Chapitre 49 - Épicentre

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— Vous pensez qu'on est encore loin, Mademoiselle Olympe ?

La voix tendue de Dava me tire de ma contemplation. Depuis que nous avons quitté Altis, je n'ai pu m'empêcher d'admirer le paysage. Les Crocs de Fer s'approchent peu à peu, au Nord-Ouest. Lorsque j'étais mêlée au célestiaque des profonds, je n'étais plus tout à fait moi-même, et je profite enfin pleinement des sensations de mon corps, ainsi suspendue aux nuages, l'air glacé fouettant mes joues, agitant mes cheveux comme la tempête agite les branches des arbres par grand vent. Une pensée douloureuse me traverse au souvenir de mon bel oiseau. Une pensée douloureuse qui vient à nouveau nourrir ma rage contre ces hommes qui aiment la mort.

— Je ne sais pas, Dava. Quelque chose ne va pas ?

Au moment où je pose ma question, je sais déjà qu'elle est stupide, mais c'est trop tard. Bien sûr que quelque chose ne va pas ! Qu'est-ce qui peut bien aller un tant soit peu ?

— Je crains de ne plus pouvoir longtemps contenir ma nausée...

Pauvre Dava... Dire que je l'ai emmené sans même lui demander vraiment son avis...

Monsieur le prakshak ? Vous m'entendez ?

J'essaie de faire comme avec Pissenlit, mais je me sens d'autant plus ridicule que j'ignore comme m'adresser à une telle créature.

Astre fulgurant ou Roi des Cieux m'iront très bien. Puissant Soleil, aussi. Pourquoi pas ?

La réponse de la bête souffle à nouveau mes pensées comme une nuée d'akènes, et je reste quelques instants dans l'incapacité de simplement me retrouver. Je réassure ma prise sur les écailles avant de tenter à nouveau de communiquer avec le prakshak.

Roi des Cieux, où allons-nous ? Mon compagnon ne se sent pas très bien, si loin du sol...

A nouveau, je perçois une impression diffuse qui me laisse perplexe — la sensation d'une ironie qui m'enveloppe ?

Toujours impatiente, la petite chenille. Si pressée, toujours, de prendre son envol. Envol éphémère, si vite passé.

Cette fois-ci, l'assaut est moins violent, et mon identité tient bon.

J'imagine que nous ne mesurons pas le temps de la même façon, Roi des Cieux, mais mon compagnon ne va pas bien et a besoin de savoir quand il pourra regagner la terre ferme. Et moi aussi, j'aimerais savoir où nous allons. Et pourquoi.

Le prakshak ne répond pas, alors je tente ma chance avec celui qui nous a entraînés dans cette situation.

Syldise ? Vous m'entendez ? Vous êtes là ? Vous savez où nous allons ?

Nos Vénérables saignent.

L'esprit du Sylfaën traverse le mien comme un éclair de douleur, lourd de chagrin et de colère. Des images s'y mêlent, difficiles à comprendre, superposition de végétaux, de filets de lumière dorée et de bras en armure. Et les coups de hache qui cognent, qui cognent comme des coups de boutoir que je reçois en pleine poitrine. Qui cognent avec des rugissements féroces. Qui cognent encore et encore, secouant le monde jusqu'au bout de ses racines. J'en ressens l'écho dans la moindre de mes fibres.

Syldise ?

Laisse-le, petite chenille. Il est avec nous et là où il doit être. Il souffre ce qui doit être souffert. Il sera là où il devra être.

Je décide de retenter ma chance avec notre monture aux réponses énigmatiques.

Mais où allons-nous ?

La Montagne DécapitéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant