La nouvelle oeuvre

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Le Soleil a tourné de sorte à ce que la grande salle s'assombrisse légèrement. Mes lunettes quittent alors mon nez pour migrer sur ma tête. Le public continu son défilé partout dans le musée mais des bruits de plus en plus forts m'indiquent la venue de personnes dans cette section ci des sculptures. Je n'y prête pas d'attention particulière. Je suis bien trop absorbée par ma lecture. Je veux finir cet article avant que Jules ne s'aperçoive que je lui ai piqué son magazine. Je lui répète toujours que c'est complètement débile comme lecture, que ça n'apporte rien. Pourtant qu'est-ce que ça fait du bien de ne pas réfléchir, de ne pas avoir à se poser milles questions ni d'avoir à se mettre en quête de savoirs nouveaux. Je comprend Jules au final, elle veut simplement s'échapper.

Les voix s'élèvent maintenant jusque dans les hauts plafonds. Les conversations sont faciles à entendre ce qui brise mon cocon de paix, et rend mon nouveau refuge caduc. Je distingue une voix masculine au dessus de toutes les autres remercier des gens et les saluer. Les voix ne deviennent que murmures que je me plait à imaginer être des louanges chanter pour les Dieux.

Je lève les yeux au ciel et souffle d'aise. J'aime l'odeur du bois, de la pierre, de la cire propre aux musées. Une béatitude m'envahit dès lors que je sens ce genre d'atmosphère chaude procurée par les odeurs de bois, d'ancien le tout controversé par l'aspect glacial du marbre et du granit.

Des bruits de pas décidés mais légers avancent sur le carrelage. Les sons réguliers forment un tempo. Je suis ce rythme en tapotant le derrière de ma page avec mon index. Mon pied enchaîne. Puis plus rien. Plus de bruit de pas. Mon corps lui ne stoppe pas et continu la régularité des sons enregistrés dans ma tête.

-Excuse moi? Dit une voix que je crois être la même que quelque instants auparavant.

Je me fige. Mes yeux quittent les mots pour trouver un type aux cheveux foncés plutôt mignon planté devant moi. Il porte un jean et un t-shirt blanc recouvert d'une veste marron. Je lève un sourcil en guise d'interrogation. Il esquisse un sourire avant d'ajouter:

-Excuse moi, tu es assise sur une des expositions....

Sa voix est chaude et non réprimandante. Il est sérieux. Il se mord la lèvre. Quoi ? Je jette un coup d'œil alarmé au canapé sur lequel je suis installée et dans un mouvement de panique accompagné d'un torrent d'excuses je saute sur mes pieds. Mon magazine atterrit sur le sol et mes lunettes tentent elles aussi de s'échapper. Heureusement que j'ai le réflexe de les rattraper en les coinçant entre ma main et mon sternum. Qu'est-ce que je peux être bête...

-Mon dieu je suis vraiment désolée, je...je pensais que c'était... dis-je en passant une main dans mes cheveux, plus que confuse. Je n'ai pas vu de petit panneau...

Il me lance un regard taquin. Ses lèvres se tordent puis un instant puis il éclate de rire...un rire franc qui m'aurait fait rire aussi si je n'avais pas été aussi gênée et si je n'en avait pas été la cible.

-C'est une blague c'est ça ? Je tente, devant son fou rire.

Il passe sa langue sur ses lèvres et bouge sa tête faisant bouger ses boucles brunes.

-Pardon... oui...je suis vraiment désolé... désolé...on va fermer le musée...

Son rire continu d'habiter l'espace. Il ferme les yeux avant de souffler doucement pour se calmer. Je reste sans bougée. Comment suis-je censée réagir à ça autrement que par un sourire timide?
Il remarque mon gène et continu de me scruter avec ce sourire craquant. Sa mâchoire saillante et bien dessinée m'interpelle. C'est un trait singulier que je n'ai jamais vu chez personne avant. Elle est carrée mais pas forte, c'est fin, gracieux, beau. Mon regard zigzague jusqu'à ses yeux hardis et pénétrant de couleur verte cherchant un indice.

-Laisse-moi deviner... tu es étudiante en art dit il en ramassant mon magazine essayant de combler le blanc qui s'installe.

En retournant la couverture, il fait les gros yeux et ajoute d'une voix pleine de surprise,

-La reprise du bachelor et les coulisses du mariage Brad et Angelina....intéressant....

Je saisis le papier de ses mains à la va vite. Je n'ai jamais été aussi mal à l'aise ...

-...tu ....fais toujours ça aux inconnus ? Dis je finalement  à mon tour à la demande d'explications. Je n'ai pas besoin d'autant de courage que j'aurais cru pour lui réponde. Même si c'était laborieux, j'aurais pu faire bien pire. Non pas en arts....j'ajoute

-Non....pas vraiment...je me demandais qu'est-ce qu'une fille qui passe des heures à regarder des sculptures et à lire des magazines.... people pouvait bien étudier ?
Il appuie sur le mot People le tout avec une pointe de défi dans la voix.

Il a doit me prendre pour une folle. Je regarde ma montre, 19h. J'ai passé six heures ici. Wah Je ne l'ai pas croisé aujourd'hui mais une chose est sûr, si je l'avais vu je m'en serais souvenu... Oui un visage singulier comme le siens avec un nez parfaitement dessiné.... ça ne s'oublie pas. J'ai soudain envie de me rapprocher, j'imagine les petits détails que pourrait me révéler son visage mais je me ravise. Ce n'est pas une statue..

-Je...je ne suis pas une fan de magazine...
Je suis piquée au vif comme une gamine dont on vient de découvrir le secret honteux.

Il se rapproche un peu de moi, jusqu'à me surplomber d'une tête. Je range mon magazine dans mon sac ainsi que mes lunettes me donnant à l'occasion de la contenance.

-D'accord... alors tu es peut-être sous couverture c'est ça ? dit il comme s'il abdiquait et devenant plus sérieux.

Mes moyens refont surface. Je souris de plus belle.

-Non, non, je ne suis pas aussi cool que ça....j'étudie l'archéologie... juste l'archéologie.

-Une intello, j'en étais sûr... enfin je suppose que le magazine est la pour que ça n'éveille pas les soupçons ...bien joué...

-Je ne sais pas si je dois prendre ça comme un compliment mais... euh... je vais, ouais... je vais y aller si vous fermez...

Il regarde dans l'entrée principale où les quelques personnes quittent les lieux. Je remonte la bandoulière sur mon épaule. Il me jette un coup d'œil déçu. Je suis aussi déçue que lui de quitter cet endroit que je viens juste de découvrir. Mais New-York est ma nouvelle ville maintenant.

-Tu sais, on ouvre demain...tu peux revenir, je fais la visite guidée...dit il avec un soupçon de nervosité.

-Euh... je... je ne sais pas...

Je cherche une réponse correcte. Je sursaute quand mon téléphone sonne deux fois. Deux. Puis une. Pas la peine de regarder c'est Jules. C'est notre code. C'est pour me dire de rentrer car elle va bientôt partir. Il me fixe toujours, il doit certainement ce demander quel était ce code bizarre et pourquoi je ne regarde pas. Je lui lance un sourire contrit.

-Je suis désolée je dois vraiment y aller...

Le Chef-d'œuvreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant