Je pénètre dans l'entre et la rejoint au milieu des mosaïques romaines. Les écritures latines courent sur les murs, les socles des statues et également sur d'épaisses tablettes gravées.
La jolie brune, immobile, dont les yeux sont piégés par la pierre bouge les lèvres. J'ai l'impression qu'elle ne respire pas, qu'elle ne prend pas le risque d'esquisser le moindre mouvement qui pourrait lui faire perdre le fil. J'ai peur de la déranger. Je me déplace discrètement derrière le buste de soldat sous la prison en verre protectrice, espérant l'observer faire sa magie à ma guise.Ses lèvres s'arrêtent, je m'arrête aussi. Je suis comme un chausseur observant un animal sauvage. Elle penche la tête et se tapote sur le front. Elle scelle ses lèvres en les mordant fortement et adopte une façon pensive. Lentement, cette biche reprend sa position initiale et ses lèvres reprennent leur incantation.
Les mains dans les poches, je viens assouvir le besoin de réduire l'espace entre nous. Elle tourne la tête nonchalamment, son visage s'illumine. Elle s'apprête à reculer mais je l'empêche.-Non attend ne bouge pas ...
C'est moi qui prend de la distance à contre cœur et la couve du regard .
- Pourquoi ? Demande t'elle gênée. Elle remet ses cheveux derrière ses oreilles.
-Je grave ça dans ma mémoire, je ne pensais pas te voir... Je feins la plaisanterie mais c'est vrai.
Un sourire à damner un saint habite ses lèvres violacées. Ses joues se creusent et ses promettes saillantes se colorent d'une douce teinte rosée. J'ai envie d'effleurer sa joue, de sentir si elle est chaude comme la mienne. Au lieu de ça, je viens retrouver ses côtés et ce sont mes boucles que je ramènent en arrière.
Ses yeux hazels soulignés de maquillage noir qui fout camp suivent mes mouvements. Ma proximité me permet de voir qu'ils sont traversés par des vaisseaux rouges, témoins de fatigue ou de pleurs...- Je crois avoir raté la visite guidée de toute façon... son humeur devient brumeuse comme son regard. Il devient fuyant.
J'ai peut-être raison après tout... je ne sais pas mais quelque chose me pousse à faire revenir ce sourire mais plus encore, ce regard sur moi. Je veux sentir la tendresse de ses grands yeux; de ses yeux qui lui mangent le visage sur moi.
-Tu n'as pas raté grand chose... c'était assez ennuyant à vrai dire pis...tu n'aurais rien compris....
Elle lâche un petit rire doux amère. Je crois que je l'ai vexée, elle a du prendre comme sous entendu que ce que je présentais était trop compliqué pour elle. Je me rattrape à la hâte. J'essaie de me rattraper aux branches comme je peux.
-Cetait... c'était en français...je parlais en français. La visite... de cette aprèm...
Mais vas y bafouille encore plus mon vieux... tu vas bientôt cracher aussi ?La grande brune m'apaise en m'offrant la vue de son visage tendre, souriant. Du revers de la main, Elle essuie ses beaux yeux larmoyants.
-Impressionnant... ce n'est pas facile. Elle rigole et renifle.
Oh ma douce tu ne crois pas si bien dire.
-Pas vraiment non... dure journée ? Je me jette à l'eau. J'appréhende sa réaction. On ne demande pas ça à une inconnue.
Elle reste muette une seconde. Je devine son corps frissonner en dessous de son manteau. Ses longues jambes flageolent et si je saisissais ses mains je serais près à parier qu'elles sont gelées.
-J'avais... elle s'arrête. Elle refuse de le dire à un inconnu. Tu es bête Chalamet !
-Si ça peut te rassurer j'ai passé une journée pourrie aussi. Je me met assis parterre au milieu du passage. J'ai du parler français, j'ai eu tellement du mal à m'y remettre que pendant une demie heure je n'ai pas arrêter d'utiliser le mauvais mot... une vieille dame me la dit qu'après...
Elle s'installe à mes côtés. Son bras effleure le miens. Je me concentre la dessus plus que je ne devrais.
-Dure ... dit elle en compatissant.
J'attend qu'elle parle mais un vide s'installe. Je croise mes bras et regarde son profil. Son nez a une légère bosse quasiment invisible si l'on ne fait pas attention.
-J'ai eu un entretien... avec un chercheur que j'adore et il m'a clairement fait comprendre que je n'étais pas assez bien pour le poste... pour lui...
Ma journée était mieux que la sienne. Je suis désolé pour elle. Je sais que trop bien ce que ça fait de se faire refuser un job. Un film.
-Je suis désolé.... je laisse ma phrase en suspens...je ne connaît même pas son prénom. Comme si elle lisait dans mes pensées, elle répond:
-Reagan. Je m'appelle Reagan.
Elle me tend la main. Mes doigts se mêlent aux siens. Je serre avec douceur.
- Reagan ? Comme le président ? J'essaie de détendre ce moment formel de la poignée de mains. Moi c'est Timothée...
- Oui comme le président.. peut-être que mes parents avaient une obsession pour lui, je ne sais pas du tout... et je crois qu'il ne veut mieux pas poser la question... Timothée... c'est joli... au fait tu étudie quoi pour parler français aussi bien et connaître l'histoire?
Qui devient nerveuse maintenant? Je pivote sur mes fesses pour me placer en face d'elle comme deux enfants qui jouent. Elle paraît inconfortable alors j'ajoute:
-Je n'étudie pas... plus, je veux être acteur. Je suis allé un an à l'université mais ça a été terrible. Dès le premier jour je me répétais : Mec dégage d'ici c'est vraiment horrible! Cours !
Je fais des grands gestes avec mes mains.Elle se penche en arrière et rigole. Son rire résonne jusque dans les hauts plafonds. Ce son me pénètre et vient me pincer jusque dans mes tripes.
- Le traumatisme visiblement.... mon pauvre...
-Pire que ça... je ne peux plus m'approcher d'une fac à moins de cent mètres sans faire une crise... et de partir en courant.
-Dramatique ! Je parie que tu utilise ça pour jouer une scène tragique! Dit elle. Son corps se secoue. Ses lèvres tremblotent davantage.
-Exactement ! Tu as froid ? Je demande inquiet.
Elle frotte ses cuisses.
-Je meurs de froid... j'ai passé ma journée sous la pluie...
-Tu veux aller boire un café?
Je suis surpris par les mots qui viennent de sortir de ma bouche. Je viens de lui demander de boire un café c'est bien ça ? Je la regarde droit dans les yeux. L'atmosphère à changée. Je suis aussi sérieux qu'une pierre tombale à cet instant. Pourquoi je ne baisse pas les yeux? Pourquoi j'ai peur qu'elle dise non ? Pourquoi j'espère aussi qu'elle dise non ? Déjà la dernière fois, en lui demandant de revenir, c'était une erreur. Passer du temps ici en est encore une. Attend mais oui... C'est peut-être du au fait que tu aies une copine Chalamet, une copine bordel...
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Le Chef-d'œuvre
Fanfiction« Ses lèvres s'arrêtent, je m'arrête aussi. Elle penche la tête et se tapote sur le front. Elle scelle ensuite ses lèvres en les mordant fortement. Lentement, elle reprend sa position initiale et ses lèvres reprennent leur incantation. Les mains da...