Le Chef-d'œuvre

Jour sans

Mon havre de paix est assiégé. Lorsque je passe le hall, j'ai l'impression d'être au milieu d'un tourbillon d'échos accentuant ma solitude qui vient saisir ma gorge.

Des lycéens envahissent les lieux et viennent détruire la quiétude ordinaire dont j'ai besoin. Est-ce que tout le monde s'est donné le mot pour m'envahir aujourd'hui ? C'est le problème avec les grandes villes, nous ne sommes jamais vraiment seul, mais seul ensemble.

Mes yeux détaillent la salle à la recherche de Timmy. Les larmes menacent, jusqu'à ce que je l'aperçoive en pleine visite. Il est là...

Un sourire de soulagement s'installe sur mes lèvres et mon estomac se détend.. Son corps félin se meut dans l'espace avec une aisance dont il n'a même pas conscience. Je meurs d'envie d'aller lui tirer ses cheveux indomptables et de sentir la pression de ses mains sur moi. Le gestalt de son visage angélique dont les secrets mon été dévoilés plus en détails lors de la soirée m'intriguent toujours autant...j'aimerais les étudier sans répit.

Je ferme les yeux, tentant d'effacer cette envie.
Un rire m'interromp. Daniel hilare vient me taper sur l'épaule. Je sursaute. La soudaineté de son geste me déstabilise. La petite tape bouleverse mon système nerveux et vient réveiller une humeur grognon, Morose que j essayais de maintenir au fond de moi.

-Tu viens te moquer de la super star au milieu des lycéennes ? Demande t'il. Regarde le mimer des gestes et parler tout seul... Je suis le mouvement de menton de Daniel.

Nous regardons en direction de Tim. Même si les adolescentes semblent intéressées par ce qu'il dit, on sait très bien que c'est sa belle gueule qui intéresse le plus... je comprend... il est tellement beau que ça me fait mal de le regarder.
Je secoue la tête à mon tour en le voyant. Il est gêné et c'est trop mignon.

- Tu devrais aller le sauver... je propose à Dan. Je m'attendris un peu en l'observant.

-Et ne plus voir cette détresse sur son visage ? Il demande moqueur. Ouais, non je vais regarder c'est tout...

Je regarde dans le vide. Le corps de Timothée devient flou dans ce collage hétéroclite.

-Bon... Dis-je finalement sans entrain.

Il me regarde et penche la tête d'incompréhension. J'ouvre ma bouche mais je ne sais pas si ma gorge va cracher un sanglot ou de la colère. Rien de tout cela n'arrive, mes yeux parlent pour moi.

-Ca va ? Demande Daniel, soudain inquiet.

Je passe mon index dans le creux entre mon œil et mon nez.

-Oui! Dis je avec un sourire.

-Tu es certaine ? Tu semble bouleversée ? Il chercher quelque chose dans les lignes de mon visage mais je ferme le livre avant qu'il ne déchiffre quelque chose.

-Oui carrément ! Ça m'apprendra à me coucher tard! Bon... je vais devoir y aller... Je me met en route.

Daniel est méfiant, mais me fait juste un signe.
Moi je reporte mon attention sur Timothée.
Il semble le sentir puisque, quelques secondes plus tard, son regard pénètre le mien. Ses yeux joueurs viennent me défier, mais voyant que je ne suis pas réceptive, ils changent et deviennent doux. Je souris simplement et disparaît à l'abris des regards. A contre cœur.

Mon bagel fait la gueule sur mon bureau. La tomate s'échappe, la salade dégueule.
Au final je n'y ai même pas touché. Je n'ai envie de rien. Mon esprit est à l'autre bout de l'Atlantique. Savoir que mes parents sont plus heureux depuis que ne vivent plus en Amérique me blesse. Leur bonheur ne m'inclut pas. Je suis persuadée qu'ils m'en veulent encore.... après tout. Je sais que mon frère va les voir souvent avec ses fils. Moi je reste à distance des souvenirs corrosifs et acides.