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Alex

Mais qu'est-ce que je fous, bordel ?

Aliona est perdue dans ses pensées, elle ne me remarque pas lorsque je passe près d'elle. Pourquoi je n'ai pas continué ma route en l'ignorant ? Non, je n'ai pas pu empêcher ma bouche de prononcer son prénom. Sa mine si triste et les traces de maquillage sur ses joues ne m'ont pas plus, je déteste voir une femme pleurer, elle encore plus. Alors instinctivement et avec une certaine hésitation, je l'ai prise dans mes bras. Ses épaules tressautent tandis qu'elle tente de se ressaisir lorsqu'elle s'écarte de moi. Je ne la retiens pas, je n'en ai pas le droit. Elle lève son visage ravagé par le chagrin et plonge ses yeux rougis dans les miens.

Elle semble perdue et désemparée.

— Je...

Elle n'arrive pas à prononcer le moindre mot et ça me désole de la voir ainsi. Elle si souriante et rayonnante d'habitude, n'est que fragilité et désorientation à cet instant. Comment réagir face à sa détresse ? Je me sens impuissant et démuni.

— Viens avec moi, dis-je en lui saisissant la main.

Sa peau froide contraste avec la mienne qui brûle, elle ne proteste pas, alors que j'aurai préféré qu'elle le fasse. Elle me suit sans poser de question, nous passons devant le café puis nous bifurquons dans la ruelle où se trouve l'immeuble dans lequel je vis. Je sais que c'est une très mauvaise idée de l'emmener chez moi. Mais je refuse d'écouter ma conscience qui me dit de la laisser tranquille, que je ne suis pas bon pour elle et qu'elle ne mérite pas de faire ma connaissance.

Nous grimpons les marches, ses doigts se resserrent autour des miens. Elle tire sur mon bras ce qui m'oblige à m'arrêter au milieu des escaliers. Son regard est rempli d'interrogation, je lui souris pour la rassurer, mais ça ne suffit pas.

— Où va-t-on ?

— Chez moi.

Elle rompt le contact de nos peaux et descend d'une marche.

— Je ne peux pas. On ne se connaît pas et...

—Je veux juste t'aider à oublier ce qui t'a mise dans cet état.

— Et comment comptes-tu t'y prendre ? demande-t-elle inquiète.

— En discutant à l'abri des regards inquisiteurs.

— Tu es psychologue en plus d'être mécanicien ?

— Pas vraiment, non. Je serais même très mauvais dans ce rôle, dis-je en grimaçant.

Cela a le don de la faire sourire. Elle fixe ses bottes et joue avec la manche de son manteau où des traces noires recouvrent le tissu qu'elle tente d'enlever du bout des doigts sur lequel elle a dû essuyer ses larmes.

— Tu as un truc fort à boire ?

Sa question me surprend, je ne m'attendais pas à ce qu'elle me demande une telle chose. Je ne l'imagine pas se souler à en perdre la raison, mais pour ce qui est de picoler, ouais, j'ai ce qu'il faut.

— Oui, j'ai ça.

— Un verre et je repars.

J'acquiesce et nous gagnons mon étage. Lorsque je pousse la porte de mon appartement, une odeur âcre agresse aussitôt mes narines, et je prends conscience de l'état déplorable de mon lieu de vie. Je n'ai pas pensé à ce détail, bien trop focalisé à attirer Aliona dans mon antre pour quelques minutes. Je pivote vers elle, l'air gêné. Ma main s'accroche dans ma tignasse tandis qu'elle me contourne pour examiner les dégâts. J'ai honte tout à coup, jamais je ne m'étais imaginé qu'un jour elle franchirait le seuil de chez moi. Ce sentiment d'embarras me ronge en peu de temps, je m'apprête à ouvrir la bouche pour lui dire que finalement ce n'est pas une bonne idée qu'elle soit ici.

Sombre DériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant