— Réveillez-vous, Mademoiselle.
La voix douce de Gone cherche à me tirer de mon sommeil, mais mes paupières sont de toute évidence définitivement scellées, et mon corps, de toute façon, est désormais fait de plomb. Il paraît donc à présent inéluctable que je ne quitterai pas ce lit.
Plus jamais.
— Mademoiselle ! se fait-elle plus insistante en allumant les torches de la chambre une à une, répandant une lumière de plus en plus invasive. La Maîtresse des Bourgeons a demandé que toutes les Appelées soient prêtes pour le petit déjeuner dans une demi-heure !
La mention de l'ogresse libère en moi un flot d'adrénaline qui me réveille sur-le-champ, et je me redresse, encore confuse, mais déjà terrifiée.
Les souvenirs de tout ce qui s'est passé depuis mon arrivée hier soir à Altis s'entrechoquent dans ma tête comme si un troupeau entier de lourdins transhumait à toute allure dans une gorge profonde, la clochette hystérique dans le vacarme des échos.
Une nuit, surtout, qui me laisse encore choquée. Trop de révélations, trop de nouveautés.
Trop de dangers.
Et cette obligation de silence. Cette impérieuse nécessité de discrétion. Ma promesse de me taire, de ne rien révéler de tout ça. Même à Mamina ou nos servantes.
Je regarde Gone s'activer sans rien dire. Je la vois remplir l'aiguière d'une eau fraîche qu'elle agrémente d'extrait de lys, mon parfum préféré. Puis, elle sort d'une de mes malles une de mes robes familières, simple, une de celles que je ne déteste pas porter lorsque je suis forcée d'abandonner mes pantalons.
— Allons, Mademoiselle ! me presse-t-elle à nouveau. Levez-vous ! Vous allez vous mettre en retard !
— Gone, lui dis-je en réponse, la voix fêlée par la fatigue et les cris que j'ai poussés cette nuit. Viens t'asseoir près de moi, s'il te plaît. Nous devons parler de quelque chose de très important.
La jeune fille se fige soudain, le sourire crispé, mais elle s'exécute, visiblement intimidée.
Comment lui dire ?
— Gone, me reprends-je après un silence embarrassé, je te connais depuis assez longtemps pour savoir que je peux te faire confiance. Tu es quelqu'un de bien, d'honnête, de loyal.
Je dois détourner soudain les yeux devant l'adoration que je lis dans les siens, qui brillent d'une émotion croissante au fur et à mesure que je lui parle. La pauvre fille ! Je crois qu'elle va se mettre à pleurer !
Je pose ma main sur la sienne pour la rassurer, et je poursuis :
— Je ne saurais pas comment faire, comment m'en sortir, si tu n'étais pas là, avec Meth et Mamina.
Elle s'accroche à ma main, ses prunelles rivées aux miennes, un sourire éclatant au visage. C'est bon de se sentir entourée de ces présences amicales !
— J'ai besoin que tu viennes dans mon lit, ce soir, dès que tout le monde sera couché, mais il faudra être très discrète, que personne ne s'en rende compte. Nul ne doit rien savoir de tout ça, tu comprends ?
Elle paraît surprise de ma demande, mais elle ne dit mot, acquiesçant énergiquement de la tête. Vraiment, sa volonté de me soutenir, sans faille et si enthousiaste, est un réel plaisir, un rayon de soleil dans cette caverne sordide où nous sommes tous prisonniers à cause de moi. Enfin, à cause de l'Empereur, si j'en crois les informations fournies par oncle Dipe et la Reine-Mère. Mais, quoi qu'ils en disent, nous ne serions pas enfermés sous cette montagne si je n'avais pas été Appelée.
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La Montagne Décapitée
Viễn tưởngUn honneur pour l'Empire ? Et qui m'a demandé mon avis, à moi ? Est-ce que c'était mon projet, à moi, d'être Appelée ? D'être offerte en cadeau à un grand de l'Empire ? Arrachée à mes amies, à ma maison, à ma famille, à ma précieuse bibliothèque pou...