Jour 15 (2)

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Le temps où la porte est ouverte, je ne vois pas l'extérieur, mais de l'air frais s'engouffre, me permettant de prendre une bouffée soulager. Nolan a eu l'humanité de me mettre un pot de chambre dans la pièce et il est vidé de temps à autre, mais l'odeur de rance, de renfermer, de transpiration et de pisse est absolument immonde même si je m'y suis presque habituée et que je me souviens seulement à quel point ça pu le matin quand la porte à dû être ouverte récemment ou quand comme là elle est ouverte quelque instant. La sentant aussi, Nolan fronce le nez et me regarde dégoutter.

À son entrée, je me lève, titubante, affaiblie. Je ne veux pas paraître encore plus faible que je ne le suis en réalité face à lui. Je préfère être débout, appuyée à un mur plutôt qu'assise, misérable.

— Tu as réfléchi à notre petit arrangement ? m'interroge-t-il.

Je le regarde sans répondre. J'y ai réfléchi. J'ai eu que ça a faire de réfléchir. Et je sais que ma réponse et mon opinion n'ont pas changé. Malgré tout, après avoir passé quinze jours de solitude absolue dans cette pièce, je me demande ce qu'il va bien pouvoir m'arriver... Ça remet certaines choses en perspective. Je sais ce que je perds, mais je ne sais pas ce que je gagne. Et je sais que je suis perdante dans les deux cas. Pire encore, je sais qu'en refusant sa proposition, je refuse la proposition la plus supportable.

— Alors ? insiste-t-il face à mon silence.

— Je n'ai pas changé d'avis, murmuré-je en fermant les yeux, n'osant pas faire face à ma propre réponse.

Les jeux sont faits. J'ai fait mon choix. J'aurais sûrement l'occasion de le regretter plus tard.

— Plus fort, je ne t'entends pas.

— Je n'ai pas changé d'avis. Je refuse.

— Je ne sais pas pourquoi, j'en étais sûr. J'aurais presque été déçu sinon, sourit-il. On va bien s'amuser tous les deux.

Son absence de colère me déroute, je m'attendais à une autre réaction, quelque chose de franc, direct. Mais non, il a son petit sourire, son air satisfait et il me fait encore plus peur. Il est heureux de mon choix, satisfait.

Sans rien dire de plus, il ressort, me laissant à nouveau seule, la lumière toujours allumée. Je reste là, ne sachant pas quoi faire ni ce qu'il va se passer. S'il revient, je pourrais essayer de l'attaquer et fuir peut-être ? Mais à peine ai-je cette idée que je l'abandonne, j'en serais totalement incapable. Je n'ai rien mangé depuis quinze jours, je suis affaiblie et épuisée, je ne peux pas réalistement m'en prendre à quelqu'un, encore moins à un homme. Nolan n'est pas particulièrement costaud et à ma connaissance, il ne sait pas se battre, mais même ainsi, je n'ai aucune chance, je sais à peine tenir debout.

Quand il revient comme j'aurais pu le prédire, il a un paquet sous le bras et une petite bassine d'eau à la main.

— N'essaye même pas de sortir, me prévient-il alors que je n'en ai pas du tout l'intention. Tiens ça, rends-toi présentable, tu vas voir du monde, ajoute-t-il en posant le paquet et la bassine sur le sol.

Sans plus d'explication, il ressort.

Méfiante, je m'approche du paquet, me demandant où est le piège. C'est un simple sac en papier kraft et quand je l'ouvre, la première chose que je sens, c'est du pain. Sans réfléchir, je le sors, ne prêtant attention à rien et je croque dedans. La mie fond sur ma langue, répandant un bon goût de... vie tandis que je mâche avec délectation, reprenant une bouchée dans la foulée avant de me raisonner. Il faut que je me calme. Je n'ai rien mangé depuis quinze jours, si je mange trop vite, je ne vais pas le supporter. J'essaye alors de prendre mon temps, ne faisant pas attention à mon instinct qui voudrait engloutir le morceau de pain, mâchant lentement, savourant la nourriture. C'est mon premier repas depuis longtemps et je ne sais pas quand sera le prochain.

Quand j'ai fini mon morceau de pain, je me sens déjà mieux, sentant mon ventre être rempli et un certain soulagement, je ne nourrirai pas de faim dans l'immédiat. Je ne sais toujours pas ce qui m'attend, mais j'ai eu à manger.

Me reconcentrant sur le sac, je le rouvre pour regarder ce qu'il y a d'autre. À l'intérieur, il n'y a plus que des vêtements. Ce n'était pas un besoin aussi essentiel que la nourriture, mais ce n'est pas de refus quand même. Je porte la même tenue depuis mon enlèvement et l'idée de me débarrasser des immondices que j'ai sur le dos n'est clairement pas de refus. Je sors alors les vêtements et... c'est des de mes vêtements. La vue d'un de mes pantalons et un de mes rares t-shirts me noue le ventre. Il a forcément été les récupérer chez les Pirie et cette simple perspective m'est insupportable. Je refuse de m'imaginer Nolan chez les Pirie alors que je suis là, faisant comme si de rien était, discutant peut-être même avec eux de ma disparition, faisant semblant de s'inquiéter pour moi. Mais même si je le refuse, ces vêtements en sont la preuve incontestable et ça me dégoûte.

De toute manière, le mal est fait et je ne peux rien y changer. Je ne peux même pas savoir si Nolan s'en est pris à quelqu'un d'autre. Je ne veux pas savoir. Alors je déplie les vêtements, décidée à me changer malgré tout. Il en tombe alors un gant de toilette. C'est donc pour ça la bassine d'eau. Quoiqu'est prévu Nolan, il veut définitivement me rendre présentable. Impossible de savoir pourquoi, mais il n'a pas soudainement décidé de s'occuper de moi. Obéissante, je décide de faire ce qu'il veut. De toute manière, je ne sais pas quand est-ce que j'aurais de nouveau accès à un de ces privilèges. Lentement, je déboutonne mon chemisier et je l'enlève avec mon pantalon, gardant uniquement mes sous-vêtements et je plonge le gant de toilette dans l'eau. Au contact du liquide, la peau abîmée de mes phalanges me pique, mais j'y prête à peine attention.

Je passe alors le gant de toilette sur ma peau, retirant le film de crasse et de sueur qui s'y est déposé, effleurant au passage mes os devenus saillants sous ma peau avec l'amaigrissement que j'ai subi ces quinze derniers jours. Au fur et à mesure de ma toilette, l'eau de la bassine devient de plus en plus trouble. Une fois finie, je termine de me changer et je me rhabille avec les vêtements propres, déjà devenue un peu trop ample pour moi. Une fois ça de fait, j'attends, ne sachant pas quoi faire ni ce qu'il va se passer ensuite. J'attends un long moment, sans doute plus d'une heure, même si c'est très dur d'estimer le temps qu'il passe dans ma prison.

Mais Nolan finit par rerentrer, comme j'aurais pu le prévoir.

— Enfin prête ? me demande-t-il alors qu'il voit bien la réponse. Debout, tourne-toi.

N'étant toujours pas en position de force, j'obéis alors qu'il s'approche dangereusement de moi. Je ne fais rien, n'osant pas courir le risque. Il m'enlève mes lunettes avant de me bander alors les yeux, avant de me bâillonner puis de m'attacher les mains dans le dos, me rendant totalement vulnérable. Pendant qu'il fait ça, il ne dit rien et je n'ose pas l'interroger. De toute manière, je connais déjà la réponse, il va tenir ses promesses. Toujours sans aucune explication, il me fait avancer, une main dans le dos pour me guider. Me fiant à mon audition, j'écoute attentivement.

Au premier arrêt, la porte s'ouvre et après quelques pas se referment. De l'autre côté de la porte, nous sommes encore en intérieur, entendant nos pas raisonner, comme si nous étions dans un long couloir. Et vu la fraîcheur du sol sous mes pieds nus, aucun doute qu'il est en béton comme ma cellule. Puis un deuxième arrêt. Une nouvelle porte, plus lourde, en métal sûrement. Et l'air extérieur. Du vrai air frais, avec une petite brise marine et beaucoup de silence. Soudain, un moteur de voiture tourne à l'arrêt. Sous mes pieds, des gravillons humides sur lesquels j'avance douloureusement. Je trébuche, déséquilibrée, mais Nolan continue à me faire avancer tandis que la portière de la voiture s'ouvre et se referme. Il me pousse alors, mais faisant m'asseoir sur l'un des sièges de la voiture et refermant derrière moi. J'entends alors deux personnes monter dans la voiture et au moment où le véhicule se met en mouvement... Noir.

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant