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Aliona

Le cours sur l'histoire de l'art ne m'a jamais semblé aussi ennuyant. Je suis présente physiquement, mais pas mentalement, je n'écoute rien de ce que débite l'enseignant et je ne prends aucune note non plus. Tout ça parce que je suis ailleurs et aussi parce qu'après cette soirée étrange chez l'ami d'Alex, celui-ci a de nouveau remis ma voiture en marche et a disparu de la circulation me laissant rentrer seule chez moi. Je n'ai eu aucune nouvelle de sa part et nous nous sommes quittés plutôt froidement suite à ma demande qui ne me ressemble pas. Je suis dans une phase où j'en ai marre de me focaliser uniquement sur mes études, je n'ai jamais vraiment profité de la vie. Alors certes le milieu d'Alex n'est pas des plus fréquentables, mais au moins lorsque je suis avec lui, je me sens vivante. Ce n'est pas seulement dû à la façon qu'il a de me regarder, non, c'est tout autre chose que je n'arrive pas encore à bien assimiler.

Le silence d'Alex n'est pas ma seule source de tourmente, en effet, ce matin, Lenny m'a envoyé un sms me demandant si l'on pouvait se voir. Je ne lui ai toujours pas répondu, car je ne suis pas certaine de pouvoir l'affronter. Je soupire, las du tournant qu'est en train de prendre ma vie. Sans oublier que je dois me mettre au travail avec trois nouvelles toiles pour l'expo dans la galerie d'art qui m'a recrutée.

Le bruit des autres étudiants m'indique que le cours est terminé et je n'ai jamais été aussi ravie que de quitter l'amphi. D'un pas rapide, je me dirige vers la salle de Monsieur Stene, je frappe à sa porte et sa voix grave m'autorise à entrer.

— Bonjour, Monsieur.

— Bonjour, Aliona. Alors, as-tu trouvé des idées pour tes prochaines toiles ?

— Oui, j'en ai une en tête.

— Bien. Je te laisse la pièce derrière, j'ai encore quelques trucs à régler ici et je viens te voir après.

Cet homme d'une cinquantaine d'années m'est d'un grand soutien dans ce lieu, il n'hésite pas à me donner son avis. Et ce que j'aime chez lui en plus de sa gentillesse, c'est son honnêteté, car quand quelque chose cloche dans l'une de mes peintures, il n'hésite pas à me le signaler et toujours avec une explication bien détaillée.

J'installe tout mon matériel et sans attendre, je mélange mes couleurs sur la palette. Ce que je m'apprête à peindre n'a rien à voir avec ce que j'ai l'habitude de faire et j'espère ne pas me planter. L'homme de la galerie m'a mise au défi de tenter quelque chose de nouveau pour voir si j'étais en mesure de varier mes styles tout en gardant cette technique propre à moi.

Les poils du pinceau s'agitent sur le blanc que je recouvre à certains endroits, je commence grossièrement afin de voir le résultat, je sais que j'userai plus d'une toile avant d'arriver à la perfection. Seulement, je n'ai que quelques semaines pour réaliser mes futurs chefs-d'œuvre.

— Intéressant, résonne la voix de monsieur Stene derrière moi.

Je recule pour observer les premiers traits, je grimace en me demandant si c'est une bonne idée en fin de compte.

— Tu devrais épaissir ici et affiner là. C'est trop enfantin, pas assez précis, continu sur cette toile pour aujourd'hui. Nous verrons demain pour affiner les yeux.

— Je suis plus dans l'abstrait habituellement, me justifié-je.

— Oui, mais sortir de ta zone de confort ne peut que te faire du bien. S'ancrer dans un style peut devenir lassant ou ennuyeux et tu as les capacités de diversifier tes tableaux. Tu devrais même essayer autre chose que la peinture pour ce que tu veux représenter.

Sombre DériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant