27

2.7K 259 105
                                    

Alex

Le bar se vide, voilà des heures que je suis là, assis à cette table, une bière entre les mains. Je réfléchis à tout et à rien, je viens de mettre fin à notre arrangement avec Clémentine qui l'a plutôt bien pris. Pas de crise de larme ou d'hystérie, au moins une bonne chose dans ma vie misérable. Elle a compris sans poser de question, de toute façon, je ne lui aurais pas donné le motif de ma décision.

Je jette un coup œil par la fenêtre, la nuit est tombée et le patron du bar va bientôt fermer. Je n'ai pas envie de rentrer, je veux la voir, j'ai besoin de la voir. Je suis accro à cette fille qui ne veut que de moi à mi-temps. C'est tellement pathétique et grotesque cette situation. Je repousse mon verre à moitié vide au milieu de la table, balance un billet et sors de l'établissement avant qu'on me foute dehors.

J'ai hâte que l'hiver se barre, le froid, j'en ai ras le bol, le chauffage chez moi à encore rendu l'âme et l'eau chaude l'est à peine. Je n'en peux plus, et pour couronner le tout mon patron me pousse au cul pour que je cherche un autre job, il ne peut plus suivre et il m'a bien fait comprendre que c'était urgent. Je soupire, puis sors une clope que j'allume tout en continuant mon chemin.

Je marche sans but précis dans les rues, puis j'arrive devant l'immeuble d'Aliona. Tout est éteint, pourtant, je pénètre dans le hall et monte jusqu'à son étage. Je frappe quand même à la porte, mais elle n'est définitivement pas là. Je n'ai pas le courage de retourner chez moi et mon téléphone n'a plus de batterie donc impossible de la joindre. Je colle mon dos au mur et me laisse glisser contre celui-ci, avec un peu de chance, elle ne va pas tarder à rentrer.

Je n'ai aucune idée du temps qui passe, mais je me sens mal. Mes doigts se crispent dans ma chevelure. Le manque arrive, je n'ai rien pris depuis midi et je vais avoir dû mal à tenir. Je ferme les yeux et pense à autre chose qu'à mes bras qui me démangent, qu'à ma tête qui bourdonne et la bille qui remonte le long de ma gorge.

Je peux y arriver.

Des bruits de pas résonnent dans l'escalier, je ne sais pas si c'est réel ou mon imagination tant je suis au plus mal. Des gouttes de sueur glissent le long de mon cou, c'est désagréable, mais je ne cèderais pas face à cette crise. Lorsque le silence revient, je tourne la tête et je la vois, debout non loin de moi. Je me relève avec difficulté, et l'idée qu'elle pense que je suis bourré me déplaît, alors je me justifie.

— J'ai pas bu.

Elle avance doucement vers moi.

— Tu es ici depuis longtemps ?

— Non, enfin, j'en sais rien.

Dans cet état, je n'ai pas la notion du temps. Aliona se positionne devant moi, sa main se pose sur mon bras et ce simple geste me rassure. Elle ouvre ensuite la porte, puis nous pénétrons dans son appartement. J'ai beaucoup de mal à rester debout, tout tourne autour de moi. Elle retire mon blouson et je crois qu'elle fait de même avec le sien. Elle m'enlace pour me conduire jusqu'au canapé sur lequel je m'écroule en l'entraînant avec moi dans ma chute. Elle tente de se relever, mais je l'en empêche. Je veux qu'elle reste avec moi, sentir son corps contre le mien m'apaise. Elle bouge légèrement, sans doute pour prendre une position plus confortable, je ferme les yeux et respire son parfum fruité.

— Je ne te veux pas qu'à moitié, Ali... chuchoté-je.

Je colle mon visage au sien et je murmure des mots pour la rassurer sur mes intentions, ou peut-être que c'est moi que je veux rassurer.

— Je tiens à toi, susurré-je.

Son petit corps frêle tressaute, elle pleure et je ne sais pas pourquoi, mais je refuse qu'elle soit malheureuse à cause de moi.

Sombre DériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant