Il fait chaud. Super chaud.
Je suis devant la porte de la maison d'Addison. Sa maison se trouve dans un petit quartier très rustique, il n'y a surement que des snobs ici. La pelouse est parfaitement tondue dans un jardin caché par une petite haie bien taillée. Le toit est d'un rouge qui tire sur du bordeaux et les murs sont d'un beige apaisant. La bâtisse ressemble en tout point à ces grandes maisons aisées que l'on voit dans les films.
J'ai mon casque sous le coude, je sonne à la porte. La mère d'Addison ouvre et me découvre avec surprise, elle me salue et me prie d'entrer, ce que je fais.
- Je viens voir Addi. Ma voix sonne faux.
- Oui, j'avais compris (elle sourit). Écoute, je ne m'oppose en rien à ce que tu viennes voir ma fille mais tu risque d'être un peu... Disons troublée.
- Si c'est de son fauteuil que vous parlez, il ne me dérange en rien. Je veux juste la voir.
Elle me conduit à la chambre d'Addison. La maison est encore plus immense de l'intérieur que de l'extérieur. Tout est décoré dans un style très moderne et épuré. Les murs sont blancs, le sol est blanc, le plafond est blanc. Tout est blanc. Seuls quelques tableaux de couleurs vives ponctuent cet espace immaculé et les meubles d'un bois sombre ou de marbre gris ne font que rendre plus impersonnel cet endroit dépourvu de chaleur. Je trouve que c'est dérangeant. Dans le fond j'entends une musique classique, du piano. Le mélodie est lente, monotone et douce. Je passe dans un couloir qui longe une grande baie vitrée et qui donne sur une autre jardin dans la cour arrière. Au loin dans le fond il y a un grand chêne sous lequel j'aperçois une balançoire immobile. J'arrive bientôt devant la chambre d'Addi, sa mère me laisse là, gênée. Je toque à la porte.
Pas de réponse.
Je la pousse lentement.
Addison est assise devant une fenêtre qui laisse voir ce même jardin que j'ai vu tout à l'heure. La pièce qui m'entoure est tout aussi froide que le reste de la maison. Sur le mur du fond se trouve une étagère pleine de trophées, le mur derrière est ornée de médailles qui scintillent. Sur la droite, quelques photos encadrées qui montre Addison, Ashley, Liwia, Hailey et Emily. Une où elles se tiennent la main et portent des bouquets au dessus de leurs têtes, d'autre où elles sont à l'entrainement ou bien à des anniversaires, elles sont toujours toutes ensemble. À l'opposé de la pièce sur un buffet trône seule une photo de ses deux parents qui sourient, elle est dans les bras de sa mère et sourit aussi, un vrai sourire, je crois que je ne l'ai jamais vu en faire un comme ça, elle semble heureuse. Dans le fond il y a la balançoire du jardin. Elle ne doit pas avoir plus de 5 ans sur la photo, même à cet âge là elle avait déjà sa petite frange stricte.
Je m'approche d'elle pas à pas. Elle ne tourne même pas la tête vers moi. Je prends le temps de l'observer et je comprends mieux la "mise en garde" de sa mère quelques minutes plus tôt. Elle est enveloppée dans une sorte d'énorme coquille blanche. Des cercles gris entourent ses jambes et remontent sur son ventre, soudé par des pièces de métal qui soutiennent le tout. Autour d'elle, comme si deux grands bras l'encerclaient, se trouve de grandes bandes qui maintiennent la structure. L'ensemble remonte jusqu'à ses cervicales emprisonnées dans ses mêmes pièces de plastique épais blanc. On dirait qu'elle peut à peine respirer. Je me rappelle lointainement que ma cousine avait eu un corset dans le genre pour ses problèmes de dos mais rien d'aussi énorme, d'un autre coté je me dis que ça doit être normal étant donné le choc que son dos a subit. Je me rapproche encore un peu d'elle.
Je suis surprise quand elle me dit :
- Tu sais parfois j'ai l'impression d'être en prison dans ce truc. Les gens dévisagent mon fauteuil, mon corset aussi. Comme si j'étais un animal en cage toujours derrière les mêmes vitres. Je n'ai quasiment pas le droit de bouger.
Elle m'a reconnue sans même me regarder ? Peut-être a-t-elle simplement vu ma moto passer sur la route.
- Moi aussi je me sentirais en cage à ta place. Je pense que c'est plutôt normal.
Je ne sais pas vraiment si ce que je dis va l'aider ou simplement la blesser encore plus.
Sa main bouge sur un levier et le fauteuil se tourne vers moi.
- Est-ce que tu trouve sincèrement que j'ai l'air normale ?
Ses yeux sont pleins de colère, de tristesse profonde. Mais je suis apaisée de remarquer que cette colère ne me vise pas personnellement lorsqu'elle appuie le ton sur le mot "normale".
- Non, en faite tu ressemble à un escargot, ou à une sorte de gros coquillages qu'on trouve sur la plage, sauf que t'es pas sur une place mais dans un maison, enfermée, ce qui du coup est encore moins normal.
Elle sourit.
- Enfin quelqu'un d'honnête ici.
Une larme coule sur sa joue. On dirait presque une larme de joie. Elle continue :
- Mon père est revenu.
J'ai dû mal entendre.
- Quoi ?
- Mon père est revenu.
- Il est pas censé être prison ce connard ?
- Je sais pas, il semblerait qu'il n'y ai aucune preuve contre lui. Ma mère ne veut pas témoigner, et moi je ne peux pas... Ou bien je ne veux pas, en faite je ne sais pas vraiment quoi faire. J'ai beau savoir que ce qu'il a fait est horrible, j'ai beau le détester, il reste mon père et il y a constamment cette voix dans ma tête qui me dit de ne pas le faire.
Elle semble perdue. Je tente de garder mon calme.
- Addison, ton père te bat toi et ta mère depuis des années. Ta mère ne veut pas témoigner contre lui ? C'est qu'elle est faible ! Son rôle c'est de te protéger et tout ce temps où tu as reçu des coups elle aurait dû prendre ta défense, elle n'aurait pas dû attendre que tu sois paralysée pour se dire que peut-être il faudrait porter plainte.
- Lucy ! Tu ne sais rien de cette situation. Tu ne peux pas la juger.
- Si, je la juge. Si elle ne témoigne pas, moi je le ferais, Liwia aussi, Hailey, Ashley et Emily aussi ! Même July ! Il ne peut pas se pointer chez toi de nouveau après tout ce qu'il a fait.
Elle monte lentement sa main et la pose sur son front. Pour cacher ses yeux, pour cacher ses larmes. Elle me répond :
- Ce n'est pas aussi simple...
Sa voix tremble.
- Si, c'est très simple. (Je prends sa main dans la mienne). Addison il est temps que tu réagisses. Tu vis dans ce cauchemar depuis trop longtemps. Ton père t'a pris ta mère, tes jambes, ta passion, il t'a pris ton seul moyen de t'échapper. Il est temps que le cauchemar prenne fin.
Ses larmes coulent, elle tremble.
- J'ai tellement peur. Sa voix se fond dans ses pleurs, je la prend dans mes bras.
- Je sais, mais on sera là pour toi.
Au travers de sa carapace, je sens son cœur qui bat fort. Elle avait besoin que je lui dise ça, elle avait besoin d'entendre qu'on serait là pour elle et elle avait besoin que quelqu'un la serre dans ses bras.
Dans le cauchemar de la vie d'Addison qui nous paraissait être un rêve le monde va ouvrir les yeux, elle va ouvrir les yeux. Et je compte bien la libérer des chaînes qui la maintiennent prisonnière de son passé pour que plus jamais elles n'entravent son futur.
Le plastique froid de son corset semble s'être réchauffer. Nous allons mettre un terme au froid glacial que son père a mis entre elle et sa liberté.
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Lunatic Moment
RomanceLiwia Miller est une gymnaste de haut niveau, elle s'apprête à entrer dans l'équipe nationale Américaine quand un événement qui va bouleverser sa vie se produit. Une jeune fille brune du nom de Lucy Manchester arrive dans son club. D'abord rivales...