Chapitre 35 : Lucy

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Je finis de me changer dans les vestiaires tandis que Liwia part devant. Elle n'est pas heureuse d'avoir gagnée, et je le sais. Dans ses yeux je lis la tristesse. Pour ma part, je suis plutôt satisfaite d'être montée sur la première marche avec Liwia à mes cotés même s'il est vrai que je me sens concernée par Addison. Je sors des vestiaires en prenant mon sac de sport. Devant l'entrée du gymnase j'entends la douce voix de Liwia. Mais aussi celle de sa mère. Je me range sur le côté pour écouter leur conversation sans être vue. Je sais, je sais. C'est mal... La curiosité est mon vilain défaut. J'entends des brides de leur conversation. 

Ok. Stop. J'ai du mal entendre. Suzanne ne vient pas sérieusement de se réjouir de l'accident d'Addison ? J'entends le souffle de Liwia qui s'accélère. Elle se met à crier. J'ai donc bien entendu. Suzanne appuie une fois de plus sur le fait que l'accident d'Addison a facilité notre victoire. C'est une blague ? Qu'elle genre de monstre peut prononcer de tels mots ? Comment Liwia, jeune fille si gentille et adorable a pu être élevée par cette horrible personne ? Je me rassure en me disant que ce n'est pas pire que le père d'Addi. Je pense que si je n'interviens pas, Liwia va exploser. Je me précipite et ouvre la porte mais c'est trop tard, elle est déjà en train de courir à toute vitesse. C'est tellement horrible. Elle se sent obligée de fuir sa propre mère. Suzanne hurle :

- Liwia ! Reviens ici tout de suite ! Ne fais pas de caprice ! Je t'interdis de me fuir ! Reviens !

Ses mots font monter en moi un colère indescriptible que je tente de contrôler. Je parle d'une voix calme et posée :

- Pensez vous que c'est un caprice que de fuir une femme qui vient d'être heureuse de l'accident qui a causé la paralysie peut-être totale de sa meilleure amie ? Pensez vous que c'est un caprice que d'être à bout de nerf après avoir vu une personne qui partage votre quotidien depuis toujours s'écraser au sol en se brisant le dos devant ses yeux ? Personnellement je ne le crois pas. Vous ne pesez pas le poids des conséquences des choses que vous venez de dire à votre fille. 

Elle se tourne brusquement vers moi. Les yeux pleins de colère et s'écrie :

- Excusez moi, les affaires de ma fille ne vous concernent en rien ! Et du haut de votre âge, vous n'êtes pas bien placée pour juger mon éducation sur MON enfant. Elle anime son discours de grand geste, sûrement en espérant m'effrayer mais cela ne fonctionne pas. 

- Je suis plus concernée que vous ne le croyez madame. Je contrôle ma voix qui reste parfaitement calme, et cela semble énerver mon interlocutrice. 

- En quoi seriez vous concernée par ma fille ?! Ce n'est pas parce que vous avez le même nombre de points qu'elle au classement générale que vous pouvez imaginer être à sa hauteur. Elle rit de toutes ses dents. 

- Je suis concernée par Liwia parce que c'est ma copine ! Et si vous n'êtes pas capable de vous rendre compte que vous l'avez énormément blessée alors oui, je suis mieux placée que vous pour donner des conseils en éducation ! Cette fois j'ai crié, je n'ai pas réussi à me retenir.

Après avoir prononcé ces paroles, je regrette déjà. Je me suis laissée emporter par la colère. Je n'aurais pas dû lui dire pour Liwia et moi. Cette décision n'appartenait qu'à elle et elle seule. Merde. Comment ai-je pu lui révéler ? Je devrais gérer ça plus tard, Suzanne rétorque déjà :

- Comment ça votre "copine" ? Je pense que vous vous faites des idées... Vous devez être malade... Liwia n'est pas... Enfin elle n'aime pas... Elle n'est pas comme vous ! Elle est furieuse et elle me hurle dessus. 

Alors, Suzanne est ce genre de femme. Elle est infecte, horrible. Il ne sert à rien de discuter avec ces gens là. Je les connais trop bien. 

Je m'élance à la poursuite de Liwia, sa mère me répugne. J'accélère, encore et encore pour tenter de la rattraper. J'arrive à un carrefour... Droite ou gauche ? Réfléchis, réfléchis ! Plus vite. Liwia est droitière et elle n'a pas les idées claires, il est plus probable qu'elle ai prit à droite sans réfléchir. J'accélère et prend le chemin de droite. Il faut que je la retrouve ! Après 10 minutes de course sans voir Liwia, j'arrive de nouveau à un carrefour. Droite ou gauche ? Le chemin de gauche est plus large... Je prends à gauche ! 

10 minutes plus tard, je commence à être essoufflée. Mais je reprend espoir lorsque j'entends des bruits de pas qui résonnent plus loin dans la rue. Le soleil est en train de se coucher. Il fera bientôt nuit. Je fais une dernière accélération. Au loin, je la vois qui ralentit, puis marche. Ses cheveux roux se balancent lentement autour d'elle. C'est un tableau magnifique. Liwia qui marche de dos, avec le couché de soleil en fond. Le temps que j'arrive à elle, la nuit tombe. J'attrape doucement son poignet. Elle se retourne vers moi. Ses yeux sont rouges, usées pas les larmes. À coté de nous, un lampadaire s'allume, et dans la seconde qui suit, son téléphone se met à sonner. Elle regarde sa poche puis repose son regard sur moi. Je l'attire doucement dans mes bras, comme si elle était fragile, comme si elle allait se briser. Elle est glacée. Je resserre mon étreinte autour d'elle. 

Après une petite éternité, je lui parle à l'oreille avec un voix très basse :

- Je suis désolée pour ce que ta mère a osé de dire. 

Elle laisse un silence pesant nous envelopper, nous englober. Puis elle répond à voix presque inaudible : 

- Pas autant que moi. 

Ma pauvre Liwia. Je préfère ne pas lui dire ce que j'ai lâché à sa mère plus tôt. 

Sous les étoiles et leur voile somptueux qui nous surplombe en nous entourant de leurs lumières scintillantes, nous nous sommes laissés bercer au rythme de la nuit, nos corps se balancent. Notre petit univers se créer, comme à chaque fois. Sa tête sur mon épaule, lové contre elle. Et nous commençons à danser, lentement au milieu de la grande rue déserte. D'abord doucement puis tout d'un coup comme lorsque l'on tombe amoureux. Avec la lune immense pour seule témoin qui nous éclaire de sa pâle lueur. Je commence à fredonner "thinking out loud" puis à voix très basse je la chante. Je sens Liwia sourire dans mon cou. Puis en arrivant sur le refrain, je prends sa main et décolle nos corps pour la faire tournoyer. Je vois un sourire éclatant éclairer son beau visage puis je la ramène tout contre moi, pour reprendre notre valse, légèrement. J'adore ce moment simple que nous partageons uniquement elle et moi. Nous coupant un peu du reste du monde. Nous laissant être totalement libre une petite éternité. Nous déchargeant de nos fardeaux habituels pour nous laisser vivre sans réalité, juste quelques minutes pendant lesquels on ne ressent plus la douleur, seulement l'amour que nous éprouvons l'une pour l'autre. Seulement la beauté de ce tableau qui se peint sous nos yeux et qui restera figé dans nos mémoires. Ma chanson est finie mais nous continuons de danser. Liwia chuchote à mon oreille :

- Je t'aime. 

- Et moi donc. Dis-je à mon tour. 

Elle sourit de nouveau dans mon cou. Puis reprend la parole à voix basse :

- Tu m'as retrouvé, encore. 

Et je le referais mille fois si il le faut. Je poursuis :

- Toujours. 

- Toujours, alors. Souffla-t-elle sur ma peau. Puis elle continua :

- Quand j'étais petite, mon père m'a dit que si je me sentais triste, ou désespérée je devais regarder les étoiles, me perdre dans leur immensité pour souffler un instant et partir ailleurs que dans la réalité si elle était trop dure, c'est la dernière chose qu'il m'a dit avant de partir et de quitter ma mère. Et tous les soirs après ça, je restais devant ma fenêtre à contempler les étoiles. (Elle se dégage pour me regarder dans les yeux) Mais aujourd'hui, je préfère plongée mon regard dans le tien car je trouve qu'il vaut mieux que toutes les étoiles qui peuvent exister.

Je reste muette face à sa révélation. C'est tellement beau. Dans mon cœur je sens un pincement. Je ne peux pas résister plus longtemps, je l'embrasse. Liwia a redonné un sens à ma vie. Elle m'a offerte une raison de me battre. Je l'aime. Tellement. Les lèvres toujours collés, nous recommençons à danser avec la sensation d'enfin pouvoir échapper à la réalité. 



Lunatic MomentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant