Chapitre 14 : Lucy

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Je monte les escaliers pour rentrer dans ma chambre après une interminable discussion avec mes parents sur mon nouveau club. Je reste devant la porte un moment et je prie de toutes mes forces pour que Liwia soit là. Je pose ma main sur la poignée froide et la tourne vers la droite, la porte s'ouvre avec un léger grincement qui me surprend une fois de plus, je ne suis pas encore habituée à tous les bruits de cette nouvelle maison. J'avance en refermant la porte derrière moi. Je me précipite vers la fenêtre et je m'appuie contre le rebord de celle-ci. Dans la maison d'à coté, une jeune fille rousse se penche pour ouvrir un placard. Liwia est si belle. Un faisceau lumineux traverse l'encadrement de sa fenêtre pour se poser sur son doux visage. On dirait un ange. Je ne peux m'empêcher de sourire en la voyant ainsi. Je continue de la regarder pendant tout le temps où elle fourre des livres dans un sac rose, ce qui me semble être une éternité. Un peu plus tard elle relève la tête et lorsqu'elle croise mon regard un grand sourire, la rendant d'autant plus magnifique, naît sur son visage. Un simple regard suffit à nous faire perdre le contrôle. C'est sûrement pour cette raison que tout est allé si vite entre nous. Mais qu'est-ce que j'aime la regarder... Je me retourne et je prends une feuille sur le bureau que mon père a installé ce matin. Puis je la colle sur la fenêtre et j'écris dessus "Donne moi ton numéro de téléphone". Je la retourne afin qu'elle puisse la lire. Elle rigole en voyant mon inventivité pour essayer de communiquer puis elle hoche la tête et attrape une feuille et un feutre derrière elle. Elle plaque le tout sur la vitre et écrit son numéro dessus. Elle tourne la feuille afin que je puisse voir ce qu'elle a écrit. Je sors mon téléphone de ma poche arrière et je note son numéro. Je lui envoie un texto :

- "Alors ce restaurant ? C'était bien

Lorsqu'elle reçoit mon sms, elle laisse tomber sa feuille et son stylo par terre et, tout en le lisant elle rapproche une chaise de la fenêtre sur laquelle elle s'assoit à l'envers en appuyant ses coudes sur le dossier puis elle tape sur son téléphone un sourire aux lèvres et le mien se met à vibrer. 

- "Ouais c'était plutôt bien. Mais j'aurais voulu que tu sois là..."

Quand je lis ce texto, j'ai un pincement au cœur. Est-ce qu'elle essaie de me dire que je lui ai manqué ? Je lève la tête vers elle et lui adresse un grand sourire. Ensuite, je poursuis la conversation :

- "Parle moi de toi, je veux te connaître"  

Alors elle me parle de sa mère, de sa petite sœur. Du fait que son père est parti quand elle avait 12 ans à cause de la gymnastique. Il ne supportait plus que la mère de Liwia soit tellement impliquée dans le sport et ne voulait pas que Liwia devienne une gymnaste de haut niveau. A force de se disputer tout le temps son père a fini par partir ensuite sa mère s'est rendue compte qu'elle était enceinte mais elle n'a pas cherché à recontacter son mari. Liwia en a toujours voulu à sa mère de ne pas avoir plus discuté avec son père pour essayer de régler leurs problèmes. Elle regarde l'horloge puis tapote de nouveau sur son téléphone. 

- "Il est presque l'heure qu'on parte, tu veux qu'on te dépose au lycée ?"

Je suis tellement heureuse lorsqu'elle me dit ça, je me lève de mon lit où je m'étais assise et lui montre mon index pour lui faire signe d'attendre. Je dévale les escaliers à toute vitesse et je demande à ma mère :

- Maman ! Est-ce que les voisins peuvent me déposer au lycée ?

- Hein ? Ah oui c'est vrai que la voisine aussi fait partie de ton club, c'est d'accord.

- Yes ! Je ne peux pas me retenir de sauter en l'air.

- Alors c'est pour ça que tu étais si distraite ce matin ! Il y a une fille derrière tout ça ! Ma mère prend un ton moqueur et lève ses sourcils.

- Oh maman ! Je t'en prie ! 

Je cours dans ma chambre et j'envoie un autre texto à Liwia pour lui annoncer que je peux venir et elle saute de joie en le lisant. Elle me fait un signe de la main pour que je la rejoigne. Je ne sais pas pourquoi j'ai tellement hâte de la voir. Ni pourquoi je ressens ce besoin constant de lui parler alors que nous nous connaissons depuis seulement quelques heures. Mais c'est comme si je l'avais attendue toute ma vie. Je fourre des cahiers dans mon sac et dévale les escaliers. Lorsque j'arrive dans la cuisine en courant je crie à ma mère un " Salut Maman ! A ce soir !". Elle pouffe de rire et je ferme la porte derrière moi. 

J'arrive devant chez Liwia en quelques grandes enjambées. Elle m'accueille avec un visage radieux et je pense que mon visage reflète ma joie d'être là. Elle me propose d'aller s'asseoir avec elle dans la voiture en attendant sa mère. Et c'est ce que je fais : nous nous mettons toutes les deux sur la banquette arrière. Un silence malaisant règne dans la voiture avant que Liwia prenne la parole en premier. 

- Moi je t'ai parlé de moi, mais toi tu ne m'as toujours rien dit.

- Euh... Et bien, pour moi il n'y a pas grand chose à dire... Mon père et ma mère sont ensemble depuis 18 ans environ, j'ai un frère qui s'appelle Michael qui a 17 ans. Il a une petite copine qui s'appelle Zoé et qui est aussi ma meilleure amie depuis la maternelle. Mais eux ne sont ensemble que depuis 1 ans. Et voilà c'est tout !

- Mais il y a bien d'autres choses que tu me peux me dire sur toi comme ... Ta couleur préférée ? L'acrobatie que tu préfères ? L'agrès que tu aime le moins et le plus ? Et plein d'autres trucs comme ça !

- Alors : Vert, Onodi, j'adore tous les agrès et j'ai rien d'autre à dire ! 

Nous rigolons en même temps après la réponse que je viens de donner à toute vitesse. Nos rires se mêlent et semblent prendre toute la place dans la voiture. Ils couvrent tout l'espace autour de nous en nous englobant dans une bulle chaude et agréable. Encore une fois, il n'existe plus que nous dans un monde silencieux que nos rires ont rendu bruyant et plein de vie. Je me sens tellement bien à ses cotés. Je suis apaisée et tout me semble merveilleux. Personne ne peut entrer dans ce monde unique que nous avons formé avec nos regards, nos chaleurs, nos souffles et nos rires. Soudain nos yeux se trouvent et nous arrêtons de rire. Le silence nous surplombe de nouveau pour laisser place à l'excitation intense de plonger nos regards l'un dans l'autre. Nous rapprochons nos visages juste assez pour que nous puissions sentir le souffle de l'autre. Nos lèvres se rapprochent et Liwia se mord la lèvre. Lorsqu'elles sont presque à se toucher et que la tension est à son comble nous entendons la porte de la maison de Liwia s'ouvrir et sa mère en sort ce qui nous tire de notre univers de rêve. Nous reculons toutes les deux brutalement. Liwia est écarlate, j'en conclus donc que sa mère n'est pas au courant qu'elle aime aussi les filles. Sa mère entre dans la voiture et s'installe sur le siège conducteur et nous regarde dans le rétro avant de me dire :

- Bonjour ! Je suis la mère de Liwia, je m'appelle Suzanne ! J'ai vu tes exploits à la poutre, tu es incroyable ! Tu devrais en prendre de la graine ! Dit elle en s'adressant plus particulièrement à Liwia.

Liwia lève les yeux aux ciels et se détourne de moi pour poser son menton dans sa main et appuyer son coude contre la portière. Je n'aime pas du tout la réflexion de sa mère mais je ne relève pas pourtant au fond de moi, je sais que Liwia a besoin que quelqu'un la défende. La voiture démarre et nous nous dirigeons vers le lycée. Liwia reste muette et ne me regarde plus. Et je me sens soudain incomplète. 


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