Chapitre 58 - Bouquet final

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— Dépêchez-vous, Mademoiselle !

Dava m'entraîne par la main dans une folle cavalcade à travers les entrailles labyrinthiques d'Altis, et les boyaux de pierre se suivent et se ressemblent à tel point que j'ai depuis longtemps perdu tout repère.

Je cours.

Je ne sais pas exactement pourquoi, ni vers où, mais je cours, et le Güllvergoth qui me presse semble connaître notre destination, alors je me laisse guider.

Voudrais-je hésiter que je ne le pourrais plus, de toute façon : le petit homme n'a pas seulement gagné en taille, mais il a aussi pris je ne sais où un surcroît de force et de vitalité qui m'impressionne. Et qui ne me laisse pas tellement d'alternative.

Heureusement que je lui fais confiance.

Les choses changent si rapidement — jusqu'à la haute stature de celui qui naguère m'arrivait à la taille et me dépasse désormais — que je ne peux faire autrement que de suivre comme je peux.

Je ne cherche plus à comprendre.

Quand le prakshak est arrivé sur le sommet de la Montagne Décapitée et nous a fait descendre de son dos, il nous a juste dit : « Vite ! Plongez dans l'océan de terre et réveillez le soleil mort avant que la nuit ne tombe irrémédiablement ! ».

Puis il s'est envolé de nouveau, tournoyant en cercles de plus en plus large autour de la forteresse.

Je n'ai pas eu le temps de m'interroger sur le sens de son ordre que Dava m'avait déjà prise par la main, m'obligeant à le suivre tandis que nous nous engouffrions dans le titanesque amas rocheux.

Alors nous plongeons, oui, dans cet océan de terre, profondément, et, si je crois savoir ce qu'est cette nuit menaçante qui tombe, j'ignore ce qu'est ce soleil ni pourquoi nous le découvririons au cœur de la Montagne Décapitée.

Mais je cours.

Enfin, alors que je suis essoufflée et que mes jambes vacillent, nous débouchons dans une grande cavité donnant sur un gouffre central d'où s'échappent un échafaudage, des chants et de la lumière.

La scène est irréelle.

Devant nous, surgissant des ombres de la structure de bois, des silhouettes armées convergent sur nous, mais Dava marque à peine une hésitation. Comme si d'avoir doublé de taille l'avait rendu invincible. A moins que la liberté offerte par la Mère-Impératrice ait suffi à combler son existence.

Mais ce n'est pas mon cas.

Je plante mes talons en terre et parviens à l'arrêter, me portant entre lui et nos assaillants, la dague déjà brandie.

— Au nom de la Mère-Impératrice, dis-je de ma voix la plus assurée, laissez-nous passer ou mourez !

— Olympe ?

Cette voix.

Cette démarche.

Cette ombre qui s'avance en clair-obscur...

— Pissenlit !

L'angoisse qui m'habitait s'envole presque instantanément tandis que je me jette dans les bras du gaïak qui accourt. Sans plus prêter aucune attention aux soldates que je reconnais désormais comme des Mascules.

Passé l'élan de joie et de soulagement des retrouvailles, nous nous sentons soudain gauches dans les bras l'un de l'autre, et nous nous écartons un peu sans cesser de nous regarder dans les yeux.

— Je suis désolée.

Tremblante, ma voix murmure cette excuse nécessaire. Pourtant, je ne saurais dire pourquoi je m'excuse. Il y a tant de choses pour lesquelles je me sens coupable...

La Montagne DécapitéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant