Jour 94

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Ça fait une semaine que je ne suis pas sortie de la nouvelle cellule. Tous les jours, Hortense nous amène le repas et jamais elle ne nous appelle pour nous amener près de Nazariy. Impossible de comprendre ce qu'il se passe. Le seul jour où nous ne nous sommes pas fait torturer depuis que je suis arrivée ici, c'est le jour où j'ai témoigné contre Pandora, sinon ça n'est jamais arriver. Et là, ça fait déjà sept jours de répit. Je commence même à espérer que Nazariy se soit fait tuer ou que quelqu'un ait compris son rôle de taupe. Malheureusement, impossible d'en avoir la confirmation.

Un jour de plus, la porte s'ouvre sur Hortense et l'angoisse au ventre, je la regarde entrer, ne sachant pas quand est-ce que cette parenthèse de tranquillité va finir.

— Eirene, m'appelle-t-elle.

Mon cœur se serre. Fin de la parenthèse, c'était sans doute trop beau pour durer. Reste à savoir si ce sera Nazariy qui m'accueillera ou quelqu'un d'autre. Tendue, je me lève et la suis dans ces nouveaux lieux. Une fois encore, le couloir est radicalement différent, plus petit, avec de rares portes. Nous sommes en bout de couloir, alors nous avançons sur plusieurs mètres jusqu'à une porte ouverte à gauche. Derrière elle, Nazariy. Encore lui. Impossible de savoir si je suis soulagée ou déçue. Soulagée de ne pas faire face à un inconnu. Déçue qu'il ne se soit pas fait tuer. J'en avais caressé l'espoir.

— Tu m'excuseras, j'ai dû prendre des vacances pour résoudre certains problèmes. Mais bon, tu ne vas sûrement pas te plaindre, j'ai réussi à vous négocier une pause, au début les Áídios voulaient me trouver un remplaçant et je les ai convaincus qu'une semaine de pause ne changerait pas grand-chose. Déshabille-toi qu'on commence.

Je garde le silence et obéis, je ne veux pas rentrer dans son jeu. Malgré tout, après une semaine enfermée, une question me brûle les lèvres depuis trop longtemps pour que je la retienne :

— Où est Pandora ?

— Ça tombe bien que tu abordes le sujet, parce que je voulais t'en parler justement. Elle commence à nous poser de sérieux problème, à me poser de sérieux problème. Même les Áídios commencent à dire que l'éliminer sans aucune forme de procès serait mieux que de la laisser en liberté. Et j'avoue que je les comprends, vu comme elle était à deux doigts de te sortir de là il y a quelques jours, c'est une sacrée menace, explique-t-il en commençant à m'attacher avec des chaînes au plafond. Et honnêtement, si elle met autant d'énergie à faire tomber les Akra qu'à te retrouver, le mouvement n'existera plus dans moins d'un mois. Pour l'instant, elle ne s'en soucie pas, mais je me méfie de ces bêtes-là. Alors en anticipation de certains problèmes, je voulais te proposer un marché. Je ne me fais pas d'illusions, elle ne se laissera pas attraper ou tuer facilement. Sauf si elle fait confiance en la personne qui l'attrape ou la tue. C'est là que tu interviens. Je suis prêt à parier qu'elle ne se méfiera pas de toi, donc si tu l'acceptes, je te sors d'ici, tu sers d'appât, tu la tues et je te rends ta liberté. Je pense même pouvoir annuler le Nékys et je te promets que les Áídios ne te retrouveront jamais. Tu n'as même pas besoin de rejoindre les Akra, tu me sers la tête de Pandora sur un plateau, c'est tout.

Je le regarde sous le choc, il est complètement fou. Et affreusement culotter, comment il n'a rien que pu penser à ça ? C'est totalement insensé. Forcément que je vais refuser, je ne ferais jamais une chose pareille à un de mes proches, surtout pas à Pandora. Malgré tout, la partie instinct de survie en moi a envie d'y réfléchir. Ce serait la porte de sortie de cet enfer. Peut-être la seule que j'aurais. Et si ? Non, j'en suis incapable, je ne peux pas. Sauf si je ne le fais pas, peut-être que je pourrais faire semblant de suivre son plan et m'échapper ? Mais au fond, je rejette même cette option, déjà je ne suis pas sûre d'être capable d'échapper à Nazariy et en plus à quoi bon ? Je ne pourrais plus retrouver une vie normale après tout ça. Ça n'existe plus, quand bien même je m'échapperais physiquement de là, ça ne changera rien à ce que j'ai vu et vécu. Sans parler de la menace d'être retrouvé et rattrapé en cas de tentative d'évasion. Non maintenant mon sort est définitivement scellé et je m'en voudrais de rien que faire semblant d'aider Nazariy à s'en prendre à Pandora. Je ne peux pas faire ça.

Le pire, c'est que même si je suis incapable de faire ça, je sens que rien n'empêchera Nazariy de trouver un autre plan contre Pandora, avec ou sans mon aide. Il trouvera un autre moyen de se débarrasser d'elle et je ne peux rien y changer.

— Alors, tu en penses quoi ? insiste-t-il face à mon silence.

Ayant fini de m'attacher, il commence à enlever les bandages de la dernière fois qui sont restés sur mon dos bien trop longtemps.

— Je ne ferais jamais une chose pareille. Je ne suis pas une meurtrière.

— Tu parles, je suis sûr que tu meures d'envie de me tuer, ce serait facile, tu en es capable, je suis tout près en plus, je suis sûr que tu sens la force en toi, tu sens que tu peux m'électrocuter, me provoque-t-il en se collant moi. La seule chose qui te retient, c'est que tu sais que je suis ton meilleur choix, si tu me tues tu ne sais pas qui sera la personne qui me remplacera, c'est la seule chose qui t'empêche de me tuer. Mais au fond, tu rêves de devenir une meurtrière, juste pour moi.

— Je ne tuerais pas Pandora pour toi, répété-je en tâchant de l'oublier

— Comme tu le sens. Je te laisse quoi ? Deux/trois jours de réflexion ? Au cas où tu changes d'avis, et en attendant, je prépare ton plan d'évasion. Un mot et tu seras sortie d'ici en un claquement de doigts. Allez, maintenant que c'est fait, on s'y met ? demande-t-il poliment alors que je n'ai pas le choix en prenant une matraque à clou, le pire de ses instruments.

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant