Jour 49 (1)

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Quelque chose a changé. Je le sens avant même d'ouvrir les yeux. Mon corps est courbaturé comme s'il était resté immobile plusieurs jours et je commence à connaître la planche qui me sert de lit, ce n'est plus la même, elle est plus granuleuse. J'ouvre les yeux, inquiète, mais il fait encore noir, ce qui m'empêche de voir quoi que ce soit. Autour de moi, je sens encore les respirations lentes des autres prisonniers, me prouvant que je ne suis pas seule. Bulle... Encore endormi, je n'avais pas réagi, mais Bulle s'était endormi avec moi la veille, je m'en souviens très bien, elle fait ça régulièrement maintenant, à chaque fois que la journée a été trop dure, elle vient se blottir contre moi et me demande de raconter une histoire ou de chanter une berceuse. Et là, elle a disparu alors qu'elle ne fait jamais ça, normalement, si elle se réveille en cours de nuit, elle me réveille toujours, jamais je ne me retrouve seule sans signes avant-coureurs.

Définitivement inquiète, je dois me retenir pour ne pas réveiller tout le monde et vérifier si tout va bien. Raisonnablement, ce n'est pas choquant que nous ayons changé d'endroit... Ça semblerait même assez logique que les Áídios et la Phylakḗ changent régulièrement de lieu de QG pour éviter d'être trouvé ou pour plein d'autres raison. Alors j'attends, tout va bien, je ne suis pas seule. Impossible de dire combien de temps j'attends, mais soudain, les lumières s'allument, me permettant de découvrir la nouvelle pièce. Définitivement, nous avons changé de lieu, la pièce est plus petite, ayant à peine la place pour tous nos lits et la porte n'est plus dans le même bois. Les autres le voient immédiatement aussi, surtout Bulle qui pâlit. Réagissant avant moi et étant surtout plus proche, Aaliyah la prend dans ses bras pour la rassurer. Mais au-delà de Bulle, ils ont tout de même l'air surpris, ça ne doit pas être si courant que ça.

— C'est régulier qu'on change de lieu comme ça ?

— La dernière fois qu'on a changé de lieu, ça devait être il y a deux ou trois ans, affirme Joakím à côté de moi.

— Et la fois d'avant ?

— Juste après la naissance de Bulle...

Donc pas si régulier que ça. Je n'ai pas le temps de pousser ma réflexion plus longtemps que la porte s'ouvre sur Hortense qui m'appelle. Apparemment, les changements de lieux ne changent pas les bonnes habitudes. Je me lève et suis donc la garde dans ce nouveau lieu. Le nouveau couloir est tout aussi long, mais le nombre de portes s'est considérablement réduit, il n'y en a qu'une tous les cinq six mètres, alors que dans l'ancien lieu, elles étaient quasiment collées. Nous tournons à droite à la sortie de la cellule et nous avançons jusqu'au bout du couloir où se trouve une porte. Elle l'ouvre et en apercevant l'intérieur, je comprends que ce n'est pas une salle de torture, c'est une salle de procès. Mon cœur s'arrête. Que s'est-il passé ? Qu'est-ce que les Áídios ont découvert ou appris ? Lesquels de mes proches sont en danger ? Hortense me pousse dans le dos, m'incitant à avancer jusqu'à l'unique chaise au centre, bien en face des Áídios. Dans la pièce, aucune trace d'un de mes proches, mais ça ne veut sûrement rien dire.

— Eirene Dow-Mordoh, vous êtes amené face à la Dikastḗrion afin de témoigner et fournir des informations sur une certaine Pandora Ganivet Pirie qui s'est récemment dénoncée comme étant la fille de deux Dýnamai, annonce Félix. Face à nos manques de ressources, nous faisons appel à vous pour obtenir des informations qui nous permettront de la trouver et de la maîtriser pour le bien de tous.

La seule pensée cohérente qui traverse mon esprit, c'est que Pandora est totalement inconsciente. Pourquoi diable, alors que les Áídios ne la recherchent pas, s'est-elle dénoncée ? Mais même sans être égocentrique, je crains deviner la raison... Aucune pression ne sera suffisante pour me sortir de là, alors elle s'est dénoncée pour servir d'appât et me venir en aide... Mais ça reste totalement inconscient et stupide, jamais ce genre de plan ne marchera, elle n'a aucune chance de s'échapper et encore moins de me faire sortir de là avec elle. Ce n'est pas certain, peut-être que je fais fausse route, mais quoi qu'il en soit, je ne compte rien leur dire, je ne dénoncerais pas Pandora.

— Vous ne saurez rien.

— Dans ce cas... Allez chercher Bulle et tous les outils qu'il vous faut, affirme-t-il froidement.

Obéissants, Hortense et Nazariy se lèvent et sortent tandis qu'Hiro et plusieurs membres de la Phylakḗ regardent Félix ne semblant pas approuver ce choix.

— Vous ne pouvez pas faire ça ! Bulle n'a rien à voir avec cette histoire. Vous ne pouvez pas la laisser être torturé comme ça ! m'exclamé-je révoltée.

— Nous ne laissons rien faire, vous le laissez faire. Vous parlez et personne ne fera de mal à cette enfant, sinon elle permettra sûrement de vous délier la langue.

— Vous êtes des monstres ! Tous, hurlé-je.

Même si je souhaite profondément que quelqu'un d'autre intervienne et empêche ça, je ne me fais pas d'illusion... Et même si je m'en voudrais sûrement à vie s'il arrive quoi que ce soit à Pandora... je ne peux pas laisser Nazariy torturer Bulle sous mes yeux. J'essaye de me rassurer tant bien que mal, Pandora est grande, elle s'en sortira, mais je sais bien que je signe son arrêt de mort ou ce qui s'en rapproche le plus. Au même moment, la porte se rouvre sur Bulle et Hortense. En un simple regard, je vois la panique profonde dans les yeux de Bulle. Sans réfléchir, je me lève pour la rassurer et dès qu'elle me voit, elle tente de se libérer de Hortense.

— Que personne ne bouge, intimide Félix.

— Laissez-moi au moins la rassurer. Je vous dirais tout ce que vous voulez de toute manière, promis-je.

— Allez-y, m'accorde Hiro.

— Merci, lâché-je soulagée avant de combler la distance entre Bulle et moi.

Je la prends dans mes bras, moi-même rassurée par sa présence.

— Je suis là, ils ne te feront rien... la réconforté-je alors que Nazariy réapparaît.

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant