Nuit 104 (1)

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Quelque chose gratte au-dessus de moi. Prise de surprise, je me redresse en hurlant, me cognant au passage la tête. Le grattement s'arrête immédiatement. Je suis plongée dans le noir complet, plus encore que la pénombre du début. J'ai dû m'endormir à un moment où un autre et maintenant, il y a une chose qui essaye de pousser la branche qui me cache. Définitivement, j'aurais dû réfléchir un peu plus avant de choisir mon trou, j'ai dû atterrir dans le terrier de je ne sais trop quel animal et maintenant, l'animal en question essaye d'y retourner. Et quel animal est assez grand pour avoir un terrier pouvant contenir un humain ? OK, ce n'est pas excessivement grand, mais je loge à l'intérieur quand même. Ça pourrait être n'importe quoi, un grand félin ou n'importe quel autre carnivore.

Définitivement effrayée, je me recule dans le coin opposé. Le pire c'est que cet animal n'est sûrement pas mon seul problème, je ne sais pas du tout si Joakím a abandonné ses recherches ou pas, mais s'il est encore dans les alentours, il a forcément entendu mon cri. Soudain, je vois apparaître de longues griffes entre les branches. En plus, l'animal pousse des petits cris aigus de mécontentement, ressemblant furieusement aux ronronnements ou aux feulements des félins. OK, je vais crever. Il faut vraiment que je sorte de là. Abandonnant définitivement l'ouverture par laquelle je suis entrée et ne voulant surtout pas me confronter aux griffes de l'animal, je tente de me créer un chemin à l'opposé entre les buissons. Heureusement que les racines de l'arbre laissent de beaux passages, sinon je ne pourrais jamais sortir. Déjà que là, c'est difficile, je dois me contorsionner pour passer entre les branches.

Enfin sortie, c'est le soulagement, l'animal est juste de l'autre côté de l'arbre, mais je ne suis plus dans son terrier. Dehors, c'est la nuit, seules les étoiles et la lune permettent de voir à peu près. N'hésitant pas plus longtemps, je fuis le plus discrètement possible. À quelques mètres, je ne peux pas m'empêcher de me retourner pour voir quel est le prédateur que j'ai dérangé. Et là, je découvre un animal, très poilu, avec un long nez et une queue touffue, faisant presque deux mètres de long et une cinquantaine de centimètres de haut. Définitivement pas un félin, je jurerais presque que c'est un tamanoir. Mais au souvenir des énormes griffes, même si c'est un fourmilier, je ne veux définitivement pas y être confrontée.

Dans ma malchance, je n'ai pas l'impression d'entendre des sons humains, il y a seulement la nature qui s'agite, qui chante, qui crie, qui vit. Malgré tout, il faut que je m'éloigne plus de mon ancienne prison, je ne sais pas s'ils vont continuer à me chercher, mais plus il y aura de distance entre Nadei et moi, mieux ce sera. Et surtout maintenant que je suis sortie, je dois faire des choix et vite, je ne peux pas rester là. Il faut que je bouge, mais où ? Et accessoirement, il faut aussi que je survive et que je ne me fasse pas attraper, ça réduit sûrement fortement les possibilités qui s'offrent à moi. Honnêtement, j'ai très envie de m'enfoncer au cœur de la forêt et de ne plus jamais en sortir. En plus, ça me permettrait de m'éloigner au maximum de la prison. Mais réalistement, en termes de survie, c'est sûrement une énorme connerie.

Déjà quelles sont mes priorités de survie ? J'ai soif, j'ai faim, j'ai mal, j'ai peur, je suis épuisée, je ne sais pas où je suis et il y a clairement des animaux sauvages autour de moi. Traduction, j'ai l'impression d'être sacrément dans une situation merdique. Dangereusement merdique même. Donc objectif, fuir tout en survivant. J'aurais tendance à dire que ma priorité numéro 1, c'est de me mettre à l'abri des animaux, surtout après avoir manqué de me faire attaquer par un tamanoir et la nuit, moment de la journée où les animaux chassent sûrement.

J'aurais sûrement une solution toute trouver pour me protéger des animaux, j'ai un super Dō̂ron qui me permet de communiquer avec la nature, ce serait super utile actuellement, ça m'empêcherait sûrement de me faire tuer par je ne sais trop quelle bête féroce. Mais malheureusement, je suis quasiment certaine que l'ombre de mon Nékys s'étend bien au-delà de ma prison, je sens encore très bien la brûlure de mon tatouage, me faisant bien comprendre que si j'utilise un de mes Dō̂ron, je vais le perdre. Un peu d'électricité pour tenter de faire du feu et un peu de protection contre les animaux, ce serait super pourtant, mais ce n'est pas grave. Il va falloir que je me débrouille sans.

Déjà, la faim, je peux tenir encore, j'ai déjà réussi à passer quinze jours sans manger, même si mon dernier repas était presque quarante-huit heures plus tôt, je peux tenir. La douleur, je la supporte, je n'ai pas besoin de soin dans l'immédiat, voire je n'en ai pas besoin du tout. La fatigue, je suis obligée de vivre avec, je ne peux pas dormir en dehors d'un abri. Il ne me reste donc plus que la priorité de me protéger des animaux, celle de fuir et celle de boire. D'abord les animaux, à près boire et ensuite la fuite, ça semble raisonnable comme programme.

Dans l'idéal pour faire fuir les animaux, il me faudrait du feu, mais je me sens totalement incapable d'allumer un feu dans le noir sans avoir d'allumettes ou de briquet. Donc il me faut un autre plan et un peu par dépit, je cueille une longue branche, avec un peu de chance, le « je suis un monstre énorme » suffira à effrayer les carnivores qui me guettent peut-être déjà.

Maintenant l'eau... Je dois avouer que dans le noir, après avoir fui sans regarder le chemin et m'être échappée du terrier d'un tamanoir, je suis foncièrement incapable de dire dans quelle direction se trouve la rivière. Totalement désorientée, je mets un moment à me souvenir d'où je venais et où je dois aller, je dois m'arrêter plusieurs minutes pour situer le bruit de la rivière et aller dans sa direction. Je mets longtemps à atteindre l'eau faisant très régulièrement des pauses, ayant l'impression d'être incapable de marcher plus d'une vingtaine de mètres tant mes muscles me font mal en plus j'ai la tête qui me tourne et je commence à avoir mal à la tête.

Malgré tout, j'avance, petit mètre par petit mètre, vérifiant que je continue d'entendre le bruit de l'eau dans la direction où je vais. Je n'ai pas le choix, il faut que j'atteigne l'eau. C'est affreux comme cette rivière me semble loin, à croire que je ne suis pas dans la bonne direction, pourtant je l'entends, elle est là, quelque part au milieu de cette forêt. Le chemin ne m'avait définitivement pas semblé aussi long en courant et quand j'atteins le point d'eau, je ne peux pas affirmer avec certitude que c'est le bon, mais, peu importe, c'est de l'eau.

Je m'agenouille au bord de la berge et avant de plonger les mains dans l'eau, je suis prise d'un doute. Dans le noir sans l'adrénaline, l'eau m'inspire beaucoup moins confiance, je sais que je l'ai traversé à la nage quelques heures plus tôt, mais ça ne m'empêche pas de me demander quels genres de bêtes vivent ici. Il pourrait y avoir n'importe quoi, des anacondas, des piranhas, des crocodiles, ou je ne sais trop quel autre animal qui pourrait avoir envie de me noyer ou de me bouffer. Je ne sais même pas si l'eau est potable ou si je vais m'intoxiquer en la buvant. Malgré mes craintes, la brûlure dans ma gorge me signale que je n'ai sûrement pas le choix. C'est quoi déjà la règle des trois en survie ? Trois minutes sans oxygène, trois heures sans protection face aux intempéries, trois jours sans boire et trois semaines sans manger. Il faut que je boive, c'est une question de survie. Même s'il y a sûrement d'innombrables saloperies dans cette eau, sans elle, je signe mon arrêt de mort.

Alors je plonge mes mains en coupe dans l'eau et bois. L'eau est âpre et à un goût désagréable, mais je pense que je n'ai jamais autant savouré de l'eau de ma vie. Malgré tout, au cas où, je fais des pauses régulièrement pour ne pas trop boire d'un coup. Par chance, je ne me fais pas embêter par je ne sais trop quel animal pendant ce temps. Et une fois que j'ai l'impression d'avoir assez bu, je me lève et récupère ma branche. Maintenant, il faut que je décide où aller. Sûrement un choix qui va décider tout le reste de ma survie dans cette jungle.

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant