Jour 184

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Maintenant que j'ai appris la chasse, je pars de plus en plus régulièrement avec les groupes de chasseurs pour ramener de la viande au village, étant plus efficace à ça qu'à la cueillette, au moins à la chasse mon handicap disparaît. Et je dois avouer que j'adore ça, même si la partie qui me plaît le plus, c'est sûrement de me balader en forêt. Ici, je suis vraiment bien, c'est reposant, même si parfois c'est affreusement frustrant de ne pas avoir mon Dō̂ron, j'ai l'impression que plus je passe de temps près de la nature, plus il me manque. Parfois, je réessaye de m'en servir. Au cas où. Mais la plupart du temps, j'abandonne, ne supportant pas la frustration de l'échec. Et le reste du temps, je n'ai de toute manière aucun résultat. J'ai l'impression qu'avec mon Dō̂ron, je suis retombée le jour de mes seize ans, sauf que maintenant, je n'ai plus personne au courant de mon Dō̂ron pour m'aider à me canaliser.

Mais de toute manière, je pense de plus en plus que mes Dō̂ron et les Dýnamai de manière générale sont totalement derrière moi maintenant. Même si mes Dō̂ron pourraient être utiles pour certaines choses, mais ne pas les avoir ne change rien à ma vie fondamentalement. Au moins sans, je suis comme toutes les autres personnes du village. Et je suis intégrée et respectée, ici tout le monde a la même valeur et même si je suis une étrangère, personne ne m'en tient rigueur, d'autant plus maintenant que les différences sont peu à peu masquées. Parce qu'en deux mois à vivre dans le village, j'adopte les us et coutumes ainsi que leur langue et je commence à avoir de moins en moins de mal à tout comprendre. Et définitivement, je suis bien ici, ça fait du bien de reprendre une vie calme avec des petites habitudes et entourée. J'étais déjà bien dans la forêt seule, mais ne jamais voir personne, c'était vraiment dur, en plus d'avoir les incertitudes de ce qu'il va se passer. Alors qu'ici, je suis entourée et en plus il y a une certaine protection bienvenue. Et maintenant que j'ai appris à tirer à l'arc, je me protège moi-même et avec la chasse, j'ai toujours un couteau à la taille pour dépecer les animaux que je tue.

Un jour de plus, je m'enfonce dans la forêt entourée d'un petit groupe pour ramener des provisions au village. Maintenant, je ne suis pas forcément la meilleure chasseuse du village, mais je reste une bonne chasseuse, ce qui me rend sacrément fière. Être utile, vraiment utile, c'est incroyable. Soudain, alors qu'on est en chasse depuis plusieurs dizaines de minutes, j'entends un bruit étrange, ressemblant presque à un pleur de bébé ou un gémissement humain. Je lève la main pour demander le silence et notre groupe s'arrête, à l'affût.

— C'est juste un singe blessé, affirme Arc tendu.

— Je vais voir, annoncé-je malgré tout.

J'ai confiance en Arc tendu, si elle dit que c'est un singe, c'est un singe, malgré tout, mon instinct me dicte de le retrouver, je sens sa détresse, même sans mon Dō̂ron, et je ne peux pas le laisser comme ça. C'est sûrement parfaitement idiot, surtout quand on pense que je chasse et tue des animaux depuis plusieurs semaines, mais mentalement il y a une différence entre tuer un animal pour nécessité et laisser un animal en souffrance mourir seul.

Les autres chasseurs ne me retiennent pas, mais déclarent reprendre la chasse. De toute manière, ils n'ont pas forcément besoin de moi et je les retrouverais si je les cherche. Je suis donc les bruits du singe et je finis par découvrir un petit singe avec une sorte de crinière de lion qui s'est coincé le bras dans des lianes, sûrement après une chute vu sa position. Ses congénères sont plus hauts dans les arbres, répondant à ses appels, mais ne peuvent rien faire pour l'aider.

Je sors mon couteau et sectionne la liane qui le retient, le libérant. Aussitôt, il se rue sur l'arbre pour rejoindre les autres singes, mais il grimpe à peine un mètre avant de retomber lourdement sur le sol. Il réessaye plusieurs fois, mais je remarque alors qu'il n'utilise pas du tout son bras droit, celui qui était coincé dans la liane. Il est blessé et ne peut plus s'en servir.

— Ce n'est rien, je vais t'aider, le rassuré-je.

Même si je suis à peu près certaine qu'il ne comprend pas un traître mot de ce que je raconte, j'ai l'impression qu'il se détend un peu. J'arrive alors à l'attraper le plus délicatement possible. Et avec une petite hésitation, je palpe doucement sa patte droite. Je n'y connais rien, mais vu ses cris, il a très mal.

— Je vais t'arranger ça d'accord ? On va retourner au village.

Avec un peu de chance, Herbe douce acceptera de m'aider. Je l'emmène donc jusqu'au village et de manière assez surprenante, il ne cherche pas à me fuir ni à rejoindre ses congénères. Ces derniers ne l'appellent même pas tant que ça. En entrant dans le village, je croise plusieurs personnes qui me demandent pourquoi j'ai ramené un singe et je réponds juste que je me devais de l'aider. Et quand j'arrive enfin à trouver Herbe douce, elle me demande la même chose que tous les autres.

— Il a besoin de mon aide. Tu pourrais m'aider à le soigner ?

— C'est un singe, je soigne que les humains. Les singes, ça mord.

— S'il te plaît, il est gentil et tu as juste à me montrer après je ferais les soins.

— Tu vas le regretter.

— Je ne veux pas le laisser mourir, il ne peut plus utiliser sa patte.

— D'accord, je vais regarder, mais s'il essaye de me mordre, je ne pourrais rien pour lui.

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant