Chapitre 49 : Liwia

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J'attends depuis longtemps maintenant.

Je suis montée dans la chambre de Lucy. Je me demande ce qu'elle peut bien faire avec Addi. Je sens le poids de la jalousie qui se tend dans mes tripes. Je m'allonge sur son lit, de la main je caresse ses draps. Le tissu glisse entre mes doigts, ce même tissu qui renferme les souvenirs de nos nuits, celles qu'on passe dans les bras l'une de l'autre. Ce petit moment de répit sans disputes, sans hurlements. Le calme omniprésent de s'appartenir pleinement, au point de presque se confondre. J'enfonce ma tête dans son oreiller, son odeur apaise un peu ma haine constante du monde.

Je me pose tellement de question, et si la mère de Lucy avait raison ? Si ma colère provenait seulement de cette passion, de cet amour que je ne comprends pas. Et si finalement, pour une fois je n'avais pas besoin de comprendre ? Pourquoi ne pas simplement l'aimer ?

Je pose ma paume froide sur mon front puis je masse doucement mes tempes. Comme pour libérer la pression. Quelle pression ?

Je me laisse attirer vers les profondeurs d'un sommeil sans rêve, bercée par l'odeur de celle que j'aime.

Une sensation chaude, d'un corps qui se glisse contre moi, me réveille. Je n'ouvre pas les yeux, je sais que c'est elle dans mon dos. Elle glisse ses mains sous mon sweat pour les poser sur mon ventre. Je chuchote sèchement :

- Pourquoi tu as mis si longtemps ? Je commençais à m'inquiéter.

- Je suis désolée, j'étais chez Addison, je voulais la réconforter un peu.

- Tu aurais pu m'envoyer un sms.

- Je sais j'y ai pas pensé je suis désolée.

Comme pour appuyer son propos elle enfouie sa tête dans mon cou. Je cède lentement aux caresses subtiles de sa langue sur ma peau et me tourne vers elle. Je l'embrasse et, me rendant mon baiser, elle enfonce ses pouces dans mes hanches en m'attirant plus près d'elle. Devant ses efforts pour m'adoucir je tente de débuter un semblant de discussion qui cette fois ne commence pas par des cris.

- Alors c'était comment chez Addison ?

Elle me raconte son arrivée chez elle, son étonnement devant sa grande maison épurée, son jardin bien taillé. Entre temps je pose ma tête sur sa poitrine pour écouter son cœur comme s'il me parlait plus que ses mots. Elle me dit combien mon amie va mal, combien le sport lui manque et surtout que son père est revenu. Je me retiens de verser une larme, la culpabilité semble me brûler la peau.

Lorsque son explication se termine, le silence englobe la pièce et pèse lourdement.

- Tu aurais dû m'envoyer un sms. Dis-je en prenant sa main dans la mienne.

- Je sais je t'ai déjà dis que j'étais désolée bébé.

Je lève brusquement la tête.

- "Bébé"? C'est nouveau ça ?

- Je sais pas je me disais que ça rendrait bien, t'aimes pas ? Elle me fixe de ses yeux verts comme si ce qu'elle venait de dire était la chose la plus normale du monde.

- Euh, non c'est pas ça mais... Je sais pas ça fait bizarre tu trouves pas ?

- Non j'trouve pas, bébé.

Elle me cherche. J'adore ce coté provocateur qu'elle peut avoir par moment, mais qu'est-ce-qu'elle peut m'énerver.

- Lucy je vais te taper.

- Vas-y, je t'attends.

Je saisis le coussin à ma droite et lui jette dessus. Démarre ainsi, ce qu'on pourrait appeler une bataille d'oreiller qui dure longtemps. Les plumes volent autour de nous accompagnées de nos rires qui emplissent l'espace. Ça fait du bien de simplement rigoler sans se crier dessus, de sentir une alchimie et le cœur qui bat dans mes joues comme une chaude pulsation qui rythme les éclats de rire de Lucy, comme si cette scène était une musique surréaliste qui suivait nos actions.

Les plumes ont fini par retomber, nos rires aussi. Je me blottis contre son corps. Je me sens bien. La chaleur de ses doigts sur mes cuisses, son souffle sur ma peau, j'ai l'impression de la redécouvrir chaque jour qui passe. De son autre main, elle joue avec mes cheveux d'un geste d'un naturelle flagrant.

Cela fait bientôt 1 mois qu'on est ensemble maintenant, je crois que depuis qu'on se connait nous avons dû passer 2 ou 3 nuits séparées tout au plus. Ça n'a pas l'air de déranger ma mère malgré ses piètres efforts pour m'empêcher de la voir. Personne n'est encore au courant pour nous deux même si certains ont des soupçons, je pense qu'il est temps qu'on arrête de se cacher. Mon cœur s'accélère, je redoute ce moment où tout le monde saura. Pourquoi devoir le dire au monde entier ? Pourquoi seul les gens qui ne sont pas hétérosexuels doivent faire le coming out ? Pourquoi en faire tout court ? Pourquoi ne pas simplement être ce qu'on veut ? De toute façon rien n'est définitif. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on aime un genre en particulier, mais une personne. Je n'aime pas les filles, j'aime Lucy. Certes, peut-être que demain j'aimerais un garçon mais qu'importe ? Pourquoi s'attacher à des choses futiles telles que le sexe de la personne qu'on aime ? Qui est-ce que ça regarde honnêtement de savoir avec qui je partage mon lit le soir ? Personne. Ça ne devrait pas être à moi de me révéler à la société, mais à la société de révéler que chacun est différent. 

Dévoiler notre relation c'est aussi s'exposer aux critiques. Ça aussi ça me fait peur. Comment savoir comment les gens vont réagir ? Les questions se bousculent. Je sais juste que ça ferait plaisir à Lucy de pouvoir me tenir la main en public. Elle veut pouvoir m'embrasser quand elle le souhaite. En réalité elle veut juste être libre. C'est peut-être la chance qu'elle n'a jamais eu avec Mina et aujourd'hui elle veut l'avoir avec moi.

Tout est si calme dans la chambre maintenant. Je décide d'aller me démaquiller dans la salle de bain, je quitte la main de Lucy pour rejoindre le lavabo. Une fois débarrassé de mon mascara je me regarde dans le miroir bien en face. Je ne comprends toujours pas ce que Lucy trouve de beau chez moi. Elle a beau me dire tous les jours qu'elle me trouve magnifique je ne peux le concevoir malgré le bien fou que ça me fait qu'elle me le dise. Parfois j'ai peur qu'elle pense que ses compliments passent inaperçus pour moi, pourtant si elle pouvait comprendre combien j'aime et je chéris cette façon si particulière qu'elle a de montré chaque jour qu'elle m'aime d'une manière différente. Chacun de ses gestes, de ses attentions, de ses mots, simplement son regard sur moi me donne l'effet de compter, de vivre. D'être quelqu'un. 

Je tourne la tête, Lucy m'observe. Rapidement elle se glisse derrière moi, m'enlace de ses bras. Elle me regarde dans le miroir, me sourit. Je détaille son visage, ses yeux verts perçants, aimants. L'amande agréable du creux de ses joues. La courbe de ses sourcils, la forme de sa mâchoire, la couleur de sa peau. Ses lèvres, qui assèche ma bouche. Je remarque qu'elle ne porte plus qu'un short léger sous un tee-shirt un peu trop grand qui baille. Je suis avide d'elle, de sentir le goût de ses lèvres, son grain de peau sous mes doigts. Je lui rends son sourire, m'adosse contre elle et pose ma main sur les siennes qui encerclent mon ventre. Elle embrasse mon cou, je penche la tête pour lui laisser un meilleur accès. J'aime beaucoup la sensation que ça me procure. Comme si je lui appartenais. Comme si mes jambes allaient flancher, que la cadence de mon cœur n'était plus guidé que par les effets des mouvements de sa bouche sur ma peau. Je me suis éprise de son corps tout entier. Je suis prise d'un désir presque violent de ses bras, de son contact. Mon sang boue dans mes veines, j'ai envie d'elle. 

Avant, je ne m'autorisais jamais ce genre de pensées, à dire vrai cela ne traversait même pas mon esprit. Aujourd'hui c'est comme un besoin et je ne ressens pas vraiment de honte à pouvoir me l'approprier pleinement. 

Une douce chaleur monte de mon ventre jusqu'à mon cou. J'entraîne Lucy vers son lit, hôte rapidement mon jean. Nos peaux entre en contact, c'est comme si un feu se déclenchait en moi et par moment c'est si agréable de brûler. J'emmêle mes jambes aux siennes, je sens sa chaleur qui parcourt ma peau. Mes émotions s'envolent,  c'est comme une frénésie, je ne suis pas sûre de pouvoir arrêter, ni sûre de le vouloir. Ses lèvres s'emparent de moi, elle me guide vers ce terrain inconnue où je meurs d'envie de la rejoindre. Le goût sucré de sa salive qui se mêle à la mienne ravive d'autant plus le désir que j'éprouve pour elle. Ses doigts dessinent des cercles sur mes cuisses, les miens cherchent seulement son contact. Je sens sa respiration qui monte sur sa poitrine, je sens même son cœur qui s'emballe comme si il cherchait à cogner le mien. Je ressens cette sensation étrange de quelque chose qui se dissipe en moi qui monte dans ma nuque comme un fourmillement, un frisson qui longe mon dos. Mes doigts se rapprochent toujours plus de cette zone dangereuse. Si je franchis cette étape je ne pourrais plus revenir en arrière. Ça changera tout. 

Suis-je vraiment sûre de vouloir aller plus loin ? 

Lunatic MomentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant