Jour 17 (1)

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J'ai mal dormi et j'ai ressassé la journée de la veille une bonne partie de la nuit, mais on va supposer que je suis quand même prête à affronter cette nouvelle journée... Déjà, le réveil est violent avec l'allumage direct des lumières, sans prévenir. Les autres prisonniers semblent habitués, se redressant en soupirant, tandis que je peine à garder les yeux ouverts. La seule qui semble subir autant son réveil que moi, c'est Bulle, recroquevillée sur elle-même dans un coin de son lit. Je me suis à peine redressée que la porte s'ouvre, faisant sursauté Bulle qui se retourne, terrifiée. La femme métisse rentre alors, restant près de la porte alors que personne ne semble surpris de sa venue à part moi.

— Eirene, m'appelle-t-elle en me faisant sursauter à mon tour alors que Bulle se détend significativement. Viens.

Sentant dans sa voix que c'est non négociable, je me lève, inquiète, me posant mille et une questions. Pourquoi elle m'appelle pour me sortir de cette cellule ? Qu'est-ce qu'est-ce qu'il s'est passé ? Et à la fois, je crains le pire, mais aussi le meilleur... Ce serait totalement fou et je pense que c'est trop tôt pour espérer quoi que ce soit, mais qui sait ? Je crains aussi que la pression ne soit pas assez grande face à mon cas... N'ayant de toute manière pas le choix, je suis la femme qui me fait sortir de la pièce avant de refermer derrière nous. Dans le couloir, au lieu de prendre à droite pour se diriger vers l'unique salle que j'ai déjà vue avec la salle du procès, on prend à gauche, allant vers la minuscule cellule. En comprenant ça, je ralentis, je ne veux pas retourner là-bas. Je refuse. La solitude, c'est pire que tout.

— Traîne pas, m'avertit la femme.

Alors en faisant beaucoup d'effort, je reprends une allure normale. Elle ouvre une porte au bout du couloir et m'invite à rentrer, restant à l'extérieur. La pièce est faiblement éclairée, mais la première chose que je vois, c'est les armes au mur, avec une collection de couteaux, de fouets, de chaînes et d'autres objets bizarres. Ne réfléchissant même pas, je me précipite dessus tandis que la porte se referme dernière moi.

— N'y pense même pas, me prévoit une voix d'homme. C'est mes jouets.

En l'entendant, je me fige, tétanisée. Nolan. Quelque chose dans sa voix m'effraye et mon sang se glace à la seule perspective de me retrouver dans la même pièce que lui. Mais je suis enfermée et seule. Je ne tente même pas de récupérer l'une des armes, même si ça pourrait m'être utile, les conséquences me font trop peur.

— Tu ne me dis même pas bonjour ? demande-t-il courtoisement, me faisant comprendre que quoi qu'il veuille me faire, je suis tenue d'au moins le regarder.

Je ferme les yeux, à la fois pour retenir mes larmes de peur et pour me donner du courage. Et après un ultime instant d'hésitation, je me retourne. Il est là, tranquillement assis sur une chaise à côté de l'entrée, devant être caché par la porte quand je suis rentrée. Totalement détendu, un sourire satisfait aux lèvres.

— On ne pourra pas dire que je ne t'ai pas prévenu. Et encore, je suis gentil, tu passes en première, affirme-t-il en se levant. Ça va tu te plais dans ton nouvel environnement ?

Je garde le silence, toujours. Je vais sûrement très bientôt découvrir ce que signifie « je m'occuperais moi-même de ton cas ».

— Tu es devenue muette ?

— Qu'est-ce que tu vas faire à mes amis ?

— Rien du tout, tu n'as pas encore compris que je ne vous voulais pas de mal ? Même à toi, je ne te voulais pas de mal, on n'était pas obligé d'en arriver à là. Mais bon... Tu en as décidé autrement. Allez, assez perdu de temps, déshabille-toi qu'on se mette au travail.

Je le regarde paniqué, reculant vers le mur, sachant que je ne peux pas fuir, la porte et fermée et je suis convaincue que personne ne me m'aidera. Peut-être que je peux récupérer une arme ? Je sais me battre, peut-être mieux que lui, et il est seul.

— Détends-toi, je vais pas te violer, c'est juste pour ne pas tacher ou déchirer tes vêtements. Mais fait comme tu veux, ces les seuls que tu auras pour le reste de ta vie après tout. Et ne m'oblige pas à le faire pour toi, sinon ce sera avec un couteau sous la gorge.

Absolument pas rassurer, j'obéis quand même. Bon sang, il va vraiment falloir que je fuie de là. Gardant une certaine pudeur, je conserve uniquement mes sous-vêtements et mes lunettes. J'arrive même à plier mes vêtements sans trembler, comme dans un automatisme, ayant besoin de ce geste banal pour me rassurer et faire comme s'il n'y avait pas son regard sur moi, comme s'il n'y avait pas cette peur affreuse, comme si tout allait bien. En faisant ça, je remarque des taches sur le sol. Des grosses taches rougeâtres. Un instant j'ai l'impression que la peur va gagner et que je vais m'effondrer à cause de la panique. Mais je reste concentrer sur mes vêtements, tout est normal. Il faut que je contrôle mes émotions, c'est essentiel, j'en suis certaine. Mes Dō̂ron, quels qu'ils soient, se contrôlent en partie avec mes émotions et les rares fois où j'ai dû m'en servir, c'était dans des situations extrêmes, charger en émotion, alors si je veux éviter de m'en servir et de les perdre, il faut que je sois maître de moi-même. Aucun débordement ne sera permis. Quoi qu'il arrive. Je dois tenir.

— Avance, m'encourage-t-il en me poussant dans le dos jusqu'au mur opposé à celui des armes.

Je remarque alors les lourdes chaînesqui pendent du plafond à cet endroit-là ainsi qu'au sol. Dès qu'il m'a placée au bon endroit, Nolan commence à m'attacher les mains avec les chaînes.

— Soyons très clairs, je vais tout faire pour te pousser à te servir de tes Dō̂ron, on va essayer plusieurs techniques, voire celles pour lesquelles tu es la plus réceptive. J'avoue que je n'ai pas beaucoup d'espoir vu que je n'ai pas beaucoup de techniques qui peuvent te pousser dans les retranchements de tes Dō̂ron, mais on va essayer quand même, d'accord ?

En même temps, il relève les chaînes et les rattache au plafond, les tendant presque au maximum, m'empêchant de faire le moindre mouvement, les bras tendus. Un peu plus et il me lèverait, suspendu par les bras. Et si ces quinze derniers jours, je n'avais pas subi une diète forcée et une absence quasiment complète d'exercice, je pourrais sûrement me soulever à la force de mes bras et tenter une action. Mais je ne m'en sens plus la force. Et puis à quoi bon, je suis déjà attachée. Et je ne pourrais pas me libérer, je suis totalement à sa merci.

— Nolan, s'il te plaît, ne me fais pas ça, le supplié-je vraiment inquiète tandis qu'il m'attache les pieds au sol.

— Je ne fais qu'obéir à des ordres, ce n'est pas faute de t'avoir prévenu. J'avoue c'est plutôt satisfaisant, mais je suis que l'exécutif, déclare-t-il absolument pas désolé en m'attachant les cheveux en chignon. Par contre s'il te plaît, ne m'appelle pas Nolan, ici c'est Nazariy, c'est un prénom affreux, je te l'accorde, mais tout de même, on est censé faire avec vu qu'ici c'est comme ça qu'on doit m'appeler, conclut-il en se relevant, tout sourire.

Avoir ces paroles agressivement menaçantes en tête et son sourire presque charmant me dégoûte. Je ne comprends toujours pas comment il a réussi à nous mener en bateau, tout, pendant aussi longtemps.

— Tu aimes bien jouer sur tous les tableaux avec des noms différents apparemment, affirmé-je spontanément, me demandant au passage pourquoi diable je fais la conversation.

— Et encore, tu n'as pas idée à quel point. Mais oui, c'est plus simple pour passer inaperçu, on ne sait jamais, ce serait dommage que je perde ma couverture.

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant