Paris-New-York

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PDV de Timothée

Les mains flanquées dans mes poches, j'observe successivement ma sœur et le sol carrelé. Nous errons Pauline et moi au ralentis dans les allées du musée, plus intéressés par nos retrouvailles que par les œuvres qui nous entourent. Les visiteurs, les œuvres défilent, les visages peints et sculptés nous jugent, nous maudissent de ne pas leur donner l'attention qu'ils méritent.

-Et papa ? Je demande.

Les longs cheveux bruns et lisses de Pauline recouvrent son sac à dos dont elle tient les bretelles du bout des pouces. Elle regarde droit devant elle. Je suis contente de la revoir après deux mois passés en France. Elle commençait a vraiment me manquer.

-Il revient bientôt et pour un moment. On lui manque! Il voudrait que tu lui téléphone plus souvent... mais enfin bref.. Il a prit le temps pour moi, on est allés boire un chocolat chez Angelina by the way !

Le mélange français anglais lui est propre. Elle me tire la langue.Elle se déporte et vient me donner un coup de coude dans les côtes pour me faire enrager. Je ricane. Angelina est notre coin préféré pour aller consommer une dose abusive de chocolat. Quand les Chalamet viennent à Paris, ils en font leur QG.

La figure fatiguée de ma sœur s'illumine quand elle me sourit. Le jet lag fait encore son effet. Je ne peux m'empêcher de me sentir mieux auprès d'elle et dire que j'en avait besoin n'est qu'un euphémisme. Lorsque nous étions plus jeunes, on avait l'habitude de se taper dessus. Je la voyait comme une personnes avec laquelle je demeurais coincée et avec laquelle je devais vivre sans avoir le choix. Je la voyais comme une créature des enfers et elle aussi. A notre plus grand malheur parfois. Maintenant que l'on est plus grands, je vois en elle une entité humaine, profonde, avec ses propres rêves, peines, espoirs dont les erreurs la font grandir et m'inspire. Une personne qui m'est indispensable.

-Cool. Cool. Mon ton est un peu distant.

J'attends de revoir si mon père tiendra sa promesse. J'ai bien trop souvent été déçu. C'est le même refrain étourdissant. Pauline le sait. Elle a vécu la même chose mais elle pardonne plus facilement que moi. Peut-être que sa maturité lui permet de se contenter de ce que l'on lui donne. Moi j'en veux plus. J'ai besoin de plus.

-Sinon, j'ai passé le plus clair de mon temps avec Jérôme et Victoire. On a fait un peu les touristes, mais on a aussi bossés sur les projets photo de Vic.

Je hoche la tête. Je ne connais pas les personnes dont elle me parle mais tant pis. J'écoute entre deux pensées douloureuses adressées à Reagan. Puis trois. Puis quatre. Puis un film se diffuse sur l'écran de mes pensées. Je jongle entre deux temporalités, ma mémoire et instant présent.

-Demain soir, je dors à la maison. Je déclare pour habiller la conversation qui s'écoule.

D'un geste franc, elle passe son bras et entour ma nuque. Le fait qu'elle soit légèrement plus petite que moi me fait m'affaisser. Le poids m'entraînant joue sur mes muscles, les rendent douloureux mais face à cet excès d'amour, je suis son esclave et souffre en silence.

-Oh mon Poulet ! Tes jouets Spiderman te manquent c'est ça ? Elle se moque ouvertement de mon ancienne passion et ça vient me piquer mon égo. Outch.

- C'est assez petit venant d'une fille qui avait des posters de quoi déjà ? Oh oui de Summerland ... hein ! J'espérais plutôt regarder Mean Girls. J'essaie de l'emmener sur une autre piste moins honteuse.

Elle rigole. Un rire de la gorge provenant du fond du coffre.

-vendu ! Pauline fait un bisous sur ma tempe. Je lui ébouriffent les cheveux avec le plus de douceur qu'un frère peu donner. Quasi inexistante, il ne faut être trop sentimental non plus.

Le Chef-d'œuvreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant