Le mal d'amour

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PDV de Timothée

L'odeur de l'alcool a briquet hante la cage d'escaliers toute faite de bois. J'imagine l'immeuble s'embraser dans un flamboyant bûcher comme ceux allumés pour la Saint Jean. Terrible mais grandiose. Reagan ne s'inquiète de rien, elle continue sa progression jusqu'au devant de la porte, où là, des bruits à peine étouffés de pas grattent les lattes d'un planché certainement lacéré.

Reagan, les yeux rouges larmoyants de fatigue, me lance un dernier regard, ouvre la porte et me fait entrer dans son appartement. Nous tombons directement dans la cuisine, dans laquelle une belle blonde, Jules je devine, cigarette à la main et pieds allongés sur la chaise voisine nous regarde. Une fenêtre au dessus de levier laisse des néons traverser la cuisine et par la même, atteindre mon visage endormi. Transporté par la fatigue, l'odeur sucrée d'un plat inconnu et de la cigarette à la menthe me bercent Mes yeux sont attirés par le tranchant et par la taille de ses talons, puis par ses petits yeux bleus se cachant sous le nuage noir de son ombre à paupière. Sa bouche rouge au caractère sanglant embrasse le bout de sa cigarette en m'observant attentivement. Il ne manquerait plus qu'un boa autour de son coup pour donner à cette scène et à ce lieu vieillot tous les caractéristiques volés aux ambiances de vieux cabarets.

-Salut Jules! Lance Reagan un peu enjouée.

Jules me scande de haut en bas. Elle passe sa langue sur ses dents.

-Salut, salut, alors....c'est donc toi le fameux Garçon... elle fait un sourire mystérieux à Reagan qui prend déjà nos manteaux mécaniquement. Elle vient ensuite se placer à mi chemin entre Jules et moi pour établir un nouveau lien entre sa colloque et moi.

Je passe une de mes mains dans mes cheveux pour cacher mon malaise, j'ai l'impression de passer le test de « la meilleure amie », l'épreuve décisif pour un garçon. Commence pas à jouer Chalamet. Reste cool.

-J'espère que c'est bien moi en tout cas ... et toi, tu dois être la fameuse Jules... Je lance ça tout en sentant mon sang emplir dangereusement mes oreilles. Reagan se décale me laissant échanger cette fois seul avec sa coloc.

-Elle même... taquine Jules en écrasant sa cigarette. Ravi de te rencontrer....

-Moi aussi, c'est un plaisir ! dis-je. Jules est plutôt impressionnante, la femme fatale des films noirs des années quarante.

- Comment va ton ami ? me demande Jules en toussant sa fumée.

-Je pense que ça va devrait aller.... ses parents sont auprès de lui... Et ils peuvent nous joindre au cas où... Je le dit un peu détaché, mais au fond, j'ai été tellement secoué que je me sens pas encore apaisé.

-Je ne m'y attendais vraiment pas... pauvre Dan. Dit Reagan en attendant que je lui donne mon manteau. Et dire qu'il venait de nous quitter....

- Je....Ouais, je... j'irai... le voir à la première heure demain matin, j'espère enfin pouvoir lui parler. On ne sait pas trop ce qui s'est passé... Roh... j'aurais vraiment du lui envoyer un message ! Je finis par annoncer coupable.

- Comme tu veux ... on verra tout ça demain... Tu ne peux rien faire...quand il sortira tu seras là pour lui....Reagan accroche nos vestes et revient vers moi pour déposer un baiser sur ma mâchoire. Je suis surpris par cette marque d'affection en présence de sa colocataire, j'adore quand elle montre que nous sommes ensemble elle et moi.

Jules nous regarde l'un et l'autre, l'air désolé de ce qu'on lui annonce. Ses yeux se perdent dans le vide.

-La vie... en un claquement de doigt... poufff...Et le chauffeur, il était bourré ? s'informe Jules.

Le Chef-d'œuvreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant