Jour 113

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Avec la chasse, la cueillette et l'exercice physique, je commence doucement à reprendre des forces après des mois de torture et d'emprisonnement. Et plus important encore, je commence doucement à m'adapter à ma nouvelle vie et à trouver mon rythme. En plus, je commence doucement à avoir tout ce dont j'ai besoin pour vivre, voire même certain objet de confort comme mon hamac qui par chance, supporte très bien mon poids et se transporte assez facilement.

Le matin, j'inspecte mes quelques collets, puis je défais mon campement, je me mets en marche jusqu'à la tombée du jour et je cueille des fruits sur mon chemin. Chaque jour se ressemble et je comprends de mieux en mieux cette forêt.

Aujourd'hui, alors que j'ai sûrement déjà parcouru quelques kilomètres, je tombe sur une rivière. C'est la première fois que je rencontre un affluent de celle que je suis depuis plusieurs jours. Mais cette rivière est différente que celle que j'ai traversée, elle est plus claire, presque translucide. Elle est aussi beaucoup moins large, devant faire à peine dix mètres et elle se termine en une petite cascade. Et surtout, elle m'inspire bien plus confiance que l'énorme rivière remplie de crocodiles. Avec la chaleur qui règne depuis ce matin et le soleil qui commence à descendre dans le ciel, j'ai très envie d'arrêter mon périple de la journée là ou presque et de me laver pour la première fois depuis une éternité. Ce serait l'occasion, je sécherais vite et je pourrais même laver mes vêtements crasseux et les faire sécher au coin du feu. Décidée, je reviens en arrière installer mon campement du jour puis je retourne au coin d'eau.

Définitivement, c'est le coin parfait pour se laver, en plus, l'eau est tellement transparente que je vois tous les poissons qui y vivent. Par contre, je n'ose pas me regarder dans le reflet de l'eau, ayant trop peur de l'image que j'y découvrirais et que je renvoie maintenant.

Je me déshabille et je m'enfonce dans l'eau qui m'arrive à la taille. Elle est tellement fraîche, ça fait un bien fou face au soleil écrasant. Je frotte ma peau, décollant le film de crasse beaucoup plus facilement qu'avec la pluie. Et soudain, je passe ma main dans mon dos et me fige. Ma peau est lisse. Il n'y a aucune marque. Prise de panique, je sors de l'eau et regarde tant bien que mal le reflet de mon dos dans l'eau. Il n'y a aucune trace, aucune cicatrice, aucune plaie en train de guérir. Rien. Pourtant, c'est impossible, ma dernière séance de torture remonte à dix jours plus tôt et je me souviens très bien, j'étais blessée, j'ai senti mon sang coulé dans mon dos, j'ai senti la douleur, ça ne peut pas avoir disparu en dix jours, il ne peut pas y avoir aucune trace de ce que j'ai vécu pendant trois mois.

Mais je dois me rendre à l'évidence, il n'y a aucune trace, comme si tout ça n'avait jamais existé, comme si j'avais tout imaginé, comme si Nadei ne m'avait jamais frappée et torturée. Je tremble, folle de rage de n'avoir aucune preuve, aucune marque de ce que j'ai vécu. Tout ça ne pouvait pas être que dans ma tête. Soudain, je vois ma main, toujours gravée de la marque noire, me narguant avec la menace du Nékys, unique trace de la prison dans laquelle j'ai vécu. Furieuse, j'attrape une pierre de la rivière avec la ferme intention de me débarrasser de cette main, de cette marque, de ce Nékys, comme Nadei l'a fait pour Bulle en lui tranchant la main. Comme ça, il n'y aura vraiment plus aucune trace de mon emprisonnement ni des menaces qui pèsent sur moi. Je lève la pierre bien haut avec l'intention de frapper de toutes mes forces. Et... je l'abats d'un bruit sourd à quelques centimètres à peine de ma main dans un hurlement de rage qui se transforme en sanglot. Je suis lâche. Je n'ai pas eu le cran, même avec toute la haine du monde, même en haïssant cette marque, même en haïssant l'absence de cicatrices dans mon dos, même en haïssant n'avoir aucune preuve de ce que j'ai vécu.

Et même en haïssant plus que tout Nadei. Parce que c'est lui le responsable. Lui est tellement lui. C'est lui qui m'a manipulée, c'est lui qui s'est servi de son Dō̂ron pour me faire vivre tous les enfers du monde. Et pire que tout, c'est à cause de lui que j'ai envie de me débarrasser de cette main. C'est lui qui m'a affirmé pouvoir me débarrasser du Nékys. Et même si ça me dégoûte, c'est sûrement lui qui a tranché la main de Bulle. Je ne sais pas pourquoi il a fait ça, mais j'en suis convaincue, il a dû faire du chantage sur Bulle comme il en a fait sur moi ou il a dû voir en Bulle ou en ses Dō̂ron un atout pour mettre ces plans à exécution. Impossible de savoir quels sont ou étaient ses plans, mais je serais prête à parier que ça a un rapport avec l'explosion et notre évasion, même si cette dernière était sûrement involontaire. Et Bulle a été ou est toujours, utiliser par Nadei et je ne peux plus rien y faire, il n'y a plus de retour en arrière possible.

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant