La fosse aux lions: Acte II

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Nous avançons lentement en direction de son oncle et Diana. Hayden s'est calé sur ma cadence, sa main en bas de mon dos est toujours là en soutient, peut être au cas où je viendrais à tomber. Les voix emplissent la grande salle, Hayden de rapproche de mon oreille, sans y chuchoter il me fait la conversation.

-Tu as lu le livre ? Demande t'il.

Il pose sa main sur mon avant bras pour attirer mon attention même si il la détient déjà. Je regarde droit devant moi, portant toutefois attention aux gens sur notre chemin.

-Non je n'ai pas eu le temps...
Mon ton est distant. J'ai d'autres trucs à faire... j'ai une vie aussi.... et hier soir je n'étais pas d'humeur... Pas du tout...

-Madame est nerveuse ?

Je tourne vivement la tête sur son profil. Il sourit mais ne prend pas la peine de me regarder. Il sait très bien que oui. Mon corps est aussi raide qu'un morceau de bois et mon visage est crispé, ce n'est pas difficile à deviner.

-M'en parle pas...

-Après un verre de champagne ça ira mieux, attend..

Il s'éloigne de quelques mètres, interpelle un serveur avec un plateau rempli de flûtes.
Une fois revenu, il m'en tend une. Avant que ma main vienne toucher le verre dont une fine couche de buée froide le recouvre, il l'éloigne soudain de moi. Ses yeux passent de celle-ci à mon visage, songeur.

-Qu'est-ce que tu as à la main?

Il mord sa lèvre mimant une douleur imaginaire, une douleur que j'ai ressenti mais qui m'a quitté pour me laisser juste un pincement désagréable dans la paume à chaque mouvement, et des bleus à l'âme dans la bataille d'hier.

Je regarde l'entaille rougeâtre et boursouflée. Elle ne saigne pas mais la chaire est encore tuméfiée. J'ouvre la bouche plusieurs fois sans trouver d'excuses acceptable.

-La... la... le couteau, la cuisine, je ne suis pas bonne cuisinière il faut croire...
Jules me répète que je suis un danger public quoi que je fasse. Cette histoire aurait pu être la vérité.

Comme s'il acceptait mon alibis, il me donne enfin mon verre. Je bois deux grosses gorgées de cet élixir avant d'arriver vers les deux personnes en pleine confrontation. Une chaleur anesthésiante et un arrière goût âcre descend jusque dans ma trachée.

-Je suis désolé Diana mais tu ne peux pas demander une telle chose à la commission! Ils n'accepteront jamais....

-Qu'est-ce que tu peux être rabat-joie je te...

La discussion s'interrompt lorsqu'ils remarquent notre présence. Le visage de Kinnear prend un air jovial mais une tension demeure. Diana elle, reste irritée par son interlocuteur. La veine sur sa tempe bat. Sa chevelure est relevée en une queue de cheval, avec elle fouette les airs lorsqu'elle secoue la tête, désabusée. Elle serre le bas de sa robe noire nerveusement.

-Hayden, tu es en charmante compagnie...Bonsoir Mademoiselle Suskind. Dit le professeur. Ravis de vous revoir...

-Serkind. Je le reprend poliment.
Mes doigts se crispent autour de ma flûte. La dure matière appuie sur mon entaille. Je croise ma mâchoire.
Je lui rend ce sourire de façade. Je l'ai mauvaise. Écorcher mon nom montre son manque d'intérêt envers moi.... quel dédain... et après son refus de stage....je l'ai encore plus mauvaise.
Mais ce qui me déplaît au plus au point c'est qu'il ait chargé son neveu de me jeter à sa place.

-Reagan, tu es très élégante... Hayden, je te l'empreinte... viens avec moi... Sa voix garde encore des teintes de colère.

Une fois à l'écart, près du buffets de petits fours et du bar, elle souffle enfin.

-Quel crétin ! J'ai bien cru que j'allais lui faire manger sa Rolex ! Enfin... Reagan, j'ai envoyé ta lettre de motivation à Lorenzo Benedetti, il m'a répondu ce matin... il a hâte de te rencontrer.
Elle se tourne et cherche quelque chose ou plutôt quelqu'un. Tiens, il est là bas ! Après sa présentation, on ira le saluer d'accord ?

Elle me sourit amicalement et moi de même excitée à cette perspective. J'ai hâte de le rencontrer et de pouvoir lui parler. J'espère de tout cœur qu'il me verra, qu'il verra que je vaut le coup..

-Il ne devrait pas tarder à commencer. Informe t'elle.

C'est vrai que la salle s'est remplie rapidement. Du haut de me échasses je me dévisse le coup à la recherche de la personne qui hante mon esprit à mon insu. Je cherche des boucles sauvages dans la foule. Je cherche la forme singulière de son visage. Ses yeux mutins et cette bouche pleine d'audace mais rien.

Mon cœur bat la chamade mais je suis vite découragée. Heureusement que des petits fours sont à proximité de nous. J'en saisis plusieurs, alternant champagne délicieux et bouchées divines de petits fours. Une aubaine pour mes papilles. Jules serait la avec moi, ca irait été fatal pour le buffet..

-Je vais chercher Hayden avant que ça commence... son oncle va encore essayer de le corrompre... je reviens.

Je me tiens debout, toute seule, avec un verre à la main. Ma hantise. Je déteste faire la potiche. Je regarde les gens autour de moi, bien plus à l'aise et accompagnés que moi.
Le volume baisse soudainement. Je distingue Monsieur Benedetti monter sur l'estrade et taper sur le micro.

Le Chef-d'œuvreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant