Chapitre 39 : Liwia

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Je me sens bien. Apaisée par la chaleur de ses bras, sa respiration calme et douce. Je ne lui en veux plus du tout. C'est comme si j'avais oublié pourquoi j'étais en colère. Ses mots résonnent encore dans ma tête. Toute cette douleur que Lucy a enduré, toute cette peine, cette souffrance, cette colère qui la consumait au point de devoir frapper dans les murs. J'enfouie un peu plus ma tête dans son cou. Malgré la peine immense que j'éprouve à son égard, je ne peux m'empêcher d'éprouver ce sentiment étrange, cette chose qui me brûle l'estomac quand je repense à comment Lucy décrivait son amour pour Mina. M'aime-t-elle autant qu'elle aime, ou aimait Mina ? Où bien est-ce juste différent ? L'amour est une chose bien étrange dont je ne saisis pas toutes les nuances. Je ne crois pas que l'amour soit quantifiable. J'ai toujours pensé que les parents qui disent qu'ils aiment leurs deux enfants autant l'un que l'autre sont hypocrites. On ne peut pas aimer deux personnes différentes de la même manière, ce n'est pas possible ? On doit tout de même éprouver une différence, tout au fond de nous ? En tout cas, je sais que ma mère préfère Ricky à moi. Lucy interrompt mes pensées :

- Donc, tu vas faire quoi pour ta mère ? 

"Ce que je vais faire ?" je ne le sais pas moi même...

- Je ne sais pas Lucy. J'espère juste qu'elle va l'accepter. Je ne pense pas qu'elle me mettrait dehors quand même... Dis-je en soupirant. 

- Et si elle ne l'accepte pas ? Tu me quitteras ? Je sens dans sa voix, ce tremblement qui révèle sa peur. 

Je lève la tête, mes cheveux pendent autour de son visage. Je sens sa main qui se déplace dans mon dos. Je lis dans ses yeux, cette peur qu'elle a que je l'abandonne. Jamais je n'abandonnerais Lucy, dû moins pas à cause des opinions de quelqu'un d'autre. C'est la seule fille avec qui j'ai osé m'assumer. Dès le premier jour elle m'a prise au dépourvu. 

- Si tu crois que tu vas te débarrasser de moi aussi facilement, tu te trompe... Je souris, tentant de la rassurer. 

Elle rit, puis se relève à l'air de ses coudes et m'embrasse. Je pense que jamais je ne me lasserais du goût acidulé de ses lèvres que les miennes. 

Il est déjà tard. Demain nous devons être prête pour la seconde partie des qualifications, il faudrait qu'on dorme. Mais vais-je seulement y arriver ? 

J'enlève mon jean, Lucy fait de même. Je glisse mes jambes nues sous la couverture et elle se blottit contre moi. Le parfum de ses cheveux emplie ma tête, elle resserre ses jambes autour des miennes. 

Une dizaine de minutes plus tard j'entends que sa respiration se fait plus lente signe qu'elle s'est endormie. Je la regarde, ses paupières fermés elle est si paisible quand elle dort, quand son visage n'est pas animé de colère, de jalousie, de tristesse. Je n'arrive pas à m'endormir, comme trop souvent. Je pense trop à ma mère qui ne va surement pas accepter mes choix, aux qualifications qui continuent demain, à Addison qui est à l'hôpital et qui ne m'a toujours pas appelé, du fait qu'elle me déteste surement, à toute cette peine qu'elle doit ressentir à cause de son rêve qui s'est évanouit. À tout ce que je ressens pour Lucy, c'est comme si elle me manquait toutes les secondes qui existent et toutes celles n'existent pas, même quand elle est avec moi elle me manque terriblement au point de ne résister à aucuns de ses sourires, au point de presque en mourir quand j'entends sa voix. 

Je décide de repasser mes enchaînements en tête, puis ceux de Lucy. Je tente de détailler avec précisions son visage, ses yeux, leur forme, leur exact couleur d'un vert profond et intense. Je parviens enfin à m'endormir. 

J'entends des hurlements. De plus en plus fort. Un bruit sourd. J'ouvre les yeux. Lucy n'est plus à coté de moi. J'entends des cris affolés. Je me précipite vers le bord du lit. Je vois Lucy étendue sur le sol. Elle se débat, est en sueur, hurle. C'est comme si j'étais paralysée. Je me reprends, me lève et m'agenouille à coté d'elle. Je tente de la réveiller doucement, en lui secouant les épaules, rien ne se passe. Je lui parle lentement en lui disant que ça va aller, que ça va passer, mais elle n'ouvre toujours pas les yeux. Je ne sais pas comment la réveiller. Je lis dans son visage une douleur cuisante, et je sais qu'elle revit l'horrible scène où son premier amour meurt à l'infini sous ses yeux innocents. Je vois qu'elle continue de se débattre et je n'ose imaginer cette affreuse souffrance qu'elle doit ressentir. Je sens de l'humidité aux coins de mes yeux. Oh ma Lucy... Je ne peux plus supporter ça une seconde de plus. Je hurle son nom. Ma voix résonne dans la chambre, en brisant au passage les pleures de cette fille que j'aime tant. Ses yeux s'ouvrent brusquement. Ses pupilles sont rétractées sûrement à cause des horreurs qu'elle vient de voir mais lorsque son regard croise le mien, elle semble se détendre. Je n'hésite pas. Je la prend dans mes bras, et l'enlace aussi fort qu'il m'est possible de le faire. C'est le geste déclencheur, Lucy ne peut plus se retenir et éclate en sanglot. 

- Je suis désolée, tellement désolée de te faire vivre ça. Elle se confond en excuses. 

Si elle savait à quel point c'est moi qui suis désolée qu'elle doivent vivre ça... 

Après quelques dizaines de minutes qui semble durer une éternité, elle cesse enfin de pleurer. Nous remontons sur le lit et cette fois, c'est moi qui m'endors dans ses bras. 

Lunatic MomentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant