Bonus - Et si Olympe n'avait pas été Appelée ?

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Et si Olympe n'avait pas été Appelée ?

Et si elle n'avait pu jouer le rôle que ses parents lui ont légué en héritage ? Et si elle n'était pas venue à Altis ?


Je vous propose ici une alternative, un bonus.


Ecrit pour mes élèves afin de fournir un vivier pour le repérage de tous les temps de la conjugaison française, je l'ai également mis en voix, et vous pouvez l'écouter autant que le lire.


Comme cette création pratique a rejoint La Montagne Décapitée, je vous la livre ici, où sa place est toute trouvée !


Vous me direz ce que vous en pensez...


***


La fin de l'obscurantisme


Il faisait presque nuit quand la jeune femme sortit de chez elle. Il avait fait très chaud toute la journée, et, par conséquent, les gens étaient restés enfermés. Se mêler à la foule, être baignée parmi elle dans la fraîcheur du crépuscule, se laissant porter par le flot, étant soulevée de terre par moments : voilà ce qui était permis désormais pour elle sous le manteau de l'obscurité.

Elle avait été tenue prisonnière de son maître tout le jour : dès qu'elle se fut coulée dans les veines de la ville et qu'elle eut été dissimulée par les autres globules nocturnes, dès qu'elle eut respiré l'air du ciel étoilé, elle fut libérée.

Quel sentiment exaltant ! Elle parcourrait la citadelle durant des heures, serait nourrie par les bruits de ses festivités, et, au petit jour, quand les flâneurs auraient regagné leurs domiciles et se seraient couchés, que les ruelles auraient été plongées de nouveau dans l'inertie silencieuse des étés caniculaires, alors il serait temps de rentrer.

Si elle rentrait.

De plus en plus, elle songeait à s'enfuir, à échapper pour de bon à ses corvées, au fouet et aux invectives. De plus en plus, elle rêvait de liberté.

— Mademoiselle !

Une voix la héla quelque part sur sa droite, et elle tourna la tête dans sa direction.

— Mademoiselle !

Un jeune homme élégant lui faisait signe de la main en souriant. Timide, mais soumise, elle s'approcha de lui.

— Permettez-moi de vous dire que vous êtes ravissante, et soyez assurée qu'il n'y a pas autour de vous plus belle figure !

La jeune femme rougit devant sa révérence.

— Que fait donc une si jolie demoiselle à déambuler seule au coucher du soleil ?

— Bonsoir, monsieur, répondit-elle enfin quand il se tut en lui adressant un nouveau sourire tout en dents. J'ai été enfermée toute la journée pour éviter la chaleur, et je suis sortie simplement pour me rafraîchir un peu. Je vous souhaite une belle soirée.

Troublée par les flatteries de l'homme, elle s'apprêtait à replonger dans la foule quand il la retint par le bras. Elle se raidit.

— Vous n'êtes pas si pressée, voyons !

Sa main était ferme sur son poignet, et elle dut lui faire face.

— Vous avez travaillé toute la journée : il est temps de vous amuser, maintenant !

Elle se crispa et ordonna aussi froidement qu'elle le put pour cacher sa peur :

— Je vais compter jusqu'à trois. Ayez lâché mon bras avant trois et soyez reparti, ou je crierai à l'agression et vous serez arrêté. Mon maître ne tolère pas qu'on abîme ses esclaves.

Il la regarda dans les yeux sans cesser de sourire.

— Ayez été séduite comme je le suis par un aussi joli minois que le vôtre, et vous comprendrez comme vos paroles dures me blessent le cœur...

Elle déglutit. Il ne la lâchait pas ni des yeux ni de la main.

— Un...

— Je veux que vous sachiez que mes intentions sont honnêtes...

Il tira doucement sur son bras pour l'entraîner avec lui.

— Je veux que vous soyez convaincue que je ne vous veux aucun mal...

— Deux...

Il regarda autour de lui et tira brutalement la jeune femme pour l'entraîner dans son sillage au travers de ruelles de plus en plus ténébreuses. Elle voulut hurler, mais le souffle lui manqua et elle faillit chuter.

Soudain, il s'arrêta devant une petite porte de bois qui avait l'air d'être vieille de plusieurs siècles. Il frappa trois coups, puis deux, puis à nouveau quatre, et le battant s'ouvrit. Il ne l'avait pas lâchée et la força à entrer.

— J'aurais préféré que vous m'ayez fait confiance et que vous soyez venue de vous-même, que vous ayez été convaincue par ma seule bonne foi, mais vous ne m'avez pas laissé le choix. Ici, nous allons enfin pouvoir parler plus à notre aise, loin des oreilles indiscrètes. Quand vous m'aurez entendu, vous serez rassurée.

Autour d'eux, beaucoup de femmes et quelques hommes installés à des tables ou sur de grands divans sous de chiches chandelles. Tous les regardaient. La regardaient elle. Tous souriaient, et c'était effrayant.

— Vous ne me convaincrez pas de votre bonne foi tant que je n'aurai pas été relâchée !

La voix de la jeune femme était plus haut perchée qu'elle l'aurait souhaité.

— Olympe, dit une femme qui se leva pour avancer vers elle.

La jeune femme lui fit face avec une appréhension croissante. Comment savaient-ils son prénom ? Elle ne reconnaissait aucun d'entre eux.

— Olympe, bientôt, tu seras devenue une des nôtres, et, ensemble, nous allons libérer les femmes. Toutes les femmes !

Toute l'assemblée se leva et scanda d'une seule voix :

— Olympe ! Olympe ! Olympe !

Alors, Olympe s'assit et écouta.


La Montagne DécapitéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant