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Aliona

Alex est plié en deux au bord de la rambarde qui entoure la glace. Il se moque de moi ouvertement et je ronchonne de ne pas réussir à tenir debout plus de trente secondes sur ces maudits patins. Le désir de l'envoyer balader me démange, mais le voir insouciant et rire m'oblige à prendre sur moi. Je suis certaine que cela ne lui est pas arrivé depuis des lustres. Je tente tant bien que mal de me relever, mais c'est un échec cuisant, chaque fois, mes pauvres fesses retrouvent le sol glacé. Alex glisse dans ma direction avec une telle aisance, que j'en suis jalouse. Il se place devant moi et me tend ses mains en souriant.

— Tu acceptes mon aide, maintenant ?

Lorsque nous sommes arrivés, j'étais sûre de réussir seule, j'ai insisté pour me débrouiller sans lui. En vain, je ravale donc ma fierté et saisis ses paumes gantées. Il me relève sans difficulté, je suis si raide sur mes jambes que je suis sûre que ce soir j'en aurai des courbatures.

— Redresse-toi et regarde-moi dans les yeux.

Je m'exécute, mais la stabilité ce n'est décidément pas mon truc perché sur ses engins de torture. Alex patine à reculant tout en m'entraînant avec lui, je ne préfère pas savoir l'image que je renvoie parce qu'à mon avis, elle n'est pas des meilleures. Après quelques mètres, mon derrière part en arrière, je sens la énième chute arriver, mais le bras d'Alex me retient juste à temps. Il me colle contre son torse et me fait pivoter afin de caler mon dos contre lui.

— Suis mes mouvements, murmure-t-il au creux de mon oreille.

Un frisson parcourt mon corps de part et d'autre. Le sentir si proche de moi ne m'aide pas à me concentrer, surtout quand je repense à notre baiser échangé plus tôt. J'ai dû mal à interpréter ce qu'il me fait ressentir lorsque je suis près de lui, mais c'est agréable. Il desserre ses bras, mais je m'agrippe pour ne pas qu'il me lâche.

— Tiens-moi, crié-je.

Un rire moqueur sort de sa gorge. Vexée et oubliant que je suis toujours sur la glace, je pivote pour lui faire face. Je bascule en arrière et par réflexe attrape le blouson d'Alex l'entraînant avec moi dans ma chute. Il se redresse aussitôt et son visage affiche de l'inquiétude. Le choc a été brutal et ma tête a cogné assez fort sur le sol, sans compter son poids sur moi.

— Tu vas bien ? s'alarme-t-il.

— Je suis un peu sonnée, mais je crois que je n'ai rien de cassé.

— On va arrêter là avant que tu finisses aux urgences.

Alex se relève et m'aide à faire de même. L'angoisse est présente et son insouciance a disparu, il me ramène au bord avec prudence et sans un mot. Puis une fois sortie de la patinoire, il me fait assoir sur le banc et délace mes chaussures sans me regarder. Il fuit tout contact visuel avec moi et je ne comprends pas pourquoi.

— Alex ?

— Oui.

— Je vais bien.

Alex reste dans son mutisme, ses doigts tremblent autour des lacets. Il finit par ôter les patins avant de me tendre mes bottes. Il se débarrasse des siens avec précipitation et enfile ses baskets usées par le temps. Il quitte le banc et enfin il me regarde avec une expression fermée. Son innocence s'est envolée en l'espace de quelques minutes pour une chute sans conséquence.

— On y va ? Je dois retourner chez moi.

— D'accord.

Il passe devant moi sans m'attendre, je le rattrape et glisse ma main dans la sienne. Il amorce un demi-arrêt sans pour autant me repousser. Nous déposons nos patins à l'entrée et une fois sur le trottoir ses doigts se resserrent autour des miens. Nous marchons en direction de mon appartement et je comprends qu'il n'a pas l'intention de passer le reste de la journée à mes côtés.

Sombre DériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant