Chapitre 23 - Naître qu'une femme

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Gone est morte, et c'est de ma faute.

On a voulu m'assassiner, et elle a été tuée à ma place.

Pourquoi ?

Quand des Gardes Noirs ont emporté son corps, tout à l'heure, Mamina me serrait dans ses bras pour m'empêcher de m'accrocher au corps sans vie de celle qui m'a tant aimée et que j'ai fait tellement souffrir.

Qui a donné sa vie pour moi.

J'ignore combien de temps j'ai pleuré dans ses bras, ni quand j'ai fini par m'endormir, mais je suis dans mon lit.

Quelque chose m'a réveillée.

Quelqu'un ?

Électrisée par une poussée d'adrénaline, j'ouvre grand les yeux, aux aguets.

Des coups, à nouveau.

Discrets, mais insistants.

Je rejette la couverture, tourne la molette de la lampe à huile pour éclairer davantage la pièce, mais je suis seule.

A nouveau ce grattement persistant.

Cela ne vient pas de la porte.

Je me tourne vers le mur opposé.

Le passage secret.

Sur la pointe des pieds, je m'approche, la main serrée sur le manche de mon poignard. J'ignore si je saurai m'en servir, mais je me défendrai moi aussi, en essayant d'être aussi vaillante que Gone.

Si un autre assassin est venu cette nuit, je vendrai chèrement ma peau.

Mais pourquoi frapperait-il au lieu d'entrer discrètement ?

La transpiration rendant le couteau glissant, j'affermis ma prise et colle ma bouche près de l'ouverture.

— Qui est-ce ?

— Dava Davadson, Maîtresse Goujak.

Le murmure étouffé qui lui parvient la rassure, et elle entrouvre le panneau, mais sans ranger son arme.

Mieux vaut prudence que souffrance.

— Qu'y a-t-il ?

J'ignore si c'est la fatigue ou bien l'irréalité du moment, mais je ne suis même pas étonné de voir le Sans-Tête.

— J'ai appris ce qui est arrivé à votre servante. On parle, dans les couloirs, et les Sans-Tête sont invisibles pour la plupart des gens, alors j'entends.

Je perçois l'amertume dans sa voix, mais je ne dis rien, cherchant à comprendre où il veut en venir.

— Je suis désolé. Je voulais vous dire que je serai vigilant à partir de maintenant, et que je vous préviendrai si j'ai connaissance d'un danger vous menaçant.

Son regard franc monte vers moi, farouche et touchant, et je ne peux m'empêcher de sourire devant cet élan de courage enfantin.

Son visage se renfrogne.

— Les Sans-Têtes sont petits, Maîtresse, mais pas impotents. Je ne suis pas un enfant.

— Pardon, Monsieur Davadson, lui réponds-je, confuse et honteuse de l'avoir obscurément mais spontanément envisagé.

Je me mords la lèvre, cherchant les mots justes pour ne pas le blesser.

— C'est juste que je ne comprends pas pourquoi vous voulez m'aider alors que mon espèce vous asservit, vous et les vôtres.

La Montagne DécapitéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant