Chapitre 11 - Les Mascules

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— Que s'est-il passé, Mademoiselle ?

Gone est la première à se précipiter vers moi lorsque nous réintégrons le gynécée sous bonne garde. Elle semble partagée entre une curiosité avide et une appréhension sourde : les yeux brillants, elle se mord les lèvres d'impatience en se tordant les mains — pour ne pas me secouer comme un claquier, j'imagine. D'ailleurs, elle a raison : dans mon état de nervosité, je pourrais bien moi aussi comme cet arbre laisser pleuvoir sur elle les fruits explosifs de mon anxiété !

Autour de moi, chaque Appelée se retrouve assaillie par les membres de sa suite, toutes aussi pressées d'apprendre de nous la raison de notre retour si précoce. Et je présume qu'elles seront déçues.

— Je ne sais pas, dis-je d'un ton désolé à la jeune fille, ainsi qu'à Meth et Mamina, qui nous ont rejointes. Un messager est arrivé, il a parlé à l'Empereur à voix basse, et tout le monde est parti. Alors on est rentrées.

Je me dévisse le cou pour tenter d'apercevoir la brune avec qui j'ai rendez-vous tout à l'heure, et je la repère en train de deviser avec sa confidente. Sa servante est penchée à son oreille, et je la vois lui glisser dans la main une petite boule écrue — un parchemin froissé ?

— Vous avez vu l'Empereur ?! s'exclame Gone en s'approchant encore. Comment est-il ?

— Mais laissez-la respirer, voyons ! la réprimande Meth en l'écartant un peu. Excusez-la, Mademoiselle, mais nous étions si soucieuses durant votre absence que nous nous sommes imaginé tout un tas de choses... et il serait plus agréable d'avoir les images de la réalité, si vous vouliez bien nous confier quelques petites choses...

Mamina ne dit rien — par dignité, sans doute —, mais elle est tout autant intéressée que mes deux servantes, et je leur souris avant de leur raconter plus en détail cette étrange cérémonie des Présentations écourtée. Je leur explique la grande salle à colonnes, la foule, le chemin tapissé de rouge au-dessus de l'assistance — j'élude les visages lubriques —, puis l'estrade, le trône et son majestueux et terrifiant occupant. Quand j'en suis à narrer le moment où la noblesse de Fer est venue à notre rencontre, je suis à nouveau frappée par la réaction du vieux baron. Je passe cette partie sous silence, mais je continue d'y réfléchir tandis que mes trois compagnes y vont de leurs commentaires enthousiastes.

Je repense soudain à Circe et Cass, chez nous, à Verval. Elles aussi auraient pépié comme Gone, et je ne peux m'empêcher de sourire avec émotion à la scène que je me figure.

— Vous semblez triste, Olympe, me murmure Mamina, qui s'est rapprochée et dont je sens avec réconfort l'épaule chaude et solide contre la mienne.

Je lui adresse un sourire plus heureux.

— Mes amies me manquent.

Mamina m'entoure de son bras et me serre contre elle sans rien dire.

A nouveau, je remarque la brune qui s'éloigne et regagne l'un des appartements. Avant de refermer la porte derrière elles, elle vient croiser mon regard et hoche la tête.

Bientôt, je la rejoindrai.

— Mesdames, crie soudain Berce. Mesdemoiselles !

Tout le monde se tait soudainement et s'écarte sur son passage pour lui laisser la plus haute marche qui surplombe le Grand Salon.

— Chères Appelées, la cérémonie des Présentations a été interrompue en raison d'un événement sans gravité, mais qui a dû retenir notre Empereur loin des festivités. Nous reprendrons le cours normal de la saison des Appelées dès demain. Allez vite vous coucher : demain est un autre jour, et vous devez être à votre avantage !

La Montagne DécapitéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant