— Mamina, où est-ce qu'ils ont emmené oncle Dipe ? Et qu'est-ce qui se passe ?
Je me suis contrôlée aussi longtemps que possible, parce que je sais que ma nourrice déteste les scandales et tient à ce que nous fassions bonne impression, mais maintenant que nous sommes entre nous, il me faut comprendre, et elle seule dispose des réponses. Ma voix décroche un peu vers les aigus, et la panique n'est pas loin, je le sens, mais je dois me contrôler.
C'est à cause de moi que nous avons fait ce voyage. Pour moi.
Même si je n'en voulais pas.
— Ne vous inquiétez pas, Olympe. C'est sans doute ainsi que cela se passe, à Altis. Les hommes ont leurs quartiers séparément des femmes. Pas de quoi s'alarmer. C'est la coutume, ici. Peut-être un problème de place ?
Depuis que la grosse femme mielleuse nous a laissées dans cette suite de quatre appartements luxueux, nous sommes comme sidérées, désœuvrées, posées comme des sacs de grain sur les coussins moelleux des fauteuils du salon. Elle nous a dit de nous rafraîchir, et qu'elle allait revenir pour nous faire découvrir les lieux, mais pas une d'entre nous n'a fait un geste vers la carafe et les verres qui trônent sur la table basse de bois blanc.
Nous le pourrions, nous remonterions avec empressement dans le drak.
Je chevaucherais même volontiers un zarde, s'il pouvait me reconduire chez moi.
— Pourquoi tous ces gardes pour nous accompagner ? lance Meth à Mamina. Nous sommes prisonnières ?
— Et ce type désagréable qui nous a examinées comme si nous étions des lourdins trop maigres à la foire aux bestiaux un jour de vente aux enchères, s'indigne à son tour Gone, c'est un cannibale, ou quoi ?
— Et cette horrible bonne femme nous laissera-t-elle prendre soin de vous ? reprend Meth, soutenue par Gone, qui hoche la tête pour afficher son soutien.
La vieille nourrice se dresse d'un coup, impérieuse, et le silence se fait. Elle plante son regard dans les yeux de chacune d'entre nous avant de répondre :
— Mesdemoiselles, calmez-vous. Nous ne sommes plus chez nous, et les règles ont changé, mais nous pouvons faire face, comme des centaines de générations de femme l'ont fait avant nous. Tout va bien se passer. Nous voici à Altis, à la cour de l'Empereur, où vous avez été Appelée, Olympe, et vous serez prochainement en présence de tout ce que compte le Cercle de Fer en matière de prestige et de pouvoir. Rappelez-vous votre éducation, votre devoir, et tenez votre langue.
Rabrouées comme des limiers indisciplinés, nous baissons la tête, un peu honteuses de nous comporter comme des enfants hystériques.
— Observez, écoutez, et apprenez, reprend-elle après un silence, et je me surprends à hocher la tête.
Elle a raison.
— Gone, Meth, dis-je avec autant d'assurance que possible. Vous voulez bien nous aider à installer nos malles dans nos chambres et à organiser nos affaires ?
La première acquiesce en me souriant courageusement, et Meth se redresse.
— On va se préparer, et on va leur en mettre plein la vue à ces petits snobinards de la capitale ! On va leur montrer que si on vient du Levant, c'est parce que c'est chez nous que se lève le soleil !
Mes deux servantes, comme je le voulais, sont surprises par ma déclaration et pouffent de rire, ce qui détend l'atmosphère.
— Mamina, vous nous aidez à faire de moi une femme du monde ?
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La Montagne Décapitée
FantastikUn honneur pour l'Empire ? Et qui m'a demandé mon avis, à moi ? Est-ce que c'était mon projet, à moi, d'être Appelée ? D'être offerte en cadeau à un grand de l'Empire ? Arrachée à mes amies, à ma maison, à ma famille, à ma précieuse bibliothèque pou...