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Aliona

La porte se referme et je me retrouve seule dans la chambre d'Alex. Je suis perdue, mes sentiments se mélangent, je ne sais plus où j'en suis, et ma venue ici me paraît soudain idiote. Ma poitrine me fait mal, la douleur est si intense que j'ai l'impression que mon cœur lâche. Une pluie de questions envahit mon esprit et le cocon dans lequel j'étais il y a encore quelques minutes s'est évaporé et la réalité me frappe de plein fouet. J'ai conscience que nous sommes complètement différents, mais il m'attire. Être près de lui est comme une bouffée d'oxygène, une renaissance, pourtant nous n'avons rien partagé hormis ces deux baisers. Malheureusement et malgré ses dires, Alex ne semble pas vouloir de moi, je n'ai rien à faire chez lui.

S'il essaie de ne rien laisser paraître, je vois dans son regard vide que quelque chose le tourmente et c'est sans doute pour cette raison que je m'accroche à lui. Pour découvrir ce qu'il cache et qui, il est vraiment derrière cette façade qu'il tente d'enfouir en ce droguant. J'inspire profondément, et pose ma main sur la poignée de la porte, quitter les lieux est ce qu'il y a de mieux à faire. M'imposer à lui ne sert à rien et m'attacher encore moins, il n'est qu'illusion. J'ouvre le battant, seul l'écran de la télévision éclaire la pièce, j'aperçois les pieds d'Alex qui dépassent du canapé. J'avance à pas feutré tentant de faire le moins de bruit possible et croise les doigts en espérant qu'il se soit endormi.

Arrivée à sa hauteur, je tourne la tête vers lui, ses paupières sont closes et il apparaît serein et apaisé. Son visage est détendu et je me surprends à le scruter de la sorte comme la première fois que nos regards se sont croisés. Il est beau, c'est un fait, mais il n'y a pas que ça, non il dégage quelque chose de bien plus attirant encore, mais je n'arrive pas définir ce que c'est.

J'attrape mon manteau et l'enfile en me dirigeant vers l'entrée. Lorsque sa voix résonne derrière mon dos, je sursaute et me mords la lèvre comme une enfant prise en faute.

— Où vas-tu ?

Je reste statique refusant de me retourner, car je sais pertinemment que ses yeux noisette auraient raison de moi. Cependant, je ne peux me résoudre à ouvrir cette maudite porte qui me séparerait de lui, pour la simple et bonne raison que mon cœur ne le veut pas.

— Je rentre chez moi, réponds-je.

Un bruit se fait entendre derrière mon dos et lorsque son souffle s'abat sur mes cheveux, je comprends qu'il m'a rejoint. Il ne me touche pas et pourtant tout mon corps vibre de le savoir si proche, cette sensation ne me quitte plus depuis ce jour dans la rue où il m'a empêché de tomber.

— Pourquoi ? murmure-t-il.

Je sais que sa question n'est pas due au fait que je souhaite partir, non c'est tout autre chose qu'il me demande, mais j'esquive et joue les idiotes.

— Parce que je dors mieux dans mon lit.

— Non Aliona, ce n'est pas ce que je te demande.

Je sais, mais je continue de faire la sourde oreille.

— Pourquoi tu pars et reviens dans ma vie après une semaine de silence ? Pourquoi tu es venue chez moi ? Je veux dire, la vraie raison de ta visite.

Mes épaules se crispent, mon sang circule à la vitesse de la lumière dans mes veines, car je ne suis pas certaine que si je lui expose le fond de ma pensée, il l'accepte. Habituellement, je dis les choses, mais là les mots restent coincés dans ma gorge.

— Je n'en ai aucune idée, dis-je en haussant les épaules.

— Vraiment ? Qu'est-ce que tu attends de moi ? Que je te fasse oublier ton ex ? Que je panse tes blessures ?

Il contrôle le ton de sa voix en essayant de ne pas être brusque, mais l'amertume de ses mots le trahit et je m'en veux, car il a vu juste. Je suis venue chercher du réconfort et voir jusqu'où je pouvais aller avec lui. Mon cœur en miette me fait faire n'importe quoi, mon cerveau ne réfléchit plus correctement depuis sept jours et ma conscience s'est faite la malle.

— Je ne suis pas ce genre de mec qui profite des femmes.

— Pourtant avec cette Clémentine...

Je ne termine pas ma phrase consciente que je vais trop loin, qu'il n'a aucun compte à me rendre. Cependant, quand je l'ai vu embrasser cette fille, une douleur m'a transpercée, bien plus violente que lorsque j'ai su que Lenny me trompait.

— Comme je te l'ai dit, elle et moi c'est comme ça. Nous sommes d'accord tous les deux sur ce sujet, rien de sérieux, juste du bon temps. Elle ne représente rien pour moi, alors que toi... c'est différent.

Un frisson parcourt mon corps à cette révélation. Je finis par me tourner vers lui et ce que je vois dans son regard me brise. Il détourne aussitôt les yeux, il fuit tout simplement. Mais, j'ai vu cette douleur traverser ces pupilles.

— Que caches-tu ? demandé-je.

Je n'attends pas de réponse de sa part, cette question je me la pose à moi-même. Il passe une main nerveuse dans ses cheveux avant de me fixer à nouveau.

— Je ne suis pas quelqu'un de fréquentable, Aliona. Le mieux est que tu sortes de ma vie... pour ton bien.

— Et si je refuse ? Si j'ai envie de savoir ce que tu caches et tenter de t'aider ?

— Personne ne peut m'aider. Le passé ne se répare pas, non au contraire, il te détruit encore un peu plus chaque putain de jour qui passe, crache-t-il.

Je ne me démonte pas devant sa colère, parce que si j'étais décidée à partir un peu plus tôt, là je n'ai plus envie de le laisser seul. L'aider à combattre ses démons m'obsède.

— Laisse-moi essayer ?

Un rire sans joie sort de sa gorge, puis il recule de quelques pas et pose un regard sombre sur moi.

— C'est peine perdue. Ça m'allait très bien de te regarder boire ton chocolat le matin, je n'ai jamais demandé à ce qu'on se croise, ni à ce qu'on se parle.

— Que veux-tu dire ?

— Peut-être que si je te révèle que je t'observais le matin avec ton petit ami, que je sais où se trouve ta fac et que je connaissais les études que tu faisais avant même que tu m'en parles, tu me laisseras tranquille ?

— Tu m'épiais ? m'étonné-je.

Une personne normalement constituée aurait pris ses jambes à son cou, mais il faut croire que je ne le suis pas. La révélation d'Alex ne m'effraye pas et je reste devant lui sans aucune crainte.

— C'est flippant, hein ? Mais je ne pouvais pas m'en empêcher.

— Pourquoi n'es-tu jamais venu me voir ?

— Ton mec était un frein.

— Et maintenant qu'il n'est plus là, pourquoi tu me repousses sans cesse ?

Il me sonde et je peux voir les rouages de son cerveau fonctionner à toute allure.

— J'ai... Laisse tomber, OK.

Pour ce soir s'il veut, mais je n'abandonnerai pas. Il n'y a aucune once de mauvais chez lui, je le sens. Je m'approche d'un pas, il me laisse faire sans pour autant me regarder. Non, il fixe le sol avec attention. Je saisis sa main et le contact de nos peaux m'électrise comme toujours, ses doigts se resserrent autour des miens.

— Laisse-moi t'approcher.

— Je vais te faire du mal.

— Je suis certaine que non, affirmé-je doucement.

— Alors, promets-moi une chose, Aliona ?

— Laquelle ?

— Ne sombre pas.

Il relève la tête et plonge son regard dans le mien, la profondeur de ses mots me percute sans que j'en comprenne vraiment la raison. Alors, j'acquiesce et lui murmure un « je te le promets ».

Sombre DériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant