Jour 17 (2)

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— Alors je pourrais te balancer ?

— Et moi je pourrais te tuer, ça serait très tentant aussi. Et sache que ça ne servirait à rien, ils ne t'entendront pas, tu n'as donc rien appris ?

Appris ? Je le regarde étonner, je n'ai jamais rien tenté contre lui et je ne l'ai pas balancé la veille. Mais soudain, je me souviens de mon interrogatoire des mois plus tôt et de Nadei.

— Comme... Nadei... murmuré-je surprise de ne pas avoir réagi plus tôt.

Si c'est ça, le type s'est bien foutu de notre gueule. Nolan. Nadei. Némo. Nazariy. Une personne. La taupe, l'Akra, l'imposteur et le membre de la Phylakḗ. Tellement fort qu'il a réussi à infiltrer tous les principaux groupes de Dýnamai connus. Pire encore, je suis convaincue que sa vraie motivation, c'est les Akra. Il a cré Nolan que pour se rapprocher de moi, Némo pour une raison qui m'échappe encore et il a accompli l'objectif des Akra en intégrant la Phylakḗ en tant que Nazariy.

— Et de quatre, me félicite-t-il en s'éloignant, observant son mur d'armes songeur. Tu en as mis du temps. Mais je le répète : ici, c'est Nazariy, ajoute-t-il en faisant claquer le fouet qu'il vient de saisir.

En voyant son regard froid, je panique. Je savais déjà qu'il était sérieux, mais je pense que j'en prends vraiment conscience seulement maintenant. Pas paniqué, pas paniqué, pas paniqué. Non j'en suis incapable. Même si je sais que c'est totalement inutile, je m'agite, saisissant les chaînes qui me relisent au plafond, essayant tant bien que mal de me libérer, mais elles sont trop bien fixées, totalement soudées au plafond.

— Ce n'est pas comme ça que tu vas te libérer tu sais, remarque Nolan en me « caressant » avec la lanière en cuir du fouet, me tournant autour. La meilleure manière pour t'en sortir, c'est d'utiliser ton Dō̂ron, il suffit d'une fois.

Et la tentation est grande, uniquement alimentée par la peur, je pense d'ailleurs le rappel vicieux de cette main qui me brûle toujours. Il faut que je me contrôle. Je ne peux pas me laisser abattre si facilement. Je dois tenir. Je dois trouver la motivation et la force de tenir. Mes Dō̂ron, c'est tout ce qu'il me reste avec moi, je ne peux pas les laisser partir. Il faut que je me résigne à souffrir jusqu'à trouver un moyen de fuir d'ici.

— Tu peux toujours rêver, affirmé-je.

— Je n'en espère pas moins de toi, déclare-t-il satisfait juste avant de donner le premier coup de fouet.

La douleur est immédiate tandis que la lanière tape contre mon dos et l'enroule légèrement autour de mes côtes. Je sens la brûlure et mon pouls battre sous ma peau à l'endroit de la marque. Et en voulant m'empêcher de crier, je me mords légèrement la langue. Même si je ne le vois pas, je sens son sourire satisfait dans mon dos tandis que la mèche fouette l'air à nouveau avant de s'abattre une seconde fois, plus fort encore. Et une troisième. Cette fois, je me mords vraiment la langue tandis que le sang se répand dans ma bouche avec un goût métallique. J'ai l'impression que mon dos entier bat. Mais mentalement, malgré la douleur, je reste concentrée sur le mur en face et la respiration régulière de mon bourreau. Je suis là et je vais m'en sortir, il ne me tuera pas, il faut que je reste calme.

Le quatrième coup m'arrache vraiment un cri cette fois, alors que j'ai la furieuse impression de sentir un liquide couler le long de ma colonne vertébrale. Et il continue. Continue. Continue. Inlassablement tandis que je ressens chaque muscle, chaque vertèbre de mon dos douloureusement. Même les parties épargnent de mon corps souffre, j'ai l'impression de ne plus sentir mes mains tandis qu'elles sont attachées et que j'ai les bras de plus en plus tendus, supportant le poids de mon corps qui s'affaissent sous les coups. Mes jambes fourmillent, douloureuse, et mon être entier dépéri alors que mon dos entier semble toucher. Je sens presque plus les nouveaux coups, ayant l'impression que c'est quelqu'un d'autre qui les reçoit. Et soudain, tout se stoppe. Brutalement. Alors que mes paupières sont de plus en plus lourdes, épuiser par la souffrance.

— C'est déjà bien pour aujourd'hui qu'est-ce que t'en dis ?m'interroge-t-il en reposant tranquillement son fouet. Je commence à avoir une crampe au bras, ça serait dommage que je me fasse mal, après comment je vais le justifier face à Ayoe et tout ?

Même si j'étais à deux doigts de sombrer dans l'inconscient, ses mots me réveillent. Le salop. Il ose être face à moi et être encore auprès des Pirie. Il ose les regarder en face en sachant ce qu'il m'arrive et ce qu'il me fait.

— Comment oses-tu ?

— Comment j'ose quoi ? demande-t-il toujours aussi détendu en me touchant le dos avec un truc qui pique.

J'hallucine ou il est en train de me soigner ? Mais oui, en me contorsionnant, je vois qu'il a posé une petite bouteille de désinfectant avec des compresses et du scotch au sol pas loin de moi.

— Le monde ne tourne pas autour de toi, j'ai le droit d'être auprès d'eux si je ne veux, continue-t-il tranquillement comme si ce qu'il faisait était totalement normal. Ils ont tous beaucoup besoin de soutien, je ne vais pas leur faire subir ma perte après ce que tu leur as fait, tu ne crois pas ? Il faut bien que quelqu'un veille sur eux.

— Tu n'as pas le droit ! m'énervé-je en me débattant.

Malgré la douleur, je ne peux pas rester de marbre face à ça. J'accepte de souffrir s'il le faut, mais je refuse qu'il conserve son imposture. Ce n'est pas possible.

— Ah oui ? Et qu'est-ce que tu vas faire pour m'en empêcher ? Je te rappelle qu'ici c'est moi qui suis libre, pas toi.

— Ne leur fais pas de mal.

Il soupire, franchement agacé.

— Tu n'as toujours pas compris ? Il va falloir apprendre à écouter ma pauvre. Je ne veux rien leur faire, au contraire même. Tu n'as peut-être pas confiance en moi, mais j'ai prouvé plus d'une fois que je vous protège. J'avoue plus d'une fois, certains ont enfreint mes ordres et je les ai punis, mais je ne leur ai jamais demandé de faire du mal au Pirie ou à toi. La seule que j'aurais bien voulu éliminer, c'est Pandora. Mais toutes les autres fois où ils ont essayé de vous tuer, c'était de l'insubordination et ils ont clairement enfreint mes règles.

— Tes règles... répété-je pas sûre de prendre la mesure de ses paroles.

— Tu m'as très bien compris.

— Le chef des... Aaaah ! me stoppé-je net en ayant l'impression qu'il enfonce le doigt dans l'une des plaies de mon dos.

— C'est dommage d'encore me sous-estimer. Et certain nom de mouvement ferait mieux d'être tu, sinon je vais peut-être laisser échapper celui d'une certaine Antarsía auprès des Áídios, ce serait dommage non ?

— Je croyais que tu ne voulais pas de mal au Pirie, rappelé-je alors qu'il récupère d'autres compresses et du scotch au sol.

Je ne comprends définitivement pas ce qu'il fait dans mon dos. C'est totalement illogique de me fouetter jusqu'au sang puis de me soigner comme si de rien été et plus encore de me bander les plaies. Pourtant c'est exactement ce qu'il fait.

— C'est vrai, mais ça ne m'empêche pas de faire tomber Rigel, Quiterie et Finn, voire les quatre autres si les Áídios se décident, ce ne sera pas faute de t'avoir prévenu une fois de plus. Je sais bien qui je dois protéger et comment. Pandora aussi, si je pouvais, je la ferais volontiers tomber, mais je la verrais plutôt à ta place actuellement.

Je reste muette, mais au-delà de sa menace à l'égard de tous mes proches, j'entends autre chose. « Si je pouvais, je le ferais ». Pourquoi il ne peut pas faire tomber Pandora ? Il n'a eu aucun mal à m'enlever sous le nez de tout le monde alors pourquoi il ne pourrait pas faire la même chose pour Pandora ? Aurait-elle des Dō̂ron assez utiles pour lui échapper ? Ou ne sait-il pas où elle est ? Ce serait possible après tout, elle voulait partir dans une planque inconnue avec moi, elle l'a peut-être fait seule ? Ou alors, espoir un peu fou, Nolan ne peut plus l'approcher parce qu'elle s'en méfie ? Qu'ils s'en méfient tous ? En tout cas, même sans vouloir me révéler quoi que ce soit, j'ai l'impression qu'il m'a fourni une information très importante.

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant