Sombre Dérive

47

Aliona

Depuis quelques jours, je remonte la pente tout doucement. Liam est toujours présent pour moi, et j'ai terminé, toutes mes toiles pour l'expo grâce à cette pilule qu'il me fournit. En revanche, le portrait qui représentait Alex a fini son chemin dans un tiroir de ma commode en dessous d'une pile d'autres dessins. Je ne jette jamais mes œuvres, et celle-ci, même si elle me laisse un goût amer, n'ira pas à la poubelle. Je secoue la tête, refusant de repenser à lui, la cicatrice est encore bien trop fraîche et peu se rouvrir à n'importe quel moment. Ce qui compte dorénavant, c'est mon expo qui aura lieu dans neuf jours, et rien d'autre.

Je mets mon téléphone dans mon sac, puis j'attrape ma veste que je passe tout en enfilant mes bottines. Je dois rejoindre Liam chez lui, et l'heure approche. Mon corps me réclame cette poudre qu'il me donne depuis quelques jours en plus de la pilule qui me rend créative, d'après lui, on n'en devient pas accro, mais j'ai bien peur que si. Je tremble légèrement dès que je pense à ce que cela va me procurer quand ce poison, car c'en est un, circulera dans mes veines. Un bien-être que je ne pensais pas possible avant d'y avoir goûté. Il suffit de le sniffer et le tour est joué. Au début, j'ai eu du mal, mais la pratique et les jours passants, je suis devenue presque une pro.

Je ne suis pas fière de ce que je deviens et je me persuade que je ne serais jamais dépendante de ces produits illicites. Une fois la douleur estompée et la plaie refermée, je n'en aurai plus besoin. En ce moment, elle m'aide juste à tenir le coup, rien de plus et ça ne me fait pas de mal. Je sors de chez moi et me dirige vers le parking afin de retrouver ma voiture. Je monte à l'intérieur, mon téléphone émet une sonnerie. C'est Liam et je grimace en lisant son SMS.

[Désolé, Alex est là, ce soir.]

Je garde les yeux fixés sur ses mots. Cela faisait un moment qu'il ne s'était pas pointé chez Liam. D'après ce que j'ai entendu, lors d'une discussion entre Cole et la rousse qui était le plan cul d'Alex, il a fait un mauvais trip et a mis du temps à s'en relever. Bien sûr, je ne suis pas insensible face à cette nouvelle et je suis allée trouver Clémentine, pour en savoir plus. Elle est restée évasive en m'informant qu'il allait mieux. Je n'ai rien pu en tirer de plus, quant à Liam, il évite clairement le sujet Alex. J'ai l'impression que quelque chose ne va plus entre eux.

[Je viens quand même, je resterai près de toi.]

Je ne vais pas me priver de passer la soirée chez Liam pour lui. Je vais bien réussir à surmonter ce moment, non ?

Convaincue d'y arriver, je démarre, puis je prends la direction de chez l'architecte.

Lorsque je pénètre dans la maison de Liam, je ne pensais pas qu'il organisait une fête aussi grande. Je me demande toujours comment il fait pour avoir autant de monde chez lui, et ce pratiquement chaque soir de la semaine. Je sais qu'il deale, mais c'est tout, il reste très discret sur lui et sa vie privée. Je lui en ai sans doute dit plus sur moi que lui. À croire que le maître des lieux m'attendait, car il se précipite vers moi avant même que je ne pose mon blouson.

— Je l'ai envoyé se défoncer à l'étage en attendant que tu arrives. Tu peux t'installer dans ma chambre si tu le souhaites. Personne n'y entre sans mon autorisation.

— Non, ça ira, réponds-je, déterminée.

— OK, dans ce cas, je t'invite à te joindre à notre table. On se fait un poker, tu veux jouer ?

Je refuse, les jeux d'argent, très peu pour moi. Je préfère les regarder et voir les autres joueurs se faire dépouiller en tentant de bluffer. C'est bien plus amusant. Une partie va commencer, mais avant toute chose, j'attire Liam à moi et je n'ai pas besoin de lui parler, il comprend de suite.

— Attendez-moi les gars, je reviens.

Il saisit ma main avec douceur, puis m'entraîne avec lui dans la cuisine. Des personnes sont présentes, parmi lesquelles, Cole. Ce dernier me dévisage étrangement. Je crois qu'il m'en veut, car contrairement à Alex, lui est là à chaque fois. Il ne me parle pas, et se contente de m'observer en silence. Hésitante, je m'assois en face de lui, puis son regard dévie vers l'architecte qui dépose une poudre blanche sur la table.

— Tu déconnes, Liam, intervient le blond.

— Oh, c'est bon.

— Elle va plus que planer si tu lui refiles ce truc.

— Je vais doser light, lui assure-t-il.

— Ouais... réplique Cole pas convaincu en quittant la table.

Je lève les yeux vers Liam, un peu inquiète, mais d'un seul regard, je sais que je peux lui faire confiance. Il ne me nuira pas, j'en suis persuadée. Quant aux autres personnes dans la pièce, elles ne se préoccupent pas de nous et fument leur joint de leur côté.

— Attention, c'est un peu plus épais que ce que tu as l'habitude de prendre. Mais l'effet est bien meilleur, me confirme-t-il en me tendant la paille pour sniffer.

Sans plus réfléchir, j'inhale le produit. J'ai plus de difficulté, mais il m'encourage et me guide, puis j'essuie mon nez d'un revers de main une fois terminé.

— L'effet est rapide. Viens je vais t'installer sur le fauteuil près de la table de poker.

Toujours en confiance, je le suis, lorsque je me fige au milieu du salon. Alex est là, appuyé contre le mur près de la fenêtre, fumant son pétard. Mon cœur se met à battre vite, très vite tandis qu'une douleur comprime ma poitrine. Je pose ma main sur celle-ci, un vertige me prend et je m'agrippe au bras de Liam qui se tourne vers moi.

— Aliona ?

Sa voix résonne dans ma tête, on dirait un robot qui me parle. Je distingue vaguement Alex et je constate qu'il me regarde, puis ma vue se brouille, mes oreilles bourdonnent et je commence à paniquer. Des bras m'enserrent avec force, on me dit de revenir, mais je n'y arrive pas. Je pars pour un voyage qui me fait peur, je ne veux pas fermer les yeux, mais je ne contrôle plus rien. Je suis effrayée, puis les discussions me parviennent à nouveau comme un écho en pleine montagne.

— Bordel ! Mais qu'est-ce que tu lui as refilé ?

Je ne sais pas à qui appartient cette voix, mais il est en colère.

— Je t'avais dit de ne pas lui refiler cette merde !

C'est Cole qui parle, oui je crois que c'est lui.

— Je ne lui ai presque rien donné, se justifie Liam.

Mon dos rencontre une surface moelleuse, mes muscles se crispent et c'est douloureux.

Puis, viens le noir, le silence, et l'apaisement. Je ne lutte plus et me laisse transporter dans ce monde qui me paraît bien meilleur que celui dans lequel je vis actuellement. Je sombre et je n'ai pas envie de revenir.