Chapitre 38 - L'Appel du sang

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— Olympe ? Tout va bien ?

En chemise de nuit, Mamina s'est figée au milieu du salon de notre petite suite, une chandelle dans une main, et de l'autre son pot de chambre. Sur sa couchette, Meth se redresse pour me regarder d'un air inquiet.

— Tu es partie si vite, tout à l'heure, que j'ai craint que tu te sentes mal, mais je n'ai pas voulu te réveiller quand nous sommes rentrées...

Affreusement, gênée, je me sens devenir cramoisie, et je jette un regard en arrière vers ma chambre.

— Je...

Ma vieille nourrice pose ce qui l'encombre et s'approche de moi, me saisissant aux épaules.

— Qu'y a-t-il, Olympe ?

La voix grave et l'œil intense, son imagination est à pied d'œuvre pour deviner ce qui me préoccupe. Et je suis pour l'instant impuissante à trouver les mots. Au bout de secondes interminables, pourtant, je me décide : à quoi bon tourner autour du pot face aux évidences les plus criantes ? Le gaïak est dans ma chambre, et, ma foi, il ne peut retraverser tout l'appartement sans être vu, alors autant affronter la réalité.

Nous n'avons plus le temps pour de stupides pudeurs ou de vaines apparences.

— Mamina... Il faut que... que je t'explique... quelque chose...

Elle me sourit pour m'encourager, frottant doucement mes épaules, et je peine à soutenir son regard.

— Pissenlit... le gaïak...

Elle acquiesce pour que je poursuive, alors je me lance.

Je vais utiliser le passage secret afin de ne pas vous embarrasser, Olympe. Rejoignons-nous là-bas.

Pour une fois, je suis heureuse de l'entendre dans ma tête, et je ne peux contenir un sourire spontané.

— Oui, je vois, rétorque Mamina, amusée. Un jeune mage fringant et fort plaisant à l'œil, je dois bien le reconnaître. Tu as ma bénédiction, Olympe, et je ne doute pas que ton oncle sera lui aussi ravi, si tel est le choix auquel ton cœur te porte.

Je marque un long moment d'hébétude, perplexe, puis le sens de ses paroles se fait jour dans mon esprit, et j'écarquille les yeux en reculant.

— Non ! Je... Non ! Enfin...

Manifestement, mes milliers d'heures de lectures passées sont vaines, puisque tous les mots que je croyais miens se dérobent sous ma langue. Je m'enfonce lamentablement dans des balbutiements pathétiques qui font pétiller les prunelles de ma nourrice. Éperdue, je tourne la tête vers Meth à la recherche d'une diversion salutaire, mais celle-ci me regarde avec attendrissement.

— Vous faites un très joli couple, Mademoiselle.

Dans ma tête, je sens l'expression ironique de Pissenlit, et c'est la goutte de trop.

— Je dois vous laisser.

J'ai craché ça sans timbre, prenant mes jambes à mon cou vers la Grande Salle.

— Olympe ?

La voix impérieuse de Mamina m'arrête la main sur la poignée.

Je me tourne vers elle, au comble du désespoir et de la gêne.

— Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas, Olympe, et tes parents auraient été ravis de savoir que le tien bat ainsi malgré les drames que tu as traversés. N'en rougis pas.

J'acquiesce, incapable de parler, mais rougissant davantage encore sous ce quiproquo dans lequel je me débats. J'esquisse un geste vers la porte, mais ma nourrice me rappelle.

La Montagne DécapitéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant