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Alex

Un bruit de vaisselle qui se brise me vrille le crâne. J'ai l'impression de peser une tonne, je suis incapable de bouger le moindre de mes membres, comme si on m'avait cloué au sol. Mon estomac me brûle et l'acide qu'il contient ne cesse de remonter le long de mon œsophage, prêt à jaillir. Je voudrais déglutir pour l'empêcher de continuer son ascension, mais je n'y arrive pas non plus. J'entends vaguement quelqu'un parler, la voix est lointaine et je ne distingue pas ce qu'il se dit.

Mon but étant d'ouvrir les yeux, je me concentre sur ce simple mouvement. Après plusieurs tentatives, j'y parviens enfin, mais aussitôt je les referme. La lumière vive du jour m'éblouit beaucoup trop, comme si elle me brûlait les rétines. C'est désagréable. Je fouille dans ma mémoire, afin de me remémorer ce qu'il s'est passé, mais c'est un échec, rien ne me revient. Je réitère mon ouverture de paupières, et cette fois-ci, j'arrive à les maintenir ouvertes.

Je reconnais le plafond crasseux et jauni par la nicotine de ma chambre. Une tête blonde apparaît tout à coup au-dessus de moi, c'est Cole, son téléphone collé à l'oreille il fronce les sourcils tout en me regardant. Il n'a pas l'air très content.

Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

— Je vous envoie l'adresse par SMS. Au revoir, monsieur.

Toujours avec son visage de mec pas aimable, mon ami pose une main sur mon front. Puis, sans aucune délicatesse, il tire la couette qui me couvrait. Un frisson s'empare de moi, et mon corps se met à trembler sans que je ne puisse le contrôler. Je voudrais l'engueuler, ouvrir la bouche, mais là encore mes lèvres restent sceller et ça commence sérieusement à m'agacer.

— Tu vas te reprendre en main. Tu m'as fait flipper, putain ! râle-t-il.

Voyant que je reste passif, Cole soupire d'exaspération.

— D'après Liam, tu en as encore pour un moment à végéter comme un légume dans ton pieu. Tu sais que même si tu n'es pas gros, t'es lourd quand tu es un poids mort. Heureusement que j'ai de l'entraînement et que je pratique toujours le sport. Toi d'ailleurs, ça te ferait pas de mal, tu as tout perdu depuis que je te connais.

L'envoyer chier, voilà ce que je veux. Mais ma putain de langue refuse de faire son job et s'activer.

— La merde que tu as prise hier, ça ne se consomme pas en une grosse dose. Tu sais que tu aurais pu y rester ?

Et alors, qu'est-ce que ça peut te foutre ?

Puis tout me revient en tête, le bar, Ali et son rejet envers moi. Je me suis défoncé et j'ai sombré.

Mes paupières se ferment. J'ai perdu la seule personne qui comptait à mes yeux, Aliona ne me reviendra pas, jamais. C'est définitivement terminé, alors à quoi bon continuer de vivre. J'ai déjà tué Erika et mon propre enfant, au moins je les rejoindrai et je pourrai me faire pardonner du mal que je leur ai fait. Sauf si, je rejoins l'enfer directement, ce qui est fort probable. On ne pardonne pas de tels actes.

— Ouvre les yeux ! m'ordonne Cole.

Il commence sérieusement à m'emmerder et je crois qu'il n'a pas fini de le faire. Pourquoi il reste là ? Pourquoi il ne me laisse pas en paix avec ma vie de merde ? Il a déjà la sienne à gérer, même si je ne connais presque rien de lui, je sais qu'il est passé par des choses pas très catholiques. Une fois, un peu défoncé, il m'a raconté une anecdote à vous glacer le sang et il m'a précisé que ce n'était qu'un échantillon de son existence. À côté de lui, ce que je traverse c'est de la rigolade, un grain de sable parmi les autres, celui qu'on ne voit pas. Lui il représente un rocher, voir même une montagne, j'en suis persuadé.

Sombre DériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant