Nuit 104 (3)

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Malgré tout, j'essaye d'au moins trouver des fruits. Alors j'explore la forêt, essayant de ne pas trop m'éloigner de mon camp de base, ce serait bête de ne plus le retrouver et j'observe ce qui m'entoure. Je vois d'abord un gros arbre assez petit avec de gros fruits jaunes et ronds, plus gros qu'une balle de tennis. Je n'ai pas la moindre idée s'ils sont comestibles, mais comme ça, ils me font presque penser à des minis citrouilles et m'inspire à peu près confiance, alors j'en cueille un un peu dur, mais ils ont tous l'air durs. J'arrive à en arracher un bout sans trop de problèmes et je le sens, il a une odeur assez sucrée, ce n'est pas du tout une odeur habituelle, mais elle est presque alléchante. Je le sentirais si c'était du poison non ? Et au pire, en toute petite quantité, ça ne doit pas être affreux. Je plante un bout de dent dans la chair tendre et le jus qui s'en dégage pique et m'arrache une grimace, j'ai l'impression d'avoir croqué dans une rondelle de citron. Dégoûtée, je recrache le minuscule morceau que j'ai pris et je mets une éternité à me débarrasser du goût désagréable. Peut-être que ce n'est pas toxique, mais c'est dégueulasse, même lorsqu'on n'a pas mangé depuis plusieurs jours. J'ai l'impression que même mon estomac a arrêté de gargouiller face à ce goût.

Le problème, c'est que je n'y connais rien et je n'ai aucune indication de ce qui peut être mangé ou non. Rien que si je voyais un animal ou même par chance un singe mange un fruit, ça me donnerait déjà une bonne piste sûrement. Mais malheureusement, les animaux semblent se cacher sur mon passage, du moins je n'en vois aucun. Ou au pire, est-ce qu'il pourrait y avoir un fruit connu ? Il doit bien y avoir des fruits exotiques dans cette forêt, j'en sais rien, un ananas, une mangue, une grenade, une banane, une papaye, franchement, j'accepte tout actuellement. Je veux à manger.

N'ayant pas le choix, je continue mon chemin, espérant trouver mieux ailleurs. En cours de route, je trouve un arbre avec d'énormes fruits, monstrueux même, ils doivent faire presque la taille de mon torse, c'est hallucinant. Ceux-là, s'ils sont comestibles, je ne suis pas prête d'en venir à bout, c'est certain. Par curiosité, je touche la peau verte qui est couverte de petites bosses. Très étrange comme fruit surtout qu'il a la peau dure. Et en le soupesant, j'abandonne définitivement l'idée d'essayer d'en prendre un, il doit faire au moins quinze kilos. Entre le poids et la dureté, ce n'est même pas la peine que j'essaye d'en prendre un, je n'arriverais jamais à l'ouvrir pour voir si la chair et bonne. Décidément, ça va être encore plus dur que prévu de trouver un fruit.

Encore plus loin, je vois de beaux fruits orange de la taille d'une pêche, mais ils sont totalement inaccessibles étant tout en haut d'un palmier de plusieurs mètres. Peut-être que ça se tenterait de les attraper, mais je ne m'en sens pas capable. Surtout sans savoir d'avance s'ils sont mangeables et mûrs.

Soudain, je vois un buisson couvert de petits lampions en forme de cœurs. Certains sont verts, d'autres virent au marron clair et mieux encore, l'en d'entre eux est ouvert, révélant un petit fruit orange. Des physalis. Des fruits connus ! Enfin ! Sans attendre, je cueille celui d'ouvert qui doit être à maturité et croque dans le fruit sous l'enveloppe. Le fruit explose entre mes dents, répand son jus acidulé et sucré ainsi que ses pépins. Je crois que je n'ai rien mangé d'aussi bon. Sans attendre, j'en cueille d'autres qui me semblent mûrs, en mangeant une partie directement. Mais alors que j'en ai cueilli seulement une petite vingtaine, je sens une grosse goutte s'écraser sur mon front et le ciel se couvre à vu d'œil.

Oh putain mon feu ! S'il pleut et que je n'ai ni feu ni abri, je suis morte. Et vu les grosses gouttes qui commencent à tomber, je suis morte. Abandonnant ma cueillette, je cours en espérant retrouver mon coin de feu facilement. Normalement, je ne m'en suis pas trop éloignée, mais dans cette forêt, tout se ressemble tellement que je n'en suis pas sûre. Heureusement, très vite, je distingue la fumée de mon feu. Il est encore vivant. Et pour l'instant, la pluie à l'air assez calme, une chance. Et alors que je suis à quelques mètres de mon feu, je marche sans faire attention sur une pierre. Cette dernière semble pénétrée dans ma plante de pied et m'arrache un cri. Putain de caillou et putain de pied nu. En boitant, je finis de rejoindre le feu. Mais je n'ai pas le temps de me poser, il faut que je fasse un abri et vite, mon feu commence déjà à faiblir à force que la pluie lui tombe dessus. J'aurais dû faire un abri bien avant.

Sans attendre, j'arrache des branches à peu près droites et en plante quatre tout autour du feu de manière à l'abriter et à m'abriter aussi. Je récupère alors de grandes feuilles et les fais tenir entre elles tant bien que mal, avant de les places au-dessus de mes branches. Le tout est clairement branlant, mais ça semble à peu près imperméable alors que la pluie tombe de plus en plus fort.

Je me glisse en dessous, mon abri de fortune me loge seulement assise et je dois avoir deux mètres carrés au sol, dont une partie qui est occupée par mon feu, mais je suis à l'abri. Mon feu n'est pas en grande forme, mais il brûle toujours et dégage une douce chaleur bienvenue après que je me sois fait mouiller en construisant mon abri.

Définitivement, j'ai encore des progrès à faire en termes de survie.

Mon ventre gargouille, me rappelant que je n'ai pas assez mangé, mais maintenant, je ne peux plus partir en expédition tant que la pluie ne s'est pas calmée. En attendant, il va falloir que je m'occupe de mon pied, je ne vais pas aller loin blesser comme ça. Mais avant, il va falloir que je rajoute des feuilles, quelques gouttes tombent toujours de mon toit. Ressortant sous la pluie maintenant diluvienne, je ramasse quelques grosses feuilles que je rajoute au-dessus de mon abri en espérant que ce sera suffisant. Et je retourne à l'abri.

En regardant mon pied blessé, je suis désespérée, je ne vois même pas la plaie tellement il est noir de terre et de bouts. Tirant profit de la pluie, j'essaye de le rincer tant bien que mal sous l'eau qui tombe. Et petit à petit, ma peau puis la marque rouge réapparaissent. Ça ne semble pas être une blessure monstrueuse, faisant que cinq ou six centimètres et n'étant pas affreusement profonde, mais il va falloir que je soigne, sinon ça ne va jamais aller. Encore plus si je dois continue à marcher.

Mais j'ai de la chance, j'ai encore des bandages dans le dos datant de ma dernière séance de torture avec Nadei. J'enlève donc mon haut et je me contorsionne pour détacher le scotch le plus délicatement possible et enlever le bandage qui me prend le dos. Ce dernier a l'air encore en bon état et même le sang qu'il y a dû y avoir dessus a quasiment disparu, s'étant fait diluer par ma traversée de la rivière. Sûrement qu'au niveau de l'hygiène, il y a mieux, mais mes vêtements couverts de crasse que je porte depuis trois mois doivent être encore pire. De toute manière, c'est ma meilleure option. J'arrache donc une large bande et l'entour autour de mon pied avant de faire un nœud, je n'ai pas confiance en le scotch qui tenait encore sur ma peau par je ne sais trop quel miracle après toute l'eau qu'il s'est pris.

Une fois que ma blessure la plus urgente est soignée, je plie délicatement le reste de la bande et la range dans ma poche, j'en aurais peut-être encore besoin plus tard. Puis je profite de l'eau qui tombe toujours pour me laver les mains, le visage, l'autre pied, vérifiant au passage si je n'ai pas d'autres blessures importantes, mais je n'ai que des griffures et des bleus, je m'en sors bien.

Maintenant, il ne me reste plus qu'à attendre que la pluie s'arrête...

elLe T3 : La Mélodie Du Tigre (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant