Il ne peut s'empêcher d'afficher un sourire crispé.
Par l'une des meurtrières hautes du hall d'entrée d'Altis, le Général Marsius contemple les environs de la Montagne Décapitée : partout dans la plaine, un peuple de femmes et de paysans qui croit assiéger la capitale et ses huit mille Gardes Noirs.
Il en rirait presque.
Presque.
Un brasier de fureur le retient cependant et irradie depuis son ventre une chaleur qui balaie tout sur son passage, aussi bien la raison que la joie, la sérénité que la concentration. Un feu dont les flammes sont nourries par la plus mauvaises des conseillères, celle dont il croyait s'être affranchi depuis bien longtemps et qui est revenue murmurer au creux de son oreille : la peur.
Et sentir cette angoisse en lui, cette faiblesse immonde et révoltante, ça le met dans une rage terrible.
Un bruissement dans son dos le fait se retourner brusquement, et il empoigne l'homme qui a surgi derrière lui par la gorge, le précipitant par l'ouverture, tête en bas, ne le retenant qu'in extremis.
L'homme n'a pu émettre qu'un gargouillis étouffé, et, les yeux exorbités et ses mains agrippées à celles du Général, il semble hésiter entre s'accrocher pour ne pas tomber et se libérer pour pouvoir respirer.
Du moins essayer de se libérer.
Reconnaissant l'une de ses estafettes, Marsius éprouve un trouble fugace. Il perd contenance. Et ses guerriers ne doivent absolument pas s'en rendre compte.
Il ramène son subordonné à la verticale, desserre son étreinte et lui assène une petite tape paternaliste sur la joue en souriant.
— Gare à tes réflexes, garçon ! Nous sommes en guerre ! Je t'ai entendu arriver de loin !
Puis, se tournant vers les sentinelles les plus proches qui les observent dans un silence immobile, il ajoute :
— Que ça vous serve de leçon ! Vous devez rester sur le qui-vive, tous ! Même quand le danger semble loin de vous, il est partout !
Puis il relâche son estafette, qui tousse, se redresse et tente de recouvrer un peu de dignité en se positionnant au garde-à-vous.
— Eh bien ? aboie sèchement Marsius. Que voulais-tu me dire qui t'a fait oublier toute prudence ?
— Général, explique l'homme d'une voix blanche après avoir avalé sa salive, nous avons trouvé où se cachent les rebelles.
Marsius ne peut cette fois contenir un sourire triomphant : envolée, la peur, et apaisée, la rage ! Place désormais à l'appel du sang !
— Préparez-vous à les encercler et à donner l'assaut ! ordonne-t-il vivement, plus impatient que jamais de laver son honneur dans les chairs de ses ennemis à grands coups d'épée.
— C'est fait ! se rengorge le messager. Nous n'attendons plus que votre commandement pour en finir avec cette rébellion ridicule.
— Qu'attendons-nous, alors ? Je te suis !
***
Qu'est-ce qu'ils font ?
L'interrogation de Darn vient peser contre la conscience de Pissenlit, qui rechigne à relâcher son attention pour répondre à son jeune confrère. D'autant qu'il n'en sait pas plus que lui. Alors il le laisse trouver des éléments d'explication comme lui est en train de le faire : en observant.
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La Montagne Décapitée
FantasyUn honneur pour l'Empire ? Et qui m'a demandé mon avis, à moi ? Est-ce que c'était mon projet, à moi, d'être Appelée ? D'être offerte en cadeau à un grand de l'Empire ? Arrachée à mes amies, à ma maison, à ma famille, à ma précieuse bibliothèque pou...