Je ne sais pas ce qu'il y avait dans la mixture que j'ai bu, mais elle a soit eu le mérite de m'endormir, soit celui de réduire la douleur, en tout cas, j'ai dormi. J'ai le souvenir d'avoir fait quelques cauchemars sanglants et mouvementés, certains avec la hache, d'autre avec ma main qui me pourchassait et me hantait, d'autre encore avec le jaguar. Mais au moins, j'ai dormi et je suis a priori en sécurité ici. J'ai sûrement une chance monumentale que cette tribu m'est trouvée et sauvée, sinon je serais sûrement morte hier.
À mon réveil, c'est le lever du jour et la chasseuse est encore là, somnolant sur le sol. Un instant, j'hésite à me lever, mais pour aller où et pour quoi faire ? Je suis bien plu en sécurité ici que seule dans cette forêt avec une main en moins et un moignon qui peut très bien l'infecter. Alors j'attends et elle finit par se redresser en sursaut, indiquant sûrement qu'elle n'avait pas eu l'intention de dormir ou du moins pas autant. Elle se lève et m'apporte un nouveau bol de sa drôle de boisson avant de me faire signe de boire et de ne pas bouger. Elle sort alors de la cahute et revient quelques minutes plus tard en me rapportant une sorte de bouilli jaune avec des petits fruits orange que je reconnais comme étant l'un des fruits que je ramassais souvent. Étrangement, de les voir, ça me réconforte, c'est quelque chose de connu. Elle me tend la mixture en me parlant et je m'assois sur le bord du lit avant de commencer à manger sous son regard. Et c'est affreusement difficile de manger de la bouillie sans couvert et à une main, le tout sans tout faire tomber alors que j'ai trop mal à mon bras gauche pour m'en servir de soutien. Malgré tout, ça fait un bien fou de manger cette mixture un peu tiède et spongieuse et je finis mon bol en entier.
Après ça, elle me récupère le bol et me donne une espèce de jupe en fibre végétale qui me font beaucoup penser à celle des danses traditionnelles polynésiennes. Apparemment, ce genre de vêtement est courant ici, plusieurs personnes en porter déjà hier, seuls certains portent un pagne en cuir comme la chasseuse. Comprenant que je vais devoir abandonner mes vêtements, j'ai un pincement au cœur même s'ils ont été massacrés ces derniers mois, surtout depuis mon arrivée dans la jungle et encore plus après l'attaque du jaguar, mon pantalon et mon t-shirt sont déchirés et usés jusqu'à la corde. Mais ça me fait quand même bizarre de me dire que je vais devoir les abandonner... Ce sont les seuls objets que j'ai et mine de rien, c'est mon dernier lien avec ma vie d'avant. Et là, même si je ne parle pas la langue de la chasseuse, le message est très clair, elle veut que j'adopte les vêtements de leur tribu.
Je récupère alors la jupe, presque résignée, elle me tourne alors le dos, respectueusement, ce que j'apprécie, je pose donc la jupe sur le lit et j'entreprends difficilement de me déshabiller, mes vêtements sont collés par la sueur et la crasse, mais à une main, c'est encore plus dur. Le pantalon, ça va encore, j'arrive à le descendre avec ma main droite, même si c'est compliqué, mais je crains tout particulièrement le t-shirt et le passage de la manche gauche. En attendant, je tente de mettre la jupe. Et même si personne ne doit en porter ici, je garde ma vieille culotte usée, au moins provisoirement. Je mets un moment à comprendre comment la jupe se met, mais je finis par comprendre que c'est une espèce de jupe porte feuille, avec des lanières végétales à chaque extrémité pour l'attacher autour de la taille. À une main, ça risque d'être comique à mettre.
Avec beaucoup de difficulté et avec l'aide de mon coude gauche, j'arrive à l'enrouler autour de ma taille tant bien que mal, j'arrive même à récupérer la corde de chaque côté et avec beaucoup de difficulté, j'arrive même à faire un nœud simple. Mais ce genre de nœud ne tient absolument pas, surtout que je n'arrive même pas à le serrer. Je finis par y arriver en tirant l'une de deux cordes avec mes dents et l'autre avec ma main droite, malheureusement, l'étape de faire un nœud de lacet pour fixer convenablement la jupe autour de ma taille s'avère une étape impossible malgré tout ma bonne volonté. Si mon moignon ne me faisait pas un mal de chien, je pourrais peut-être m'en servir, mais là, mon coude est trop court et à une main, je n'y arrive pas. Résignée, je demande de l'aide à la chasseuse qui comprend très vite mon problème et me fais le nœud en deux en trois mouvements.
Une fois la jupe attachée, j'enlève mon t-shirt, le plus délicatement possible, à une main, commençant par le bras gauche, écartant le plus possible le tissu avec mes doigts pour éviter qu'il ne frôle mon moignon. Et après enlever mon soutien-gorge est déjà beaucoup plus simple. Maintenant, je suis vraiment dans la tenue du village, sein nu comme tous ces habitants, même si ça me perturbe beaucoup. Me voyant prête, elle approuve et me passe un collier autour du cou. Je mets quelques secondes à identifier l'énorme pendentif du collier, mais je finis par voir que c'est une patte de félin, devant faire la taille de mon poing, avec de gros coussinets d'un côté et de l'autre, une épaisse fourrure jaune parsemée de point noir. Je n'en suis pas totalement sûre, mais je jurerais que c'est une pâte de jaguar transformé en pendentif avec avoir été coupé et vider pour la transformer en une sorte de bourse.
Voyant sûrement que je ne comprends pas son cadeau, elle m'explique en une série de gestes et je comprends que c'est la patte gauche du jaguar que « j'ai » tuer. J'en suis emplie d'une certaine reconnaissance en la voyant, me rappelant que j'ai survécu et j'ai l'impression que c'est un grand symbole, ça me touche vraiment comme cadeau. Alors que j'admire les détails de la patte, la chasseuse récupère mon tas de vêtements et me fait signe de la suivre. Nous allons alors jusqu'au préau central du village et nous nous rapprochons dangereusement du feu central qui sert sûrement à la nourriture, mais qui a aussi possiblement servi à cautériser mon moignon. Et soudain, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai la sensation qu'elle va les mettre au feu. Fondamentalement, ça n'a aucune importance, je ne partirais jamais d'ici et je n'en ai de toute manière pas l'intention. En plus, je n'ai aucune raison de les porter à nouveau, ici, ce n'est pas approprié et ils sont de toute manière défoncés depuis longtemps déjà. Malgré tout, j'ai un pincement au cœur, surtout en pensant à mon bouton de braguette, il m'a tellement sauvé la vie que je ne peux pas le laisser être brûlé.
Sans réfléchir, je lui arrache le pantalon des mains, tout le reste peut partir au feu, mais je veux récupérer le bouton, par sentimentalisme. Ne comprenant pas ce que je fais, la chasseuse essaye de m'expliquer qu'il faut brûler mes vêtements et tant bien que mal, j'essaye de lui expliquer en retour que je veux au moins garder le bouton. Elle ne comprend définitivement pas, mais j'insiste en tentant de lui demander d'emprunter le couteau qu'elle a la taille vu que je n'ai rien pour couper le tissu du jean. Même sans comprendre, elle essaye de faire des efforts en me tendant son couteau. Sans attendre avec l'aide de mon coude gauche pour tendre le tissu, je coupe le tour du bouton. Maintenant mon objectif atteint, je lui rends son arme et le pantalon, gardant le bouton précieusement serré dans ma main. À son regard, je sens qu'elle a trouvé cette action étrange, mais satisfaite que je lui ai tout rendue, elle approuve avant de jeter les vêtements au feu. Ces derniers s'embrasent quasiment instantanément et disparaissent peu à peu. Ça y ait, il ne me reste presque plus rien de ma vie d'avant, je n'ai plus qu'un bouton, mes lunettes, mon Períapton et une culotte qui sera bientôt plus portables. Mais même si une page se tourne, je sens qu'une nouvelle vie s'offre à moi. Ici dans ce village qui accepte apparemment de m'accueillir.
La chasseuse me fait signe de la suivre à nouveau et je m'empresse de glisser mon bouton dans ma bourse avant d'obéir. Elle me conduit vers une cahute à l'opposé de celle où j'ai dormi et à l'intérieur, il y a la guérisseuse qui s'est occupée de moi la veille. En nous voyant, elle me fait signe de m'asseoir si le rebord du lit. La soigneuse commence alors à débander mon moignon le plus délicatement possible, réveillant malgré tout la douleur. Je la regarde faire, mais je finis par détourner le regard en voyant le moignon sanguinolent et les cloques de brûlure. Pour l'instant, c'est trop pour moi, la vue plus la douleur, je ne supporte pas. La femme me fait alors plusieurs soins, certains aggravant la douleur, d'autres la soulageant avant de placer à nouveau un bandage en feuille autour du moignon, le protégeant à peu près des saletés. Et une fois qu'elle a terminé, elle me fait signe que c'est bon et je rejoins la chasseuse avant de la suivre à nouveau à travers le village.
Nous rejoignons alors la lisière du village où se trouvent des cultures et elle me confie aux bons soins d'un jeune homme de notre âge à peu près avant de repartir. Le jeune homme me confie alors un panier similaire à celui qu'il porte et me le passe en bandoulière. Puis il m'explique en me montrant les différentes récoltes à faire et j'aide alors le petit groupe de villageois à ramasser divers fruits dont la plupart sont dès que j'ai déjà cueilli seules dans la jungle. Avec une seule main, je ne suis sûrement pas la plus efficace, mais j'aide. Ce qui m'impressionne le plus, ce sont ceux qui grimpent en haut des arbres à mains nues pour récupérer des fruits, ils font ça avec tellement d'aisance, c'est incroyable.
VOUS LISEZ
elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)
ParanormalSuite de La Comptine Du Papillon et de La Sérénade Du Serpent Rien ne l'aurait préparé à ce qu'il va lui arriver, même ses cauchemars les plus fous. Après que Lindsay ait appris qu'elle était enfaîte Eirene, troue noir. Elle se réveille dans une piè...