Chapitre 38 : Lucy

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Les mots sortent touts seuls de ma bouche, comme s'ils avaient été trop longtemps retenus. Comme un torrent puissant que je ne peux contrôler maintenant qu'il est lancé. Les larmes montent à mes yeux lorsque je raconte l'horrible scène, que je n'avais encore jamais détaillé avec autant de précisions. Je finis de lui raconter. Je ne comprends pas pourquoi je l'ai fait, pourquoi je l'ai mêlé à toute cette histoire. J'enfonce un peu plus ma tête dans mes genoux. Les larmes ruissellent sur mes joues, trop vite. Ces souvenirs sont trop douloureux, je ne peux plus contenir toute cette peine et cette souffrance. C'est comme si je tombais indéfiniment dans une plaie béante que sa mort a laissé en moi. C'est comme si j'étais dans une prison où seuls existent la douleur, la solitude, le vide. Mais bizarrement, partager ces souvenirs avec elle semble m'apaiser d'une certaine manière. Aimer c'est choisir de souffrir. Mais est-ce que ça en vaut vraiment le coup ? Est-ce que supporter toute cette douleur, ce poids pesant de la souffrance constante, vaut vraiment quelques secondes de joie que l'on partage avec la personne qu'on aime ? Pour rien au monde je n'effacerais ce que j'ai vécu avec Mina. Les souvenirs, aussi douloureux soit-ils, font de nous ce que nous sommes. Si je n'avais pas connu Mina, la personne que je suis aujourd'hui n'existerait pas. Et honnêtement, plonger mes yeux dans ceux de Liwia vaut bien toutes les douleurs du monde. Pourtant tout est si dur. Tout est si compliqué, étrange et effrayant. Je ne sais pas si je suis prête à souffrir de nouveau, même pour Liwia. Aimer a un prix, et ça se paye en larme et en cœur brisé. 

J'entend une clé qui se tourne dans la serrure de la porte derrière moi, je me lève d'un bond et essuie rageusement les larmes sous mes yeux. La porte s'ouvre vite, et j'aperçois Liwia, ses yeux sont rouges. Dans l'ombre de la porte, son visage ressort d'autant plus lumineux. Lorsque ses yeux croisent les miens, elle n'hésite pas. Elle fais quelques pas rapides vers moi, et saute dans mes bras en écrasant ses lèvres sur les miennes, ses jambes s'enroulent autour de ma taille et ses cheveux se balancent autour de mon visage. Je bascule en arrière. J'ai à peine le temps de faire quelques pas que nous tombons sur mon lit à la renverse.  Je sens ses larmes qui tombent sur mon visage, goutte à goutte. Elle décolle ses lèvres des miennes avant de dire :

- Tu aurais dû m'en parler avant... 

Je n'ai pas le temps de répondre, elle repose un doux et long baiser sur mes lèvres puis pose sa tête sur ma poitrine. 

J'entends sa respiration, lente. Je sens ses bras, enroulés autour de moi, son odeur qui rappelle celle des fleurs de cerisier. C'est bon de sentir qu'elle est avec moi, et personne d'autre. De sentir cette proximité étroite de son corps et du mien. Finalement peut-être qu'avec Liwia, tout vaut la peine d'être vécu. Au bout de quelques minutes de silence, je prend la parole :

- C'était juste trop dur à expliquer, ou... Trop douloureux. 

Je sens que ses bras resserrent leur étreinte. Elle dégage une de ses mains et enlacent mes doigts autour des siens, de son pouce elle caresse le dos de ma main et passe son doigt sur les jointures de mes phalanges. Je sais qu'elle va remarquer mes cicatrices, trophées que j'ai gardé des nombreuses rencontrent de mes mains avec les murs. J'anticipe déjà sa question, alors j'y répond avant même qu'elle ne la pose : 

- J'ai des cicatrices sur les mains parce que j'ai trop passé mon temps à frapper dans les murs en hurlant. 

Elle acquiesce lentement. Puis continue de dessiner de petits cercles avec ses doigts sur la paume de ma main. Après quelques minutes, elle demande d'une voix basse :

- Tu penses qu'elles servent à quoi, les cicatrises ? 

- À nous rappeler que la vie n'a pas été un rêve. Je parle presque en chuchotant. 

Elle lève sa tête vers moi, une unique larme perle doucement au coin de son œil, je l'essuie de mon pouce et un sourire naît lentement sur son visage. Elle enfouie sa tête dans mon cou et y pose de petits baisers laissant quelques fois sa langue divaguer. 

Je l'aime et, au fond, peut être qu'il vaut mieux souffrir d'aimer que souffrir d'être seule. Je me sens complète lorsque Liwia est avec moi. On dit souvent qu'en amour, on souffre forcement, et qu'il faut donc choisir par qui on préfère être blessée. Personnellement, j'ai fait mon choix. 


Lunatic MomentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant