j'étais une Dýnamai, les Akra ont toujours été les méchants dans mon esprit, je n'arrive pas à avoir de la compassion pour eux. Alors que les Epa... Au moins, ils n'ont jamais cherché à nous faire du mal. Et maintenant que je sais que mes parents biologiques en étaient les chefs, je n'arrive encore moins à les considérer comme méchants. Pourtant, visiblement, les deux camps ont souffert de la bataille et de ces conséquences.

— Pourquoi ils ne m'ont pas laissé dans une autre famille ? Ou à un Dýnamai ? Qui sache qui je suis et comment s'occuper de moi et de mes Dō̂ron.

— J'ai cru comprendre qu'il avait prévu de le faire au début, ils avaient deux amies proches que je ne connaissais pas et qui auraient pu s'occuper de toi si Cameron n'était pas né le 29 février. Mais là, l'opportunité était très belle.

— Des amis ? Quels amis ?

— D'après la rumeur, c'était la meilleure amie de ton père et un autre homme qui faisait partie des Epa au début et qui en était sortie assez vite pour se protéger.

— Vous connaissez leur nom ?

— À quoi bon ? On est tous enfermés ici et ils sont sûrement morts maintenant ? me demande Gwen.

— Je veux savoir.

— Je crois que la femme s'appelle... ou s'appelait d'ailleurs... Konstantina, Dimitri nous en parlait parfois. Mais l'homme, je ne sais pas du tout, répond Terrence.

Je n'ai pas besoin de savoir plus, je sais le nom de l'homme. Frederick et Konstantina. Les parents de Pandora. Avant la naissance de Cameron le 29 février 2000, j'étais censée être recueillie par les parents de Pandora. J'étais censée grandir à ses côtés.

— Je crois que l'homme s'appelait Rick, c'était leur ami qui leur a parlé des injustices de la Kybernismós, intervient Minjun. Ils étaient restés en bons termes après son départ des Epa. Je pense que Konstantina et Rick étaient les deux personnes en qui tes parents avaient le plus confiance et c'était les seuls Dýnamai qu'ils connaissaient qui n'étaient pas impliquées dans les Epa.

Si je ne me trompe pas, l'homme qui a passé dix ans en prison pour avoir voulu intégrer la Phylakḗ est le père de Pandora. Celui qui connaissait Sandun et qui l'a peut-être aussi incitée à créer les Akra. Les Epa et nos familles, à Pandora et moi, sont tellement liés que c'en est impressionnant. Mon père et la mère de Pandora étaient meilleurs amis. Le père de Pandora qui sort de prison avec une idée de mouvement. Et mes parents qui créent les Epa. Il a dû se passer tellement de choses. Tellement de choses que je ne saurais peut-être jamais.

— En tout cas, une chose est sûre, tes parents ont fait au mieux pour te protéger, ça n'a pas été facile pour eux, signale Gwen.

Même si leurs raisons sont logiques, j'avoue que je ne peux pas m'empêcher d'avoir un peu d'amertume en pensant que j'aurais pu grandir en sachant toute, en apprenant à me servir de mes Dō̂ron et surtout aux côtés de Pandora. Ça n'aurait pas été la vie rêvée, mais ça aurait été bien. Je sais que ça aurait été de la rancune, de l'amertume et de la tristesse également, les parents de Pandora sont morts quand ce n'était qu'une enfant et j'aurais été encore plus jeune, mais ça me fait tout de même envie après coup. Une chose est sûre, ma vie aurait été totalement différente. Ma vie aurait pu être totalement différente des dizaines de fois.

— C'était quoi les Dō̂ron de mes parents, ceux qu'ils m'ont transmis ? demandé-je en posant la question qui me brûle la langue depuis des jours.

— Dimitri contrôlait l'électricité, je ne sais plus exactement le nom de son Dō̂ron, mais il était puissant. Et Moyra avait un Dō̂ron un peu plus discret, elle contrôlait le cours du temps, elle pouvait le ralentir et l'accélérer comme elle le voulait, voire même l'arrêter. Ils ont dû avoir un choc quand ils ont compris que tu avais hérité de leur Dō̂ron.

Le choc, ils l'avaient sûrement eu des années plus tôt lorsqu'ils ont découvert que Pandora avait hérité des Dō̂ron de ses propres parents. Ils savaient très bien ce qu'ils faisaient. Malgré tout, je dois avouer que... je n'ai pas à me plaindre. Je n'ai peut-être jamais appris à m'en servir et je ne l'apprendrais jamais, mais j'aurais sûrement pu me retrouver avec des Dō̂ron pires. Au moins, ce sont des Dō̂ron utiles. Ils m'ont peut-être même déjà été utiles si on y réfléchit bien. Rien que dans le cas le plus récent quand Cameron s'est fait poignarder... Une grande partie des clones ont disparu mystérieusement, sur le coup, je n'y ai pas pensé, mais peut-être que mon Dō̂ron en lien avec l'électricité y est pour quelque chose. En plus, je me souviens très bien du regard hésitant de Sydney quand il m'a rejoint, ne semblant pas comprendre ce qu'il s'était passé et encore moins comment l'expliqué. Même le retard d'action de Finn pour me rejoindre pourrait presque être expliqué par mon Dō̂ron du temps. J'aurais produit l'effet inverse de celui que je voulais, mais ce n'est peut-être pas impossible. Et le moment où cette utilisation est peut-être encore plus avérée, c'est en Chine dans la grotte avec les dalles lorsque Jenny et Sydney ont eu le réflexe incroyable de se baisser à temps pour éviter une flèche en mouvement, ce qui est sûrement impossible en réalité. Et d'autres moments sont peut-être également recensables, même si je ne les ai pas en tête.

Même si j'ai déjà souvent envie de parler à Pandora, c'est clairement dans ces cas-là que je voudrais le plus lui poser des questions. Elle aurait sûrement les réponses, elle me connaît très bien et plus encore, elle a assisté à une partie des situations. Les personnes en face de moi ne sont peut-être même pas au courant que j'ai plusieurs Dō̂ron. Je n'ose même pas leur en parler, tout comme je n'ose pas leur demander leur Dō̂ron à eux. Je ne sais pas pourquoi, j'ai peur que ce soit déplacé, ils sont enfermés là depuis des années sans pouvoir s'en servir, je ne voudrais pas leur rappeler ce qu'ils ont perdu. Parce qu'une chose est sûre, ils ont tous beaucoup perdu avec leur simple présence ici. D'autant plus qu'aucun d'entre nous ne sortira jamais vivant d'ici.