Jour 119, suite

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La première pensée que j'ai, c'est qu'ils ne m'ont pas coupé la main, ils m'ont arraché la peau avant de mettre ma main au feu. Face à la douleur, je reviens à moi en vomissant. Incapable de gérer la douleur qui me tord les tripes, je saisis ma main avec la ferme intention de l'arracher et je rencontre le vide. Elle n'est plus là et pourtant, elle me fait souffrir à mort. Elle est encore tellement là que j'ai l'impression de pouvoir encore la bouger. Je peux la sentir. Je bouge ma dernière main, avec l'intention de tâter le moignon. Soudain, une main inconnue me retient et une voix me dit quelque chose dans un langage inconnue. Ramenée de force à la réalité, j'ouvre les yeux. Ce n'est pas un rêve ni un cauchemar. Juste la réalité. Ils m'ont coupé la main. Je n'ai plus mon Nékys. Et malgré la douleur affreuse, je suis soulagée et j'ai l'impression qu'un poids s'est ôté de mes épaules et que l'étau s'est desserré de mon cœur. Ce n'est peut-être qu'une illusion avec l'espoir, mais j'ai l'impression que mes Dō̂ron ont été libérés et que tout mon être en est soulagé.

Mais la réalité, c'est aussi le village dans lequel j'ai atterri et le peuple qui m'a recueillie. La main qui m'a empêchée de toucher mon moignon est celle de la chasseuse et nous avons quitté le préau central du village pour atterrir dans une des petites cahutes. Nous sommes que deux et quelqu'un m'a installé dans une sorte de lit en bois avec des feuilles en guise de matelas. La chasseuse me surveille d'un regard dur, mais depuis que la tribu m'a trouvée, c'est la première fois que personne ne me menace avec une arme. Elle répète sa phrase en éloignant ma main restante de mon moignon, me faisant bien comprendre qu'elle ne veut pas que je touche au bandage de feuille qui y est fixé. Ça fait très bizarre de ne plus la voir pour la première fois, ma main gauche et ce tatouage maudit qui me brûler, mais auquel je m'étais habituée. J'ai perdu beaucoup aujourd'hui. Malgré tout, je caresse l'espoir qu'un meilleur avenir m'attend maintenant que je ne suis plus seule.

La femme me dit quelque chose que je ne comprends pas et en le voyant, elle le répète en s'asseyant sur le bord du lit. Je l'imite donc et elle me sourit. Elle se relève en me faisant signe de ne pas bouger et m'apporte un bol avec un liquide trouble. Elle me le donne et me dit un nouveau mot en mimant le fait de boire. Je m'exécute, un peu inquiète, mais me rassurant en me disant qu'elle ne veut pas me tuer, sinon elle l'aurait déjà fait depuis longtemps. Le liquide est absolument infect, étant amer et âpre, mais je le bois en entier, tenant le bol d'une main. Elle récupère alors le bol et me fait signe de dormir en disant un nouveau mot. J'obéis donc et elle s'éloigne un peu allant s'installer par terre près de l'entrée de la cahute, me montrant qu'elle me surveille toujours.

La douleur dans mon moignon est toujours affreuse, mais plus j'essaye de la supporter, il le faut. Et je me réconforte en me disant que c'était ce que je voulais, c'est une bonne chose d'avoir perdu ma main, même si je n'ai sûrement pas pris la mesure des conséquences.

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant